cette mauvaise habitude qu'avait son écriture de se perdre dans ses doigts, tout débutait en haut dans un feu d'artifice mais se perdait en chemin et une fois arrivée au bout de ses doigts, il ne restait que des fragments poussiéreux de cet éclat de passion.
quand elle avait de la chance, le chemin ne semblait pas si laborieux et l'écriture arrivait presque intacte sur la pulpe de ses doigts qui s'empressaient de bouger dans des mouvements souvent incontrôlés. mais il n'y avait pas de temps à perdre, l'écriture était là, il fallait la sauver et l'amener à bon port.un personnage, peut-être elle, peut-être il, peut-être iel, peut-être personne, un inconnu, une âme existante, l'écriture avait cette force de décision, elle pouvait se briser en chemin, mais une fois sauvée, elle savait. elle savait tout. tous les sentiments, les paysages, les sons, les surfaces, les goûts, les odeurs. rien ne lui échappait mais pour pouvoir tout récupérer, il fallait que les doigts bougent vite et suivent ses mouvements souvent trop rapides.
une faute, deux fautes, qu'importe, il fallait atteindre le but, sinon, il ne resterait qu'un jet de tout cela, un puzzle incomplet, une vie inachevée, une histoire sans fin.
oui il fallait écrire, il fallait qu'elle se presse, qu'elle se plie à son écriture qu'elle pouvait comparer à un cheval blanc qu'on ne pouvait dompter ou acheter, fugace, libre, rapide, irrattrapable, car si rares étaient les moments où le cheval apparaissait à sa personne. il ne fallait en rater aucun, pourtant elle en a déjà raté plusieurs, des passages du cheval. « tant pis » se disait-elle, abattue. « la prochaine fois, je l'aurai ».
mais fallait-il seulement l'avoir ?
impossible de le savoir, elle écrit quand le cheval se montre et qu'il n'a pas été capturé par des braconniers entre temps, c'est tout ce qu'elle sait faire après tout.
écrire quand le cheval apparaît, souhaiter capturer ne serait-ce qu'un éclat de son existence, de sa prestance, de son âme fugitive et abstraite. capturer l'invisible, l'inexistant, que c'était compliqué...
poser des mots sur des lignes imaginaires, une histoire sur des pages blanches, c'est pour cela que les doigts s'activaient sans cesse.
continuer les aventures de l'un, les questionnements de l'autre, la rencontre de ceux-là, où en est celui que se perd dans les bois ? celui qui regarde le ciel ? celle qui hésite ? et celle qui prend son envol ? le cheval le sait, il sait tout, il faut simplement pouvoir bouger ses doigts au rythme de ses connaissances éphémères.
une mauvaise concordance de temps, le passé, le présent, l'avenir, qu'importe ! l'éclat était là, ailleurs, à une époque où à une autre, tant pis, là était la pierre brute qu'il fallait sans cesse chercher et découvrir. la polir n'est qu'une étape secondaire.
polir une pierre pour en faire un bijoux qui sera précieux à ses yeux car confectionné de ses mains.
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petit texte sur la relation que j'entretiens avec mon inspiration •-•