Cela devait faire plusieurs jours que Blake était tourmenté. Il ne contrôlait plus ses pensées, ni ses sentiments. Athy lui manquait terriblement au travers ses tueries. Aussi insensible qu’il fût, il souffrait de faire ce qu’il faisait. Il souffrait de s’imaginer qu’il pourrait très bien s’agir de sa mère, juste là, sous ses griffes. Une victime parmi tant d’autres.
Le plus étrange, c’est qu’il n’y avait pas qu’Athy. Il y avait aussi cette louve blanche qui dérangeait son esprit. Malgré la facilité avec laquelle il l’avait emmenée sur le territoire, il réalisait que cette captive avait réagi fortement lorsqu’il l’avait emprisonnée sous son regard. Comme si une intense douleur avait failli la tuer au moment où il l’avait regardée, contrairement à ses autres victimes. Quant à lui, il ressentait une brûlure au fond de sa poitrine depuis ce temps-là. Cette douleur était belle et bien physique et elle n’avait un lien qu’avec les yeux bleus de cette louve, qui, malgré sa souffrance et sa terreur, avait osé le regarder pour l’affronter.
Le cœur de Blake brûlait, comme si elle l’avait blessé, elle aussi, par son regard.
Il ne comprenait pas.
La Bête Noire, elle, admirait son œuvre. L’influence qu’elle exerçait sur son fils portait ses fruits, car bientôt, celui-ci en oublierait définitivement sa mère, trop absorbé par ses nombreux carnages. Forcément, il irait jusqu’à s’en débarrasser lui-même. Obscur connaissait cette rude habitude et le pouvoir qu’elle avait sur ses guerriers. C’était surprenant.
Toutefois, quelques jours passèrent et Blake fut de moins en moins confiant et assuré de ce qu’il faisait. Il se battait comme toujours, mais commençait à se demander le but réel de ces combats d’une grande sauvagerie chez les clans avoisinants. Les victimes accumulées, qu’est-ce que ça représentait ? L’intérêt n’y était plus, si ce n’était que pour la survie de sa mère. Il n’avait plus cette gloire, cet avide désir de tuer comme un meurtrier de ce nom.
Sans parler de cette brûlure qui devenait insupportable. Le pouvoir de cette louve blanche était-il aussi puissant ?
Une nuit, n’en pouvant plus, il fallut qu’il voie Athy. Juste s’assurer qu’elle allait bien.
Lorsqu’elle le vit se présenter à elle, elle n’eut qu’à le regarder dans les yeux pour comprendre. Un regard perdu entre le bien et le mal, l’amour et la haine.
- Ne reste pas dans cette existence sombre seulement pour me protéger. Je sais que tu vaux mieux que ça, lui dit la vieille louve. Tu as tous les moyens d’y échapper.
Blake grogna. Il s’approcha de sa mère pour la dévisager d’un air sévère.
- Je vivrai dans ces ténèbres aussi longtemps qu’il le faudra pour veiller sur toi. Je ne laisserai pas Obscur te faire du mal.
- Non, Blake. Tu deviendras aussi abominable que ton père si tu continues sur cette voie. Tu tueras d’innocentes louves comme moi, et tu oublieras la gravité de tes actes. Tu tues déjà bien plus que tu ne le faisais dans tes combats…
- Mais je le fais pour toi, l’interrompit le jeune loup. Je tue pour que toi, tu restes en vie.
- Non, mon fils. J’aime mieux mourir que de te voir devenir aussi maléfique qu’Obscur. Lorsqu’on aime, on ne se contente pas de faire des victimes ou d’épargner les uns des autres selon un ordre d’importance. J’ai beau être ta mère, il est hors de question que tu enlèves la vie d’autres loups pour moi.