121 - Hymne à la nuit

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Aussitôt, le flux de lumière sembla aspiré comme un aimant et les veines bleues du voirloup, trop fines, se mirent à briller de plus en plus vivement. La force de cette aspiration coupa le souffle de la jeune femme, lui vidant l'air des poumons. Le dos de Nili s'arqua comme sous un choc électrique violent et son thorax sembla enfler : il venait de prendre la plus longue inspiration à laquelle Sophie ait assistée. Ichaya se pencha en avant pour empêcher le voirloup de se blesser, tant les contractions qui le saisissaient étaient puissantes. Le cœur de Colibri battait la chamade et l'excitation qu'elle ressentait en émettant cet étrange fluide plasmatique lui apportait un réconfort et un plaisir auxquels elle n'avait pu accéder depuis longtemps. Ce ne fut que lorsqu'elle surprit le regard inquiet d'Ichaya – pour autant que les traits reptiliens du Kadyirua puissent exprimer de l'inquiétude – qu'elle réalisa que ses cinq sens s'étaient pour un moment complètement éteints. La voix de la créature, qui s'époumonait depuis une bonne minute en réalité, lui parvint :

... A SUFFIT ! ... TTEZ ! ... BRI !

— Quoi ?!

Sophie s'ébroua et décolla sans peine ses doigts de l'alpha qui frissonnait. Le fluide lumineux mourut lentement, mais la jeune femme ressentait encore un plaisir bien particulier. Elle comprit soudain qu'elle souriait de béatitude. Devant elle, Nili, la respiration saccadée, la dévisageait. De la sueur lui coula dans les yeux et il sursauta sous la brûlure, avant de lever une main tremblante pour se palper le visage. La médecin-légiste pointa un index menaçant vers le vieux guerrier :

— Deux choses : la première, je n'ai pas fait exprès de vous réparer le visage, j'ai dû me laisser un peu emporter. Et la seconde : si vous me passez un savon dans les quarante-huit heures à venir, je m'arrange pour que vous reperdiez un œil.

— Mais comment... ?

— Si même vous vous n'expliquez pas ce prodige, déclara la jeune femme en dévisageant le voirloup dont les traits avaient retrouvé une symétrie harmonieuse, alors je ne peux rien pour vous ! Avec ma chance habituelle, j'imagine que je ne peux pas faire la même chose pour mes jambes ?

Nili, avec tristesse, comprit que l'humaine s'interdisait tout espoir concernant son handicap. Il avait beau s'être présenté aux portes de la mort l'instant précédent, l'alpha ne pouvait s'empêcher de ressentir de la pitié pour une innocente qui pouvait sauver des griffes de la Faucheuse un presque inconnu, mais qui ne pouvait pas soulager sa propre souffrance

— Sophie... je suis désolé, éructa le voirloup en tentant de se relever.

— Nili-boro, je suis derrière vous, déclara Ichaya avec une nuance de respect dans la voix. Reposez-vous.

— Je vais bien ! aboya le monarque en repoussant la main du Kadyirua. Je n'ai pas besoin d'un... Peut-on savoir ce qui vous fait rire ?

Sophie renifla et écrasa une larme de fatigue qui avait roulé jusque sur son menton. Elle secoua la tête :

— Vous me faites penser à Jayvart, quand il fait son lumbago d'hiver. Vous vous entendriez bien tous les deux.

— Je ne le déteste pas. Il m'a énormément aidé à gagner la confiance de Mickaël Aleksey. C'est d'ailleurs uniquement grâce à l'intervention de ce commissaire que le jeune orphique est de notre côté... et est encore vivant.

— Attendez... vous connaissez Jayvart ?

— Il faut dire que vous n'étiez – et n'êtes toujours pas – la plus coopérative des deux !

— Si vous êtes revenu d'entre les morts pour me dire des choses blessantes, vous pouvez tout aussi bien y retourner.

Le voirloup caressa machinalement la peau de son visage du côté de sa cicatrice et ses yeux pétillèrent :

Vampire Consultant 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant