Quelques jours plus tard, il franchissait à nouveau les portes du Max Planck Institut. L'endroit n'avait pas changé mais il s'y sentit tout de même comme un étranger. Le colosse de Noël avait été retiré du hall, emportant l'euphorie des fêtes avec lui. Les scientifiques suivaient leur routine, presque inconscients du monde qui les entourait. Cette normalité paraissait utopique à Tristan après tout ce qu'il avait vécu ces derniers mois. Le retour à la tranquillité ne paraissait être qu'éphémère.
Luttant contre l'envie de retourner se terrer dans son appartement, Tristan fit quelques pas. Il avait promis à Cha et à Franz d'essayer de reprendre sa vie d'avant. Il leur devait bien d'essayer, après une si longue absence et tant de secrets.
Il inspira longuement pour se donner de la force et un semblant d'assurance, puis se dirigea vers le comptoir de l'accueil. Fidèle à elle-même, Karen avait son long nez fin plongé dans un dossier. Ses yeux verts lisaient attentivement les informations derrière ses grandes lunettes rondes. Toujours les mêmes boucles fauves en bataille, le même visage fin parsemé de taches de rousseur, les mêmes lèvres fines et souriantes. Tristan réalisa alors qu'elle lui avait terriblement manqué. Tandis qu'il s'arrêtait face à elle, son odorat fut assailli d'un doux effluve de cannelle.
- Good morning, Karen.
Tristan vit la secrétaire froncer les sourcils en relevant la tête, n'appréciant pas qu'on l'interrompe de la sorte dans son travail. Leurs regards se croisèrent et elle se figea. Les yeux écarquillés derrière ses verres épais, elle ouvrit et ferma plusieurs fois la bouche, comme si elle cherchait désespérément quelque chose à dire. Tristan sentit une vague de chaleur réchauffer son squelette et il laissa échapper un petit rire. Karen finit par vaincre le choc mais ne se départit pas de son regard étonné.
- Professeur Versipel ? Mais, quand êtes-vous rentré ?
Tristan lui sourit et décida d'être franc avec elle. Il avait trop menti ces derniers temps. Cependant, il resta vague.
- Il y a quelques jours, mais j'avais besoin de repos.
La secrétaire ôta ses lunettes et se pencha légèrement vers lui les yeux plissés pour l'examiner. Les cernes et le teint blafard de Tristan ne lui échappèrent pas.
- Sans vouloir vous vexer, vous avez une mine affreuse. Vous ne voulez pas vous reposer encore un peu ?
La franchise de la jeune femme le fit à nouveau rire. Cela lui faisait un bien fou de revivre enfin après ces derniers jours émotionnellement dévastateurs. Il secoua négativement la tête et sortit une feuille soigneusement pliée en trois qu'il tendit à la secrétaire. Elle la déplia, rechaussa ses lunettes et la parcourt des yeux.
Il s'agissait de l'arrêt de travail que Charity s'était procuré pour lui, signé par le Docteur Garnitz, l'actuelle compagne de son amie. Dans les faits, Tristan était parti en Roumanie en urgence pour des raisons familiales mais il avait dû revenir rapidement suite à des soucis de santé.
- Vous nous avez fait peur, vous savez, poursuivit Karen en tamponnant le document. Personne ne savait où vous étiez et vous étiez injoignable sur votre téléphone fixe.
- Oui, j'ai dû m'éloigner un peu de la ville pour reprendre des forces.
Karen acquiesça tout en pianotant sur le clavier de l'ordinateur.
- Le Docteur Lupesco est rentré avec vous ?
Tristan se figea, sentant son sang gelé le brûler. La simple évocation faisait ressurgir toute la peine qu'il s'efforçait d'enfouir au fond de lui. Il retint une plainte animale provenant de son loup et se racla la gorge.
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Le Damné
Kurt AdamTristan est un scientifique à la recherche du remède contre sa maladie unique. Alors qu'il mène une routine tranquille, l'arrivée d'Alexandra vient tout chambouler. Ils se rapprochent très rapidement mais les secrets que chacun garde bien cachés von...