Destruction. Carnage. Fléau. Ces termes résonnaient dans l'esprit de chacun dépeignant l'atrocité de cet effroyable accident. Pourtant aucune de ces expressions n'était assez puissante pour décrire l'enfer devant leurs yeux.
Un sentiment si intense qu'il liquéfiait sur place les médecins. De toute l'horreur dont ils avaient été témoins à l'hôpital, celle-ci dépassait bien plus que de raison leurs espérances. Un choc réduisant au silence quiconque veuille dire mot.
Ici et là, des dizaines de voitures imbriquées les unes dans les autres laissaient penser qu'une partie de dominos géants s'y était déroulée. Certains véhicules gisaient sur le toit ayant sûrement fait quelques tonneaux pour se retrouver dans cet état-là. D'autres ne se situaient même plus sur la route, mais dans le bas-côté en mauvaise posture.
Si la mort ne les avait pas encore touchés, ils ne se trouvaient qu'à un pas de celle-ci au bord d'un précipice.
Dans les coins sombres et retranchés de cette catastrophe, la Grande Faucheuse faisait son nid sans que personne ne l'ait invitée. Le vide et l'obscurité semblaient de connivence sur cette route accidentée.
Un vent glacé de calamité soufflait sur cette voie cabossée où le silence le plus total lui répondait. En dépit de ce mutisme, bon nombre essayaient de se faire entendre. Malheureusement, la pluie diluvienne rendait les cris perçants des blessés inaudibles.
À quelques pas d'ici, Brook s'activait auprès d'une voiture dont le capot fumait en continu. La passagère semblait en mauvaise posture, mais le docteur ne s'avouait pas vaincu.
« Madame, vous m'entendez ? lui demanda-t-il en tapotant légèrement sur sa joue. Je suis médecin, on va vous tirer de là, d'accord ? »
La patiente, bien trop mal en point, sombrait dans un état de léthargie, inconsciente. Incapable de se mouvoir, elle ne pouvait répondre aux questions que le praticien lui posait. Pourtant, elle écoutait tout ce qui se passait seulement, son corps ne semblait plus être le sien.
Sa voiture n'était pas des plus endommagées, mais le choc à l'avant ainsi qu'à l'arrière, l'avait presque détruite. Si la vie de la jeune femme relevait du miracle, Brook s'assurerait qu'elle le reste.
« Bon, elle est inconsciente, a une plaie béante à la tête et d'après les lacérations de sa ceinture de sécurité, elle fait une tamponnade cardiaque.
— Son pouls est faible, elle est en hypothermie, indiqua Dan en attrapant son poignet pour vérifier sa tension.
— Très bien, tu fais la ponction du péricarde et je m'occupe de la plaie. »
Ni une ni deux, les deux amis s'armèrent de leurs meilleurs outils pour affronter cette urgence médicale. D'un seul homme comme s'ils s'y étaient entraînés toute leur vie, leurs mouvements se coordonnèrent à la perfection.
Tandis que Brook s'activait à refermer cette plaie qui s'étendait du sommet du crâne jusqu'à la tempe droite, Dan se munit d'une seringue afin de drainer le sang et soulager la pression autour du cœur.
Tous deux s'appliquèrent dans leur tâche et leurs mains de fée firent des miracles. Daniel parvint à redonner un rythme cardiaque normal à la patiente. Quant à Brook, il finit de recoudre la balafre avec soin.
Une fois leur devoir accompli, l'accidentée les remercia en ouvrant les yeux, signe de son imminente guérison.
« Elle a repris connaissance, s'écria Dan.
— Madame, tout va bien. Nous avons pansé vos blessures. Mon collègue va vous emmener à l'hôpital pour des examens approfondis.
— Merci, ce soupir échappa la commissure de ses lèvres dans un ultime souffle. »
Une dizaine de secondes s'écoulèrent pendant laquelle la jeune femme regarda les deux médecins, les yeux remplis de reconnaissance. Ils venaient de lui sauver la vie alors qu'elle sentait son corps l'abandonner.
Avant de partir dans l'ambulance, elle serra la main de Dan dans un ultime remerciement pour le prix de son existence. Et celui-ci le lui rendit en affichant un sourire sincère sur son visage.
Non loin de là, Lyn s'activait elle aussi de son côté. Même si elle avait pris sur elle tout ce qu'elle ressentait en voyant cette catastrophe, elle ne restait pas moins efficace.
La jeune médecin s'évertuait à courir de tous les côtés pour couvrir le maximum de surface. Sa technique consistait à faire le repérage des lieux pour faciliter les diagnostics.
De cette manière, elle remarqua un vieux monsieur, la soixantaine passée, coincé dans sa voiture retournée. Sa position ne semblait guère confortable. Pourtant, il était conscient, ce qui surprit Carolyn.
« Monsieur, vous m'entendez ?
— Mieux encore, je vous vois, d'ailleurs vos chaussures sont dans un piteux état, mademoiselle, admit-il dans un franc parlé qui déconcerta la jeune femme.
— Si vous le dites. Vous avez mal quelque part ?
— Hormis le fait que je sois coincé dans ce qui était un carrosse, non.
— Très bien, je vous ausculte et on vous tire de là, d'accord ?
— À bon entendeur ! »
Certaines personnes avaient le don de voir toujours le positif dans les situations les plus épouvantables. Ce monsieur n'en était que l'exemple le plus évident. Toutefois, dans la plupart des cas, une grande jovialité cachait une blessure profonde.
Ayant en tête ce dicton de son ancien professeur, Lyn savait qu'elle devait prêter attention au moindre détail, car ceux qui ne se lamentent pas sont souvent les plus à plaindre.
Munie de sa lampe de diagnostic, elle s'assura que son patient n'avait aucune commotion cérébrale. Puis, avec son stéthoscope, elle écouta les pulsions de son cœur qui lui indiquèrent le bon état du soixantenaire.
À première vue, l'homme ne souffrait d'aucune lésion. Pour le garantir et éloigner tous les doutes possibles, Lyn tâta son corps avec vigilance. En effet, aucune plaie n'était visible.
« Monsieur, il semble que vous n'ayez aucune blessure, mais par précaution, je vous mets cette minerve avant que l'ambulance ne vous emmène.
— Ah les jeunes et la prudence. Faites donc cela, mademoiselle. »
Carolyn plaça l'appareil orthopédique sur les vertèbres cervicales avant que le chauffeur ne l'aide à l'extirper de sa voiture. La sortie du soixantenaire s'allongea dans le temps, mais ils ne voulaient prendre aucun risque.
Sans encombre, le patient qui n'avait rien dit durant la procédure monta dans le véhicule d'urgence. Il adressa un bref merci à Lyn en mimant quelqu'un enlevant son chapeau. Cette attention fit grand bien à la jeune femme qui, pour la première fois sur ce lieu, affichait des yeux pétillants.
_______
J'espère que ce chapitre vous aura plu. N'hésitez pas à me dire ce que vous en avez pensé, je serai plus que ravie de lire vos commentaires.
Que pensez-vous de l'histoire jusqu'à présent ?
Des théories pour la suite du récit ?
Comment réagiriez-vous face à cette catastrophe naturelle ?
Quelles sont vos impressions par rapport à ces sauvetages ?
♥ À bientôt pour la suite de cette aventure livresque. ♥
VOUS LISEZ
MédiCieux
Aktuelle LiteraturLe 26 Août 2005, alors que les éléments se déchaînent, des vies sont brisées et des destins se lient. Tandis que l'ouragan Katrina joue une partie d'échecs avec les Cieux, l'existence de trois médecins se retrouve mêlée à une adolescente étrange. Lo...