Chapitre 15

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Mars 2013

Pendant les mois qui avaient suivi, Adel et Nathanael s'étaient ainsi fréquentés tranquillement et sans arrière-pensées. Ce n'était pas qu'ils ne se plaisaient pas, au contraire, et ils n'étaient pas vraiment dupes ni l'un ni l'autre, mais Adel évoluait lentement, tant lui-même que son rapport au monde, et Nathanael l'accompagnait, attentif et bienveillant. Tout allait aussi bien que possible, jusqu'à ce que les débats sur le Mariage pour Tous ne finissent par mettre le feu aux poudres.

Si les Larose-Croix étaient bien évidemment en première ligne dans les manifestations opposées au projet, et ce dès l'automne 2012, quelques membres de la famille n'en étaient pas. Adel bien sûr, qui avait autre chose à faire que d'aller user ses semelles contre une loi qui serait votée dans tous les cas, avait-il fait poliment, mais fermement, savoir à qui de droit. Surtout pendant ses rares dimanches de permission, non, mais oh.

Florent et les siens, de la même façon, y avaient été un peu au début, mais ils lâchèrent très vite l'affaire.

Leur frère Stéphane, qui étudiait pour devenir médecin militaire à cette époque, avait aussi plus que clairement fait savoir qu'il avait autre chose à faire.

Bref, ne restait que leurs parents, Caroline bien sûr, Lucie, la seule fille de la fratrie, fidèle et dévouée à son fiancé Philippe, et le jeune Arnaud, toujours aussi enclin à aller casser du pédé.

Si Caroline et ses beaux-parents emmenaient Bruno et Sabine, les deux enfants y échappaient systématiquement quand leur père était dans le secteur.

Adel avait en effet un don quasi surnaturel pour disparaître avec eux dès que l'heure du départ pour la manifestation arrivait. Pas faute que ses parents et sa femme n'aient pas compris, ne lui aient pas reproché, ne l'aient pas menacé, dès la première fois. Mais Adel avait visiblement décidé que lui présent, ses enfants n'iraient pas à ces manifs et que les emmener se promener à droite à gauche était beaucoup mieux. Et les enfants revenaient toujours ravis de ses escapades, bien plus que des manifestations.

Nathanael approuvait, très amusé de la chose. Il n'invita jamais Adel à le rejoindre dans les manifs promariage, respectant tout à fait le choix de son ami de ne pas se mêler à ça. Nathanael n'aurait rien eu contre s'en passer lui-même, en fait, bien conscient lui aussi que la loi serait votée de toute façon, malgré les manifestations réactionnaires et l'obstruction parlementaire. Si lui et les siens battaient un peu le pavé tout de même, c'était plus pour montrer qu'ils étaient là aussi et ne pas laisser l'espace médiatique et public à la Manif pour Tous.

L'hiver passa et, en mars 2013, alors que le vote fatidique approchait, Nathanael fut invité par son ami Clément à participer un petit concert à L'Arc-en-Ciel, le bar d'Enzo. Nathanael était bassiste à ses heures perdues et ne rechignait jamais à aller pousser la chansonnette avec son vieux pote, il accepta donc avec plaisir.

Le jour du concert, un vendredi pluvieux, les deux hommes et la batteuse de Clément, Barbara, se retrouvèrent donc au bar et se posèrent sur la petite scène, au fond, dès le début d'après-midi, pour répéter pour le soir.

Ils burent de bonne heure et Nathanael, sans être ivre, était bien guilleret lorsque, vers 19h30, il se souvint qu'Adel était sur Lyon et lui envoya un texto pour l'inviter.

La réponse lui parvint quelques minutes plus tard :

« J'arrive. Tu joues quoi ? »

Nathanael sourit, tout content, ce qui n'échappa ni à Clément ni à Barbara, puisqu'ils étaient à une table, en train de manger tous les trois. Il répondit rapidement :

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