1- Et je sombrais dans les ténèbres

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~ Lu et non gagnant  ~

Thème - "Vous êtes passionnés d'arts, vos petites mains produisez des pièces sublimes qui en étonne plus d'un. Un bon jour, a la manière de Pinocchio, l'une de vos œuvres prend vie...quel impact aura-t-elle sur votre quotidien d'artiste ? Sera-t-elle remplie de bonnes intentions ou dévorée par un sentiment plus sombre ?"

        Le drame est survenu subitement. Comme n'importe quel drame me diriez-vous. Cependant, avant de connaître ce déchirement du cœur, ce cataclysme sentimentale, je n'avais jamais envisagé la douleur qu'une telle perte pouvait causée. Pourtant en temps qu'artiste, en temps que femme explorant constamment de nouvelles perspectives, j'aurais dû m'y préparer. Envisager, imaginer qu'un jour cela arrive... Cela m'arrive... Depuis sa disparition, plus rien ne va avec Georges. Il ne cesse de ce noyer dans l'alcool. A ses yeux je ne suis plus là. Plus rien n'est là. Il fait face à un trou noir. Béant, ouvrant une gueule sombre, noircit des cendres des disparus, prêt à tout engloutir dans son passage. Notre couple en premier. Viendra ensuite nous même. Et enfin le reste du monde. Ce même monde que nous ne voyons plus qu'au travers d'un voile d'eau croupie, suintant de nos yeux comme deux minuscules cascades brunâtres. L'eau pour les larmes. Croupie pour la misère qui nous habite depuis sa mort.

        Depuis ce jour, je me suis découverte un talent. Ce même talent qui m'empêche de penser à ce qui m'entoure et paradoxalement de penser à tout. Quand je travail sur mes poupées, j'ai l'impression d'avoir fait mon deuil sans pour autant avoir refermé la plaie que la mort laisse sur les proches des condamnés. C'est ma meilleure amie Lily qui m'a fait prendre confiance en mon art. Elle dit que j'ai un don : celui de donner un semblant de vie à mes créations, de redonner la vie alors que celle de Lucas lui avait été arrachée et que je n'avais rien pu faire pour la lui restituée. Depuis sa mort, j'ai l'impression de ne plus être moi. Plus entièrement en tout cas. Comme si l'on avait arrachée les ailes d'une fée en plein vol et qu'elle se retrouvait happée, déchirée, sanguinolente, tombant d'une façon effrénée vers le sol, attendant ainsi le moment de l'impact duquel elle ne se relèverait pas. J'ai alors ressentit le besoin de créer. De recréer mon fils. Un fils de fils, de tissus et de boutons. Une poupée à l'effigie de mon petit garçon. Mais d'un autre côté une peur effroyable habité mon être. Une peur du souvenir. Une peur de la douleur que de me rappeler le pétillement de ses yeux ou son sourire chatoyant qui illuminait mes jours heureux. Alors j'ai attendu. Longtemps. Trop longtemps. Tellement que ce besoin, de me raccrocher à lui n'avait cesser de croître en mon être. Qu'est ce que je n'aurais pas donner pour le serrer à nouveau dans mes bras ? Mais je le savais, c'était impossible. Ce désir était pourtant si puissant, si fort, que je l'ai fait. Avec Lily à mes côtés me regardant coudre, créer, j'ai rassemblé mes souvenirs de mon garçons. Haut comme trois pommes, blond comme les blés, des yeux bleus pétillants, brillants tels de petites étoiles. Je croyais seule la mer capable de me renvoyer cette splendeur bleutée. Sans oublier son sourire d'ange et son T-Shirt préféré. Celui avec un ourson que nous lui avions offert et qu'il refusait de retirer depuis ce jour. Il le portait d'ailleurs lors du drame.

        Lorsque j'eue finis de façonner ma création, mon cœur ce serra. De bonheur ou de douleur ? Je ne saurais le dire. J'avais envie de le serrer dans mes bras mais plus que tout, de l'entendre dire "maman". Les larmes avaient affluée. Lily m'avait étreinte et nous avions quitté l'atelier, l'une enserrant l'autre de peur peut être qu'elle ne s'effondre à jamais. Puis il y avait eu cette voix. Cette voix que j'aurais pu reconnaître entre mille. "Je t'aime aussi" disait-elle. Lily avait dû me retenir pour ne pas que je cours enserrer mon fils de tissus. Dans son regard je pouvais lire une peur, une peur qui m'était adressée, une peur de me perdre à tout jamais, une peur que je sombre et ne me relève jamais comme la fée sans ailes. Nous avions pleuré, toutes les deux cette fois, accroupies dans la pénombre. Et j'avais sentis deux petits bras menus enserrer ma taille dans mon dos. Tremblante je m'étais retournée et l'avait enserré à mon tour, quittant les bras de Lily au profit de ceux de Lucas. Parce que c'était Lucas ! C'était lui ! Je le savais ! Mon amour maternel lui était transmis et il m'en transmettait aussi, ce même amour que l'on voue à sa mère. Ses yeux de poupée brillaient, scintillaient, comme auparavant. Je m'étais vue le ramener à la maison et le border dans son lit sous le regard inquisiteur de Lily qui vivait avec moi depuis que Georges buvait. Je lui avais posé un baiser sur ses joues rosies de bonheur puis je mettais éloignée, éteignant la lumière en posant un dernier regard sur lui. Et il avait semblé s'éteindre. Son regard avait perdu tout éclat. J'avais couru auprès de lui, m'était effondrée en le secouant pour revoir ses yeux briller. Puis je m'étais réveillée dans mon lit conjugale, dégoulinante de sueur et comme mon mari avant moi, j'avais sombré.

Concours d'écriture - TiboudouboudouOù les histoires vivent. Découvrez maintenant