(A)muse-moi ! (terminé) * Finaliste concours Fyctia "Sorcières" *

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" Tout premier baiser est définitif. On peut refuser qu'il ait une suite, on ne reviendra jamais en arrière. Quelque chose a changé entre soi et l'autre. On est entré avec lui dans un autre monde. " - Madeleine Chapsal

Je suis sorti de l'appartement, tôt ce matin, pour aller courir avant même que Clémentine ne soit levée. Je le regrette déjà. Ce n'est pas dans mes habitudes. Elle va se demander ce qui me prend. Merde. Quel con ! Le but du jeu s'était justement que je sorte avec elle. Et voilà que je fuis alors que j'ai réussi un super coup en l'embrassant hier soir !

En rentrant, nous n'avons pas discuté, elle et moi, à peine échangé quelques sourires gênés. Nous nous sommes souhaité bonne nuit mutuellement, de manière un peu gauche, puis chacun a pris le chemin de sa chambre. J'ai eu un mal fou à m'endormir. Je sais qu'elle aussi. Je l'ai entendue se relever plusieurs fois. Je l'imaginais se servir un verre d'eau ou choisir un livre de sa bibliothèque en petite tenue. Pas facile de trouver le sommeil avec ce genre de visions dans la tête. En temps normal, je n'aurais pas hésité à me relever pour aller à la rencontre de la fille et poursuivre là où on s'était arrêté plus tôt. Mais je ne sais pas pourquoi, quelque chose m'a retenu hier soir. Clémentine n'est pas comme les autres. Elle pourrait potentiellement changer mon destin. Je dois faire attention à elle, m'y prendre autrement. Pour avoir eu de longues conversations avec trois de ses ex, je crois pouvoir affirmer qu'elle n'aime pas les types trop pressés. Ces gars n'avaient pas l'air d'être des séducteurs hors-pair avant de la rencontrer et de connaître le succès. Je dois donc essayer de me comporter comme ils l'auraient fait.

Après mon footing, je rentre avec la ferme intention de confirmer l'avantage que j'ai pris avec Clémentine. Vu l'heure à laquelle on s'est couché hier soir et puisqu'on est dimanche, elle ne sera peut-être même pas encore levée. Je l'espère. Je préférerais qu'elle ne sache pas que je suis sorti tôt ce matin. Je n'ai pas envie qu'elle se pose trop de questions sur mon comportement. J'imagine qu'un autre aurait attendu qu'elle se réveille et lui aurait peut-être même préparé un petit-déjeuner. Je n'ai jamais fait ça pour aucune fille. Je n'avais jamais non plus préparé un dîner pour quelqu'un. J'espère que tous mes efforts seront récompensés.

***

Quand je rentre de ma course à pieds, trempé de sueur malgré les faibles températures extérieures, Clémentine s'active dans la cuisine. Des odeurs de pain grillé et de café embaument la pièce et me chatouillent les narines. Loupé pour le petit-déjeuner. Je n'ai même pas pensé à prendre des croissants sur le chemin du retour. Je vais perdre des points ce matin. D'ailleurs, la muse ne s'est toujours pas retournée vers moi, vaquant à ses occupations comme si elle ne m'avait pas entendu rentrer. Pourtant, je l'ai vu sursauter au moment où j'ai refermé la porte derrière moi. Elle porte un short et un tee-shirt trop large qui lui dénude une épaule. Mon regard s'attarde sur ses jambes nues. J'ignore si elle a conscience d'être sexy dans cette tenue. Je me dirige vers elle en contrôlant mes pulsions, me souvenant que je dois agir avec Clémentine différemment qu'avec les autres pour ne pas gâcher mes plans. Je dois répéter autant que possible le même schéma que ses ex pour espérer des résultats équivalents.

Je préfère garder un peu mes distances pour être sûr de me contrôler. Pour le moment, la table de la cuisine fait barrière entre nous. Clémentine me tourne toujours le dos quand je la salue.

— Désolé, j'ai oublié les croissants.

Elle pivote vers moi, les cheveux un peu décoiffés qui lui donnent un petit air sauvage.

— C'est pas grave, j'ai préparé des tartines.

J'essaie de sonder son regard mais elle évite le mien.

Est-elle gênée ? Agacée ? Espérait-elle que je l'embrasse ?

Je suis un peu paumé pour la simple et bonne raison qu'habituellement, je ne me pose pas toutes ces questions. Avec les filles, et dans la vie en règle générale, je fais ce que j'ai envie, moi. Je ne m'inquiète pas de ce que veulent les autres. Ce cas de figure est inédit pour moi.

— Du café ?

— Merci, je vais aller prendre ma douche, d'abord. Je reviens dans deux minutes.

Joignant le geste à la parole, je commence à me déshabiller devant elle, retirant mon sweat-shirt et mon T-shirt d'un seul coup en même temps. Son regard glisse discrètement sur mon torse. Plusieurs fois. Je vois ses joues rosirent légèrement. Enfin ses yeux croisent les miens une fraction de seconde.

— Je t'ai grillée.

Un franc et grand sourire dont elle a le secret illumine son visage. Elle s'empare d'un torchon et me le jette à la figure.

— Va te laver au lieu de dire des conneries !

Soulagé de constater que la tension semble s'être dissipée soudainement entre nous, je me dirige vers la salle de bains en chantonnant :

— Je t'ai grillée, je t'ai grillée, je t'ai grillée...

Je l'entends glousser depuis la cuisine.

— Dépêche-toi, le café va refroidir !

Ce qui est sûr c'est que moi je ne risque pas de refroidir.