« Cher Ellie,
Je n'arrive à faire disparaître la chaleur que ton regard a éveillée en moi.
Lorsque j'ai dit ton nom, tes yeux se sont plissés. Et, même s'il m'était caché, ton sourire m'a anéantie. Tout comme cette seule phrase que tu as prononcée:
«Je voulais juste m'assurer que tu allais bien.»
Depuis, je ne cesse de me questionner. Pourquoi es-tu revenu ? Tu sais bien que nous ne pourrons plus jamais partager nos vies. Moi, je suis prisonnière de Varezh et de sa radioactivité. Toi, tu es libre. Tu as eu la chance d'être hors de la ville lors de l'explosion et maintenant tu peux profiter de cet avenir qui t'es offert. Un avenir duquel je suis exclue. Un avenir auquel je n'ai pas droit. Alors pourquoi es-tu revenu ? Simplement pour savoir si j'avais survécu ? Pour savoir si c'était ma mort que tu devais pleurer ou seulement ma triste situation ?
Je maudis ces gens pressés qui ne m'ont pas laissée te parler, qui m'ont forcée à repartir sans même avoir eu le temps de réaliser ta présence. Et maintenant que je suis seule, l'image figée de ton regard m'obsède. Il y a tant de mots que j'aimerais te dire.
Reviendras-tu ?
Je veux que tu reviennes.
Alors je t'écris à nouveau, sachant bien que ce papier ne rencontrera jamais celui à qui il est adressé. Je m'en moque. Je me moque de tout. De tout ce qui ne se rapporte pas à toi. Je me moque de cette ville qui se meurt, de ces gens affamés. Je me moque de ce monde qui s'écroule autour de moi, des pluies noires qui ne s'arrêtent pas. Je me moque de la sombre brume qui s'élève dans les rues, dans les champs, s'insinuant dans l'air jusqu'à pénétrer les coeurs et les noircir de l'intérieur. Je me moque même de l'araignée qui me dévore le crâne. Pour toi, je me moque de tout.
Pour toi, je me moque de tout. Je me moque de tout.
Reviens-moi.
Loane. »

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Ville Noire
خيال علمي1973, Union Soviétique. Après l'explosion de son usine, la ville de Varezh se retrouve plongée sous une toute aussi interminable qu'inexplicable pluie de cendres. On découvre alors que la façade de l'usine, pourtant à l'allure singulière, dissimulai...