Jeune Histoire

Chapitre 1

Kaya

*Mardi matin, lendemain de la rentrée*

Il faut que je me dépêche, sinon je vais être en retard en sport. En plus, pas de bol pour moi, j'ai oublié mes affaires. Le prof va à coup sûr, me prêter un vieux jogging à mettre qui sera dix fois trop grand pour moi. C'est comme ça que ça se passe quand un élève oublie ses affaires. Lui, doit croire qu'il nous sauve la mise avec ces vieux joggings de secours mais vu leur forme, c'est plutôt une punition. Je me maudis de l'intérieur de l'avoir oublié, surtout quand je sais qu'il se trouve dans un sac plastique posé juste sur mon bureau que je n'ai bien évidemment pas pris en partant. Mais bon, trop tard, je me plaindrais plus tard, là, il faut que je me bouge.

J'entre enfin dans le vestiaire des filles après que le prof, Monsieur Kavodski, m'ai sorti son baratin : - Oui le cours de sport c'est pas la cour de récré, c'est un cours très important, il faut arriver à l'heure comme aux autres cours blablabla... Cet homme de la quarantaine, le crâne aussi lisse qu'un ballon de foot et toujours, je dis bien toujours en survet', me tend un vieux jogging gris difforme, que je me force à prendre surtout pour ne plus entendre son discours à la noix. Kaya ça t'apprendra à oublier tes affaires !

Je rejoins Jade qui est déjà en tenue, assise sur le banc des vestiaires. Elle joue avec une mèche de cheveux qu'elle enroule et déroule autour de son doigt en fixant son téléphone. Je la trouve vraiment canon Jade. C'est le genre de fille aux yeux bleus avec des cheveux naturellement lisses et blonds, sans oublier son corps de rêve qui ne passe pas vraiment inaperçu. Je dois avouer que parfois ça me démoralise d'être à côté d'elle quand les regards envieux des filles et insistants des gars me rappellent que ce n'est pas moi dans leur champ de vision. Mais après je me ressaisi vite parce qu'au final, être invisible n'est pas plus mal. Et Jade c'est une fille en or, on est amies depuis le CE1. Vous savez le genre d'amitié qui commence par : - Salut tu veux faire un jeux avec moi ? - D'accord ! - Super, moi c'est Jade et toi ? - Kaya. Et qui finit par : - Je t'adore, tu es ma meilleure amie. Depuis, on ne se quitte plus. On a enchaîné les années dans la même classe jusqu'à maintenant. La Terminale ES 2 au Lycée Jacques Prévert à Boulogne Billancourt.

- Hey Kaya ! Lance Jade en me faisant un signe de la main.

- Coucou, répondé-je essoufflée. Je suis à la bourre !

J'enlève mon jean et enfile l'horreur qui me sers de jogging.

- Dis-donc toi, pourquoi t'as pris le jogging de ton père ? Demande la blonde en pouffant.

- C'est celui que Kavodski m'a prêté, j'ai oublié le mien...

- Remarque, c'est à la mode les trucs oversize.

- Arrête, je sais que c'est hideux.

- C'est pas ce qui te mets le plus en valeur c'est vrai... Acquiesce-t-elle désolée.

On s'installe en tailleur devant le prof au milieu de l'immense stade. J'attache mes cheveux en une queue de cheval haute. On se connait tous de vue mais c'est pas comme si on s'entendait tous bien. Le lycée, les querelles, les rumeurs, les profs relous... Bref, pas besoin de faire un dessin.

Kavodski commence à faire l'appel, ce qui me permet de mettre des noms sur certains visages, même si je n'en retiens aucun. J'aperçois derrière un groupe d'élèves qui chahutent, un gars que je n'ai jamais vu répondre présent à l'appel et me lancer un regard plutôt long juste après. Un nouveau sûrement. Enfin, je dois me faire des idées, surtout que j'aimerais que pour ce premier cours, les gens ne fassent pas trop attention à moi et mon super jogging.

Le chauve nous donne des explications sur le sport qu'on va pratiquer ce trimestre : la course.

Oh non ! Je déteste ça. J'aime pas courir et ça, depuis le CM2. Je courais pour rattraper un ballon et j'ai trébuché devant toute la cour de récré. Mais c'était pas une petite chute du genre on met un pensement sur le bobo et c'est reparti. C'était plus du genre les pompiers qui débraquent et je suis ressortie de l'hôpital avec des points de suture et le bras cassé. Bon, j'avais onze ans certes, mais ça m'a traumatisée.