Vampire Consultant 2

120 - Door to Hell

Au cœur du manoir d'Abaddon Tahir, l'étrange assemblement bigarré se regardait en chien de faïence. Si Sophie avait gagné l'estime et la confiance des Kadyirua et des Amazones en se sacrifiant volontairement pour épargner la jeune Lyssa, les attaques coordonnées des orphiques qui éclosaient dans le monde entier comme une gale avaient abattu le moral du groupe. L'OTAN avait déclaré un état d'urgence international contre une menace non identifiée et les images virales montraient principalement des créatures de l'Ombre se défendant contre des attaques meutrières – vidéos authentiques – ou des montages imputant à ces créatures les diverses attaques. Déjà, le visage de certains orphiques devenait populaire : ils proposaient des solutions tout en rassurant les populations humaines par un discours tranché, martial. Ils promettaient avoir des connaissances solides en cryptozoologie et accusaient les politiques en place d'indigence et de complaisance. Le chaos était complet et seule l'action des Vigilants avait évité le pire : la rupture de la frontière entre l'Ombre et la Lumière.

Colibri, qui s'était doutée qu'une telle situation risquait de survenir, s'inquiétait davantage pour Radu et Mircea : le premier avait disparu et le second avait fait face à Vlad dans un combat titanesque au-dessus du cratère de roches en fusion que le plus âgé des deux frères avait creusé. Les hélicoptères et autres drônes n'avaient rien manqué de cet affrontement d'une rare violence et la population mondiale paniquait à l'idée de voir apparaître de tels monstres aîlés dans le ciel de leurs pays. Les vampires avaient fini par s'enfuir : Mircea avait eu le dessus sur Vlad qui s'était écroulé dans le hameau, sur l'église en ruines. Cela avait semblé réveiller son frère de sa furie vengeresse : il avait plongé entre les blocs de granit noircis par la puissante chaleur qui émanait du cratère de feu et en avait tiré Tepes évanoui, une aile cassée et couvert d'un sang noir. Le vieux Miraï, par un enchantement aussi cruel que vicieux, survivait, écartelé par des chaînes au-dessus d'un brasier éternel.

— Ils ont déconné... Ils ont complètement déconné... marmonna Sophie en jetant un dernier coup d'œil sur l'écran plasma géant du salon qui projetait par tranches de cinq minutes diverses chaînes d'information en continu : CNN, BBC, Al Jazeera, BFM TV, I24, R24, Fox News, Africanews, Al-Arabiya, Globo News, CTV News Channel, CCTV News, Sky TG24, Press TV...

Oscar déclara au Kadyirua rouge qu'il se serait cru à Jérusalem le jour de la Pentecôte, ce à quoi le père Karl Erika rétorqua, toujours aussi pâle mais composé :

— La comparaison aurait pu être établie avec l'Apocalypse de Jean...

Sophie avait rapidement décidé de monter en urgence aux côtés d'Akane : cette dernière, surprise dans son sommeil embrumé par les médicaments, avait eu une très mauvaise réaction face à un guerrier Kadyirua qui avait voulu la déplacer et l'amener dans la salle avec les autres. Le guerrier avait compris que l'humaine n'était pas entièrement consciente et, peu assuré, avait décidé de garder la porte de la chambre tandis que la pauvre Japonaise décoiffée et le regard épouvanté, s'était recroquevillée dans un coin de la pièce. Le Kadyirua à la peau rouge, noire et jaune, avait ensuite tenté de lui parler d'une voix douce, mais Akane ne lui répondait que par des gémissements furieux. Le pauvre guerrier, plus jeune que ceux qui parlementait au pied de l'escalier monumental avec la Nihataari, se sentit très désemparé et vit comme une délivrance l'apparition d'Ichaya, son père et son chef, secondé par une humaine blanche qui portait des grosses lunettes, se déplaçait sur une chaise à roues et avait des tâches orange clair sur les joues. Le jeune Kadyirua soupira de soulagement en croisant le regard de son père :

— Ah ! Je ne savais pas quoi faire : j'ai gardé mes gants, boro.

— Boro ? répéta Colibri sur le pas de la porte. Je croyais que tu t'appelais Ichaya ? fit-elle à l'adresse du Kadyirua à la peau jaune.