Chapitre 1

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Isabelle se réveilla les yeux bouffis par la fatigue. Elle prit sa miteuse brosse à cheveux, recevant quelques gouttes d'une fuite d'eau au passage et brossa vivement sa longue chevelure blonde.

Puis, elle s'empara d'une robe passée de mode et s'escrima à l'enfiler. 

Elle finissait de mettre ses bas quand son père entra en trombe dans sa chambre.

- Isabelle ! Oh veuillez m'excuser je vais repasser.

- Non, père, entrez. Voyez, j'ai fini.

Monsieur De Marthe entra dans la chambre de la jeune fille et soupira en voyant les moisissures qui s'étaient emparées du lieu. Il était grand, la moustache soignée et les vêtements propres mais rapiécés. Il grognait sans cesse et ses chaussures qui claquaient sur le sol étaient la terreur de bon nombre de villageois.

- Isabelle, le temps est venu pour vous de vous trouver un mari.

La jeune noble plongea sur son lit et enfouit son visage dans les couvertures. Un mari ? Mais pourquoi ? Elle allait devoir se fiancer à un vieux baron, horrible et gâteux qui lui offrirait des bagues et des colliers en échange de sa docilité. En tant que jeune fille rebelle, elle s'enfuirait et serait retrouvée morte pour avoir tenue tête à son mari cruel. Pourtant, elle le savait, le temps était venu, elle avait seize ans à peine et certaines étaient déjà mariées depuis plusieurs années à son âge, voire avaient des enfants ! Elle ne pouvait plus repousser l'échéance.  

- Très bien, murmura-t-elle en se redressant, la tête froide.

- C'est pour cela que tu vas aller à Versailles, dès cet après-midi.

Isabelle sentit ses jambes se dérober sous elle. La pauvre allait devoir quitter son patelin qu'elle aimait tant ! Que de mauvaises nouvelles en ce début de printemps frisquet. 

- Merci de votre honneur, père. Je sais combien il vous en coûte de devoir payer toutes les dépenses qu'engendrent ce voyage. 

- Merci de ta sollicitude ma chère. Il est temps pour moi de retourner guerroyer. Prie pour moi  mon enfant.

Isabelle hocha la tête. Lorsque son père sortit, elle s'effondra sur son lit à baldaquins troués. Hélas, la jeune fille n'eut pas le temps de s'apitoyer sur son sort. Une bonne qu'elle affectionnait ouvrit doucement la porte. Isabelle se leva de son lit et courut vers la jeune femme.

- Oh ! Marie, ma chère Marie, c'est affreux ! Je vais devoir aller vivre à Versailles. Je n'en puis plus de tout cela. En outre, je vais devoir me marier ! Tu te rends compte ? Epouser un vieillard immonde et gâteux car, qui voudrait de moi à part quelqu'un comme cela ?

- Mais mon enfant, vous êtes aussi ravissante qu'une fleur de printemps à peine éclose. Tous les gentilhommes de la cours se précipiteront vers vous. Mais à ce jour, il est temps de faire vos bagages. J'ai tout de même une petite surprise.

- Quelle... Surprise, hoqueta la jeune fille entre deux reniflements.

- Quelqu'un a déposé ceci devant le château ce matin. C'est une malle remplie de robe à la mode pour votre spectaculaire entrée à Versailles. Vous aurez l'air d'une reine.

- Je n'ai que faire de ces fanfreluches. Je veux rester ici avec toi et les fermiers du village. Je ne connais rien aux bonnes manières. On va se moquer de moi ! Tous les précepteurs que mon père a engagé ont essuyés des échecs pour mon cas. Je suis irrécupérable !

La bonne eut une moue exaspérée. Parfois, sa protégée se montrait si capricieuse.

- Faites vos malles, nous partons dans quatre heures et il vous faut manger un peu. La route sera longue.

- Tu... Tu as dit "nous" partons ?

- Oui, je viens avec vous ma chère.

Isabelle sourit et pris son amie dans ses bras. Puis, elle fonça vers sa garde-robe pour tenter de trouver de quoi s'habiller là-bas. Elle se souvint de la malle que l'inconnu lui avait offerte. La jeune fille fourra tout dans celle-ci. 

Elle n'avait pas besoin d'emporter grand chose. Elle ne possédait pas beaucoup d'objets de valeur. Deux ou trois colliers d'or tout au plus, cadeaux de sa mère décédée depuis peu, ce qui avait, d'ailleurs, ruiné la famille, sont père dilapidant la fortune familial dans le jeu pour oublier la mort de sa douce. Isabelle laissa échapper une larme au souvenir de cette femme délicate et gentille, pour qui elle avait tant d'affection.

- Et mon père qui nous a précipité vers la décadence ! Il va maintenant faire la guerre ? Puisse-t-il revenir avec un membre en moins, siffla l'adolescente entre ses dents.

Isabelle rougit en s'entendant parler. Qu'est-ce qu'elle était ingrate ! Elle se signa et demanda pardon pour ses paroles incontrolée, puis, la jeune fille se remit au travail pour la préparation de ses bagages.

Lorsqu'elle eut fini, une petite heure seulement avait passée. 

Elle descendit festoyer dans la salle à manger et se régala de petites pâtisseries normandes faites par la cuisinière. 

Pour tuer le temps, Isabelle se dirigea vers la bibliothèque et se mit à lire avec ardeur. Elle pris une douzaine d'ouvrages et les mis dans sa malle qu'elle referma sèchement.

Enfin, l'heure du départ arriva et elle monta dans le fiacre avec amertume. Elle secoua la main pour dire aurevoir à sa campagne adorée et aux domestiques qu'elle aimait. Marie se plaça à côté d'elle. La cariole s'ébranla.

Isabelle était en route pour Versailles !


Histoire d'une favorite.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant