Adella marchait dans cette clairière qu'elle aimait tant, derrière les montagnes de son territoire. Le soleil d'après-midi tirait sur sa fin et les oiseaux éternisaient leurs chants en attendant que la lumière du jour disparaisse complètement. Le paysage était resplendissant, comme à chaque fois qu'elle venait faire son tour. Cependant, une seule chose manquait à cette belle ambiance : l'insouciance. La jeune louve avançait et contemplait les arbres autour d'elle sans émotions ce jour-là. L'agitation dans sa tête prenait toute la place et elle n'arrivait pas à libérer son esprit d'autant de pensées. Son cœur était départagé entre deux mondes. D'abord, celui de la réalité et l'autre, de la folie. Des révélations importantes avaient été faites sur son passé et bien des choses qui avaient été dites par la bouche de Farabelle et celle de son père avaient semblées dépourvues de sens. Pourtant, elle leur faisait confiance, mais voilà que pour la première fois, elle jugeait mieux pour elle de se fier à son propre instinct. Sans arrêt, elle repassait dans sa tête le récit de cette louve d'argent qu'on lui avait raconté. L'existence de cette déesse avait jusque-là effleuré le doute dans sa conscience. Avait-elle vraiment libéré le clan du Nord des griffes de monstrueux ennemis ? Les seuls souvenirs qu'elle avait gardés de cette créature au pelage étincelant et aux ailes de colombe étaient les histoires que sa mère lui racontait depuis qu'elle était toute petite. Il s'agissait d'aventures fascinantes à propos de cette déesse bienveillante et protectrice qui assurait la justice dans tous les clans. Elle s'était souvent endormie sur ces belles idées un peu fantaisistes et s'était déjà imaginée à quoi pouvait ressembler ce beau personnage. Cependant, elle n'aurait jamais pensé se faire confier une importante destinée de sa part. C'était impossible à croire. Il n'y avait pas que ça qui pouvait sembler embarrassant dans ce que Farabelle et Denver avaient dit, mais aussi l'idée qu'Adella ait en elle-même une puissance surnaturelle. Un don de Lune. Qu'est-ce que ça voulait dire ? À présent, le dernier questionnement qu'elle avait concernait sa mère. Que lui était-il vraiment arrivé ? Un fois de plus, son père avait refusé d'en parler. Après autant de mystères et de choses insensées, il aurait été rassurant de savoir ce que Martha pensait de tout ça et ce qui s'était produit lors de ce combat contre les ombres terrifiantes. C'était désolant pour la jeune louve de réaliser qu'elle en savait si peu sur son passé et sa propre mère. Cette source de réconfort lui manquait de ces temps-ci et elle aurait souhaité la sentir tout près d'elle le jour où on lui avait annoncé qu'elle deviendrait l'alpha de la meute. Elle aurait voulu qu'elle soit là pour l'aider à réparer l'erreur qu'elle avait commise en rencontrant ce guerrier solitaire. En effet, elle était sincèrement honorée d'hériter de ce rôle de meneuse après s'être autant entraînée, mais elle avait cet horrible sentiment de culpabilité en pensant à l'inconnu qui était susceptible de s'en prendre à son père à cause d'elle. Elle songeait justement à l'affronter pour de bon la prochaine fois qu'elle le verrait. Elle était forte, maintenant. Elle pourrait y arriver. Adella soupira profondément en retournant à ses réflexions de départ et se contenta de laisser derrière elle tout ce que son père et la lieutenante lui avaient dit. Qu'il s'agisse d'un passé réel ou d'une folie, elle se dit qu'elle devrait continuer d'aller de l'avant et de se concentrer sur l'avenir de sa meute désormais sous son règne. Cependant, les jours passèrent et l'histoire d'un destin inconnu confié par Lune n'avait fait qu'hanter davantage le cours de ses pensées. Même si elle avait mis des efforts pour bien paraître de ces derniers temps, Denver avait reconnu l'incertitude dans le regard bleuté de sa fille. - Qu'adviendrait-il de mes engagements auprès du clan du Nord si je devais partir ? lui demanda Adella en marchant à ses côtés lors d'un soir tranquille. - Je crois que si ta mère avait été là, elle aurait dit : « Fais ce que tu juges le meilleur pour ta famille et pour toi-même. » lui répondit son père. Quoi que tu fasses, de toute façon, j'ai confiance en toi, lui dit-il avec sincérité. La jeune louve se sentit soudain très rassurée. Comme si sa mère avait finalement décidé de lui faire parvenir l'un de ses bons conseils pour l'aider à avancer. Aussi, c'était toujours réconfortant de savoir que son père croyait en elle et qu'enfin, il osait lui parler un peu de Martha.