Chapitre 11

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Oikawa était quelqu'un d'assez angoissé, sous ses dehors futiles. Il était trop compétiteur, trop perfectionniste pour ne pas s'inquiéter de l'avenir. Et la situation dans laquelle il était plongé lui mettait les nerfs à vif.

Il s'était de nouveau isolé dans le salon, appuyé à la fenêtre pour avoir de l'air frais et essayer d'aérer ses pensées –sans succès. Il faisait froid, mais ça l'aidait à reprendre ses esprits et à redescendre un peu, même s'il n'arrivait pas à réfréner la tension bouillante au fond de lui. Voir le paysage urbain sous ses yeux ne faisait que lui rappeler qu'il était incapable d'estimer à quelle distance était Tobio de lui ; et qu'il n'avait, en soi, rien de concret à proposer aux enquêteurs. Cette pensée le rendait profondément maussade.

Il avait les yeux dans le vague, perdus à l'horizon, et n'entendit que de loin un bruit de pas s'arrêter à côté de lui. Hayashi ? Hinata, Ushijima ? Il se sentait fatigué rien qu'à l'idée de leur parler, de repartir dans des discussions qui tournaient toujours en rond –de ne faire que discuter, débattre et ne pas agir au moment où les choses en étaient à un point critique.

Il se tourna finalement, et ce fut le visage de Romero qui l'accueillit.

La gorge d'Oikawa s'assécha instantanément. Ils ne s'étaient jamais retrouvés isolés tous les deux, n'avaient encore jamais eu l'occasion de se parler en privé ; et malgré l'air bienveillant du joueur brésilien, c'était probablement l'interaction que Tooru redoutait le plus. Celle avec le petit-ami en personne de Kageyama, qu'importe si leur relation était incomplète –il revit les gestes de tendresse de Romero au match des Adlers, les lignes de cœurs par message, les mots de Miwa et Hinata... C'était déjà bien assez. Bien trop.

Ils se regardèrent un instant dans le blanc des yeux, puis Romero-san se lança, en japonais :

-Tooru, c'est ça ?

Oikawa eut envie de demander depuis quand ils étaient si intimes, mais s'en abstint –il était bien conscient, depuis son temps en Argentine, que le système de nomination n'était pas partout pareil, et n'avait pas souvenir d'avoir vu Romero employer un nom de famille, même sur le terrain. Il décida de laisser faire, et s'appliqua à réduire son débit de parole et à soigner son articulation pour que le champion comprenne ce qu'il dise sans trop de peine.

-C'est ça. On n'a pas encore eu l'occasion d'être officiellement présentés, Romero-san.

Et dans quelles autres circonstances auraient-ils pu l'être ? Tobio n'aurait jamais présenté son copain de lui-même à Oikawa, quelles raisons aurait-il eu de le faire ? Il était trop peu rancunier pour venir se vanter à Tooru qu'il s'était trouvé quelqu'un –belle ironie alors même que son âme sœur qui l'avait rejetée était tristement célibataire et ne savait qu'enchaîner les conquêtes d'un soir.

-Appelle-moi Nicolas, se contenta de répondre Romero.

Il sourit en disant cela, simplement et naturellement, sans aucune prétention. C'était la première fois qu'Oikawa le voyait vraiment sourire depuis que l'enquête avait commencé –et, chez Nicolas, c'était un signe solaire, la blancheur de ses dents contrastant avec son bronzage et les poils noirs de sa barbe, ses yeux sombres immédiatement illuminés. Tooru voulut lui répondre par un sourire semblable, mais il savait qu'il n'en était pas capable. Lui ne savait pas être aussi sincère, ses expressions de joie étaient rarement autre chose que des façades.

Nico est quelqu'un de bien pour lui. Il est posé, il est toujours de bonne humeur. C'était ce qu'avait dit Miwa, et c'était facile à voir. Au fond, il était sûrement mieux pour Tobio de s'être attaché à cet homme que d'avoir accepté son âme sœur –Oikawa n'était ni posé ni joyeux, il était instable et amer, tout le temps préoccupé par ses complexes, se raccrochant comme il pouvait au volley pour garder un objectif en tête. Mais ce n'était pas la question. Ils devaient coopérer. Si Romero et lui avaient une chose en commun, c'était de vouloir sauver Kageyama.

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