Chapitre 29

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 Nous voilà, Nico et moi, assis comme deux idiots sur mon canapé, une tasse de chocolat à la main. C'est un sentiment bizarre car on est intimidés mais on est bien. Je me sens en sécurité avec lui. Je n'avais jamais ressenti ce besoin auparavant. J'avais cette sensation très égocentrique de me suffire à moi-même. Mais aujourd'hui, les choses sont différentes, car Nico est assis sur mon canapé.

— Ton chocolat est toujours aussi bon, me dit-il en fixant son mug Winnie l'ourson.

— J'avais peur d'avoir perdu la main pendant les vacances !

— Rassure-toi, je me régale !

Un silence retombe sur la pièce. Seul le bruit incessant de la circulation, cinq étages plus bas, vient mettre de l'animation. Je sais qu'il faut qu'on discute de ce « Nous » que je n'ose pas encore prononcer. Et puis, il faudra qu'on aborde les sujets qui fâchent comme mon petit écart de conduite avec Louis, et le fait qu'on sorte ensemble en étant collègues...

— Eh ben, tu as l'air de vachement cogiter ! me dit-il avec un air amusé qui me sort immédiatement de mes pensées.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Tes yeux vont de gauche à droite super vite. C'est mignon, et un peu flippant, aussi !

— Bon, allez, je me lance : j'ai couché avec Louis, le nouveau gynéco avant de partir en vacances. Je me sens bête, c'était une énorme erreur, c'était avant que j'ouvre les yeux sur nous deux, tu comprends...

— Sur nous deux ? me demande-t-il d'un drôle d'air.

— Euh oui... enfin si tu arrives à me pardonner ce moment d'égarement.

— Anne...

— Je te promets que je vais lui parler dès demain pour lui dire que j'ai trouvé quelqu'un et que c'est fini !

— Tu as trouvé quelqu'un ? me chuchote-t-il dans un sourire malicieux.

Je m'arrête net, bien consciente qu'il cherche à me provoquer. Il attend clairement que je déclare solennellement que oui, nous sommes ensemble.

— Oui, enfin, si tu es toujours motivé...

Il s'approche de moi et m'embrasse tout doucement.

— Bien-sûr que je suis motivé ! Tu me plais beaucoup ! Mais tu sais, je ne pense pas que tu aies besoin d'aller discuter avec Louis.

— Si, Nico, j'insiste ! Je dois faire les choses bien. Ça serait injuste vis à vis de lui.

— Anne... ne le prends pas mal, vraiment. Mais Louis est passé à autre chose depuis longtemps.

Quoi ???????

— De quoi tu parles ? On s'est vus la veille de mon départ en vacances et...

— Je t'en supplie, évite de me donner des détails... Je crois que j'en ai assez entendu avec Clarisse pendant ma pause café la semaine dernière.

— Clarisse, l'infirmière ?

— Oui, et Elodie et Laëtitia aussi. Toutes les jolies filles du service sont passées dans son lit. Ou dans les toilettes, ou dans sa voiture...

— Tu rigoles ? C'est une blague, Nico ?

— Non, j'aimerais bien. Ce mec, c'est juste un gros queutard. Il s'est attiré les foudres de toutes ses conquêtes quand elles ont commencé à se faire des confidences. Chacune pensait avoir décroché le Jackpot avec le beau médecin célibataire, mais il voulait juste prendre du bon temps. Je suis désolé, Anne.

Je me sens comme assommée par ce que Nico vient de m'apprendre. Je devrais m'en foutre, ça devrait clairement me passer au dessus. Je ne ressentais rien pour Louis, à part une attirance indéniable. Mais découvrir qu'il s'est envoyé plusieurs de mes collègues et que je ne suis qu'un trophée de plus à son tableau de chasse, ça me fout les boules. Je me sens tellement honteuse et humiliée... J'ai envie de pleurer. J'ai envie que Nico s'en aille et me laisse. Je regarde en l'air pour retenir mes larmes et ne pas montrer à ce géant qui a pris place à la fois dans ma vie et dans mon canapé que je suis bouleversée.

Et mon géant, ne part pas. Il n'a pas ce réflexe qui est le mien de prendre la fuite dès que ça se complique. Il me regarde et m'ouvre ses bras rassurants. Je ne me fais pas prier pour venir m'y blottir. En boule contre lui, je n'ai qu'à lever la tête pour qu'il m'offre notre premier vrai baiser. Le temps semble s'arrêter. Nous passons l'après-midi ainsi, serrés l'un contre l'autre. On ne reparle pas de Louis. Il sait à quel point je me sens idiote et a le bon goût de changer de sujet. On discute longuement de nos vies, nos croyances profondes.

Il m'embrasse sur le front et me propose de sortir un peu. J'ai un flash ! Je sais ce qu'il me manque à quelques jours de Noël ! C'est un sapin !! Ils en vendent dans le grand supermarché dans lequel j'aime aller faire mes courses, à seulement quatre stations de métro. Nico me propose naïvement de m'y conduire en voiture. Je crois qu'il n'a pas encore saisi la folie des grandeurs qui me saisit chaque année à Noël ! Mon sapin ne rentrera jamais dans sa Twingo, c'est une certitude.

Je balaye ses inquiétudes relatives aux cinq étages sans ascenseur à gravir pour arriver chez moi. Gaby , prévenue par texto, décide de se joindre à nous.

— Toi aussi, tu vas prendre un sapin, ma Gaby ? je lui demande tandis que nous descendons tous les trois les escaliers en colimaçon qui séparent les différents paliers.

— Oui ! tous les ans, en voyant tes sapins, je me dis qu'il faut que je m'en prenne un aussi, et finalement, je trouve ça trop compliqué de les monter jusqu'en haut. Mais cette année, on a un mec pour nous aider ! dit-elle en faisant un grand sourire à Nico.

— On va faire au mieux, tente Nico pour tenter de temporiser notre frénésie de sapins.

Deux heures plus tard, au milieu d'un métro puant et bondé, trois énergumènes avec deux immenses sapins de Noël agacent les passagers de la rame. Nous ne passons pas inaperçus quand, au moment de descendre, les portes du métro se referment sur le haut du sapin de Gaby qui hurle et appuie comme une folle sur le bouton d'ouverture pour libérer son arbre de Noël. Les passagers qui assistent à la scène sont hilares en me voyant, sur le quai, pousser mon immense sapin et manquer d'assommer Nico pour venir au secours de ma pauvre Gaby qui lutte pour s'en tirer sans y laisser trop d'aiguilles.

Finalement, après cinq minutes de marches avec nos sapins qui, fait exceptionnel, sont plus hauts que mon nouvel amoureux, nous arrivons au pied de l'immeuble. Nous y croisons Hector, le concierge qui nous regarde avec un air méfiant et qui nous parle, comme toujours, à la troisième personne en snobant totalement Nico :

— Elles devront balayer si elles mettent des aiguilles partout. Surtout que ça rend les escaliers glissants et que ça peut rayer le parquet.

— Oui, oui, elles le feront lui glisse Gaby en pouffant de rire.

Nous ne rions plus ensuite. Nous décidons de monter nos sapins un par un, étage après étage. Si Nico nous est d'une aide précieuse, la montée reste périlleuse. Niveau un, nos visages sont roses. Niveau deux, rouges. Niveau trois écarlates. Niveau quatre, écarlates et dégoulinants. Niveau cinq, je... n'en... peux... plus...

Le Soleil De Ma VieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant