Chapitre 4

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-Inspirez profondément. Faites le vide dans votre esprit, essayez d'en ôter tout ce qui l'encombre pour ne vous concentrer que sur vos sensations.

Oikawa avait fermé les yeux, assis au bord de son lit, les mains posées sur ses genoux. Il est marrant, lui..., songeait-il en serrant les dents. Tobio est retenu quelque part, c'est une question de vie ou de mort. J'ai découvert qu'il a une sœur et elle me déteste. Son copain et son colocataire sont avec la police dans ma cuisine.

Il sentait que les effets des annihilateurs commençaient à disparaître, mais avait du mal à discerner les choses –était-ce sa propre panique qu'il ressentait, ou celle de Tobio ? Est-ce que la situation lui donnait mal à la tête, ou était-ce toujours lié aux migraines de la nuit ? Il se concentra sur sa respiration, guidé par la voix d'Hayashi :

-Il y a vos sensations, vos sentiments, et ceux qui ne vous appartiennent pas. Ils sont ancrés en vous depuis toujours, depuis que votre relation d'âmes sœurs a commencé à exister. Vous savez les différencier des vôtres, c'est quelque chose de naturel. Vous pouvez les distinguer.

Oui. A présent qu'il se calmait, Oikawa pouvait attribuer ce qu'il ressentait à lui-même ou à Tobio ; c'était inné, il le savait, tout simplement, sans explication logique. Tout ce qu'il ressentait venait de lui, d'en lui –et ce qui provenait de Kageyama apparaissait comme en miroir, jeu d'authenticité et d'écho à l'intérieur même de son être. Comme s'il était fondu dans son épine dorsale, comme si son ombre était cousue à la sienne.

-Essayez de diminuer la place que prennent vos propres sentiments. Laissez grandir ceux que vous recevez, accueillez-les. N'ayez pas peur.

Il y a des raisons d'avoir peur, pensa Oikawa en rompant brièvement sa concentration. Plonger dans la psyché de quelqu'un dans une situation aussi critique ne prévoyait rien de bon, il le sentait –comme à son retour de jogging, quelque chose de lourd, d'emmêlé, qu'il n'osait pas regarder de trop près, dont il ne voulait pas déplier les pans.

Il se fit violence. Un long frisson le parcourut, courut sur la peau pour la hérisser de chair de poule, et il retint son souffle comme s'il avait été immergé dans de l'eau glacée. La douleur dans son crâne se manifesta de nouveau, plus vive et plus aiguë, vrillant sa tête d'une barre de plomb. Le sentiment de malaise se renforça, comme rongeant petit à petit les chairs dans sa poitrine, tressaillant d'une foule de sentiments étrangers –la confusion, l'inquiétude, la peur, qui tendaient de plus en plus à la panique tandis qu'il continuait son intrusion, plongeant dans les méandres de ces ressentis abstraits, touchant enfin à quelque chose, sentant enfin que le lien se faisait pleinement et-

Il rouvrit brutalement les yeux, pantelant, rompant tout d'un coup.

-Oikawa-san, ça va ?

C'était la voix d'Hayashi, qui lui paraissait loin, tellement loin. Il avait du mal à reprendre son souffle, et sentait une goutte de sueur rouler sur sa tempe.

-O-Ouais, articula-t-il en s'appuyant sur ses genoux.

-Dites-moi tout. Qu'avez-vous vu ? Qu'avez-vous ressenti ? C'était la première fois que vous alliez si loin ?

Il lui fallut plusieurs secondes pour retrouver son souffle, puis il hocha la tête. Pour aussi bref que le contact ait été, il l'avait exténué, vidé de son énergie. Et pourtant, il était loin d'en avoir tiré quelque chose de concret...

-De la peur, dit-il finalement. De l'incertitude. Toujours mal à la tête. Rien qui ne nous avance vraiment.

Qu'espéraient-ils de lui ? Le lien des âmes sœurs était remarquable, mais ne lui permettait pas d'agir pour Tobio ni de voir à travers ses yeux. Il n'avait que des ressentis indistincts liés à lui, mais serait incapable de déterminer la distance qui les séparait, ou quoi que ce soit d'autre qu'une vague douleur et qu'une inquiétude évidente.

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