Chapitre 3.5

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Oikawa fêta ses seize ans toujours sans un signe. Sa relation avec Iwaizumi était au beau fixe –pas vraiment officielle, mais tout le monde s'en doutait, famille comprise, et personne n'émettait d'objection, comme s'ils s'étaient résignés à ce que son âme sœur n'apparaisse pas.

-C'est peut-être quelqu'un sans émotions ni sensations, dit simplement sa sœur en haussant les épaules.

-Dans ce cas-là, ce n'est même pas quelqu'un, répliqua Oikawa.

Les membres de sa famille, et la plupart de ses amis, avaient déjà trouvé leurs âmes sœurs et s'étaient immédiatement mis en couples avec elles. C'était naturel, disaient-ils ; impossible de faire autrement en partageant un tel lien. C'est une harmonie, un équilibre, un échange constant. Mais il y avait des exceptions. Ceux dont les âmes sœurs avaient disparu, et ceux qui avaient eu une volonté assez forte pour résister à ce lien –et, après quelques mois ou quelques années, celui-ci finissait par s'annuler. Alors, au fond, peu importait : Oikawa avait choisi Iwaizumi, et ce serait Iwaizumi, avec ou sans âme sœur.

Et puis, les manifestations commencèrent.

Ce n'était pas quelque chose d'évident, pas une soudaine douleur ou une sensation inexplicable –pas comme Mattsun, qui avait chatouillé Makki et s'était retrouvé à rire plus fort que lui. Ce n'était pas non plus quelque chose d'heureux. Oikawa ressentait une pesance dans sa poitrine, un pincement au cœur inexplicable. Il ne savait pas d'où cela pouvait provenir –tout allait bien avec sa famille, ses amis et Iwaizumi, il était performant en sport et en classe, rien ne le tracassait.

Et pourtant, il lui arriva de se réveiller et de trouver des marques de sel autour de ses yeux sans avoir souvenir d'avoir pleuré. Tout allait bien, et rien n'allait –et, lentement, il finit par comprendre que ces sentiments ne venaient pas de lui. Après tant de temps, son âme sœur daignait enfin montrer une présence.

-Je la sens, avoua un jour Oikawa à Iwaizumi, tandis qu'ils approchaient de la fin de l'année. Je sens des choses qui ne m'appartiennent pas.

-Je ne ressens toujours rien, répondit Hajime. Mon âme sœur doit être un caillou.

-Dans ce cas vous irez bien ensemble, Iwa-chan, feignit de plaisanter Oikawa. Mais pour moi, qu'elle existe ou pas, ça ne change rien. C'est toi que je choisis.

En vérité, son âme sœur le fatiguait. Rien de positif ne semblait provenir d'elle, et Tooru faisait de son mieux pour égayer un peu un quotidien que cette peine étrangère rendait maussade. Plus d'une fois, il eut des effets physiques plus poussés –soudain essoufflé en étant allongé dans son lit, somnolant en pleine journée, souffrant régulièrement de courbatures malgré tous les étirements qu'il faisait au club.

Parfois, il se demandait ce que son âme sœur pouvait bien ressentir en échange. Elle avait dû prendre conscience de ses problèmes de genou, vu la douleur engendrée ; sentir la colère et la frustration qui l'avaient envahi en perdant de nouveau contre Shiratorizawa. Un moment, il se demanda si elle ressentait aussi l'amour qu'il éprouvait quand il se trouvait avec Iwaizumi.

Ses examens venaient de se terminer quand Iwaizumi lui proposa d'aller voir leurs cadets jouer.

-Ils sont en finale, déclara-t-il fièrement. Je suis sûr qu'ils peuvent se qualifier pour les Nationales, je veux voir ça.

Oikawa avait suivi, à moitié pour voir Kageyama jouer. Il avait entendu dire que son cadet s'était gagné le surnom de Roi du Terrain, et voulait voir à quel point il avait évolué –tout en prenant soin de repérer celui qui deviendrait sûrement son rival par excellence l'année suivante, qu'il aille à Aoba ou pas.

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