Chapitre 7 : spectacul-air ! (fin)

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On s'assied sur un bout de rocher qui dépasse du sol et la vague de questions me submerge : comment on peut choisir ou non de départiculer des objets ? Et les vêtements ? Et l'eau sur les cellules, comment est-elle évacuée ? Nous passons une bonne demi-heure à discuter. Je vois bien que ma soudaine curiosité l'amuse beaucoup.

-Pour une qui ne voulait rien savoir sur les Anémois à cause de son père..., se moque-t-il gentiment, tu as bien changé d'avis !

Il ébouriffe ma tignasse et je trouve ça plutôt mignon. Je n'ai jamais eu de personnes qui me touchaient si facilement, qui effectuait des gestes sympathiques et sécurisants, en dehors de ma mère. Je suis fille unique, mais en ce moment, Kaï a des allures de grand frère. Voire parfois plus... Je voudrais me coller à lui, mais je me retiens. On est « en classe » après tout.

-A ce propos, dis-je, je me suis engagée à recevoir une info par jour sur mon père. Je crois que tu ne l'as pas encore fait.

Mon sourire triste lui démontre le mélange d'émotions dans mon coeur. Je ne sais plus ce qui serait le meilleur pour moi. Les infos, je les désire comme je les redoute, je les refuse comme je les accueille ; à défaut de savoir ce qui serait le plus sain pour moi, je me laisse porter par l'obligation. En général, ses informations sont simples, souvent des anecdotes que son père lui a racontées ou d'autres Anémois de l'île qui connaissent Néos. Je n'arrive pas vraiment à me dire qu'il est bien mon père. C'est un homme qui porte ce nom, qui aurait dû être auprès de moi, mais qui s'est rebâti ailleurs un autre rôle, une autre place. Une sorte d'étranger lié à moi par la force des choses. Mais Kaï baisse les yeux, loin de moi son regard se porte et sa mine s'assombrit.

-Je crois que l'info la plus essentielle, je ne te l'ai pas encore dite...

Sa voix ne s'élève pas bien haut. Je perds mon sourire, tant l'ambiance est retombée. Comment ça, l'info la plus essentielle ? Une boule d'énergie se contient en moi, parce que l'envie de comprendre est plus forte que tout.

-... Parfois, je me dis que j'aurais dû plus tôt, mais j'avais... trop peur de ta réaction. Tu te braques très vite, Léo, tu le sais ça, hein ?

Il ose un léger sourire et je ne peux pas le contredire. Je suis une petite sauvage qui n'aime pas beaucoup les gens, personne n'est parfait.

-Et puis, je... quand j'ai commencé ma mission, je m'attendais à bien des obstacles, mais pas celui-là. Ce moment, je le redoutais, je le repoussais, je me disais que d'abord tu devais découvrir les plaisirs de tes capacités pleinement élevées. Mais mon maitre de stage m'a rappelé à l'ordre et déjà avant son passage, je savais que cet instant ne tarderait plus. Crois-moi, je le fais pour toi, pas pour valider quoi que ce soit... parce que... humainement, je ne peux pas taire ça.

-Humainement ? Mais t'es pas un humain !

L'expression est étrange, quand même, il ne devrait pas dire « Anémoisement » ? Il ne rebondit pas sur ma réflexion, il plonge juste son regard dans le mien. Dès ses premiers mots, il pose même sa main sur la mienne et je rougis comme lorsque je guettais l'horizon pluvieux sur ma cheminée.

-Léo, écoute-moi jusqu'au bout, sans t'emballer, peux-tu me le promettre ?

-Arrête ton suspense, Kaï, crache le morceau ! Il est en prison ? Malade ? Il va me fuir sur l'île tout le long de mon séjour comme une pestiférée ? Allez, accouche !

Ca devient chiant, là ! Son ton ferme me prouve qu'il sent ma soupape sur le point d'exploser.

-Eh ! D'abord, tu dois me promettre ! Je te connais, t'es capable de me couper, et c'est pas facile pour moi, tu comprends, ça ? Je suis pas habitué à ces aveux-là.

L'apprenti-maitreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant