FATAL POISONING (W/ J.B) || Terminée

15. Pour la première fois, j'allais le dire à haute voix

Le tambour qui s'exerce dans mon cerveau, frappant contre les parois intérieurs de mon crâne, me réveille brutalement. Je pose ma main là où je repère la douleur, appuyant dessus dans l'espoir qu'elle s'arrête mais rien à faire, ça continue encore et encore. Je plisse mes yeux, me mordant la lèvre du bas, lorsque tout d'un coup tout me revient, aussi brutalement qu'un coup d'éclaire. Tout défile comme la rediffusion en boucle d'un cd. J'ai craqué. J'ai laissé tomber tout ce que j'avais réussi à bâtir en l'espace d'un an. J'ai appuyé sur retour. Je me déteste de tout mon être. Je suis une pauvre conne sans le moindre avenir. Alec.

Comment j'ai pu ... Le jour de son enterrement ... J'avais pas le droit ... J'aurais jamais du ... Le pire, c'est que j'ai aimé ... J'ai aimé chaque goûte, chaque taffe, chaque aspiration, comme si je n'y avais pas touché depuis l'éternité. Je ferme les yeux, inspirant l'air intérieur de ma chambre, de manière à calmer la tension de mon cœur. Je relève le haut de mon corps et remarque directement la présence de mes deux meilleurs amis, celle de celui qui m'avait tant aidé à m'en sortir et du garçon qui me rend tellement dingue. Je croise au fur et à mesure leur regard. Dearf. Ryan. Kyle. Justin. Ils sont tous là, aucun manque à l'appel. Chacun de leur regard est encore plus dure que je n'aurais pu m'imaginer. La noirceur de la colère est aussi noir qu'une nuit d'hiver. J'ai mal. J'ai mal, mais je n'ai pas mérité de ne pas connaitre cette douleur-là. Je me suis laissée contrôler par une maladresse, une faiblesse sans aucun cœur, alors oui, j'ai mal. Mal de devoir affronter leur déception. Je baisse la tête, essayant d'échapper à chaque reproche, mais c'est sans issue.

« Tes parents t'attendent dans le salon, me prévient Kyle d'une voix presque douce. »

Mes parents. Mon père. Un haut le cœur vient frapper contre ma poitrine à l'instant même où je ressens sa déception, le brisement de notre confiance. Une larme s'incruste au bord de mon œil droit pour s'étaler lentement contre ma peau. Je la balaye de ma main libre et inspire fortement de manière à montrer que j'assume mon acte, mais je crèverais pour partir de l'autre côté. Je soulève la couette me lève faiblement de mon lit. La fraîcheur de la pièce se pose contre ma peau, m'arrachant quelques frissons. Je relève la tête et croise le regard de Justin. Je n'ai pas le temps de ressentir quelque chose, qu'il tourne son regard vers la porte de ma chambre. Je la regarde à mon tour, avant de la passer pour atteindre les marches de l'escaliers.

J'enchaîne mes pas, sentant mon ventre se nouer au fur et à mesure que j'avance. Arrivée en bas de l'escalier, j'inspire profondément, et me rends dans le salon, ayant une grande chance de trouver mes parents là. Exact. Ils sont tous deux assis sur une chaise en bois foncée autour de la table principale. La mine de ma mère est achevée, complètement épuisée par les larmes qui ont sans doute du glisser durant la nuit. Celle de mon père est dure et triste à la fois. Ses mains sont reliées entre elles, et son regard est rivée sur le bois de la table. Je frotte l'avant de mon bras, avant d'inspirer fortement.

« Kyle m'a dit que vous vouliez me voir, prononçais-je d'une voix tremblante. »

Le visage de mon père se redresse vers moi tout comme celui de ma mère. Aucune réponse. Non, aucune. Juste le glissement du doigt de mon père sur la table jusqu'au-devant d'une chaise. Les larmes me saturent le cœur. J'ai envie d'exploser, mais j'ai aucun droit. Je dois affronter ma connerie. Assumer mon acte sans blâmer. Je m'avance sur le parquet du salon, et attrape d'une main fragile le dossier de la chaise. Je la tire vers moi, et me mets sur le côté, avant de m'asseoir dessus. Je replis mes pieds sur le cran des pieds et faufile mes mains sous mes cuisses. La tension dans l'air est brutale, presque irrespirable. Je reste le regard fixé sur une fissure sur la table, attendant un signe de parole, mais les minutes s'écroulent et rien ne se fait entendre. Je ne sais pas quoi dire. Ou bien même quoi faire. Je n'ai qu'une seule chose à dire.