le rosé tremblait, titubant entre les flaques de cette sombre ruelle. sa respiration était saccadée, sa marche vacillante. il ne savait pas où il allait mais il savait qui suivait ses pas tel un loup suivait sa proie. un loup attendant le bon moment pour planter ses crocs dans sa gorge immaculée. à son plus grand malheur, il tomba sur un cul de sac. un poids se fit sentir sur des épaules, celui de sa vie. sa vie trop compliquée et remplie d'aventures complètement folles. sa vie, il se demandait s'il la regrettait. si il ne l'avait pas rencontré il ne serait pas en train de suffoquer dans une ruelle, sa vie ne se terminerait pas dans l'anonymat avec pour seul accomplissement une vie brisée et un métier illégal. il aurait pu avoir une vie normale, mais non.
hors d'haleine, il se colla dos au mur sal de l'impasse, pointant d'un geste bien trop tremblant son arme à feu.
au bout du pistolet se dessinait sa silhouette dans la pénombre. son corps fin, ses cheveux de jais, et son regard inexpressif contrastant avec ses lèvres déformées d'un léger sourire. il l'avait là, juste devant lui. à quelques mètres de trouvait cet homme, le loup, celui qu'il fallait abattre à tout prix, celui pour lequel tous avaient fait des sacrifices, celui qu'il fallait tuer si on ne voulait pas qu'il nous tue.
là. il n'y avait qu'un mètre entre eux deux, il avait son arme chargée pointée sur le loup. le doigt sur la gâchette, il allait tirer, il devait tirer. pour tous.
«taeyongie... »
non.
il devait tirer, il pourrait tirer sur cet homme si seulement il pouvait oublier tout le temps qu'il avait passé à l'aimer, à se dévouer corps et âme pour lui. si seulement ces années de sa vie pouvaient passer à la trappe, et laisser place à tout le reste, sa détermination, sa rage, son rôle.
« bordel. »
mais sa main tremblait.
il ne pouvait pas.
c'était impossible d'effacer tous ses battements de cœur un peu trop rapides, tous les regards emplies d'amour qu'il lui avait porté, tout ces moment passés à l'aimer aveuglément.
il avait beau tenir l'arme des deux mains, sa respiration irrégulière et forte ainsi que ses incessants tremblements faisaient doucement dévier le pistolet de sa cible.
il le voyait s'approcher. il ne devait pas le laisser faire, il devait appuyer sur la gâchette et sauver tout le monde.
mais il ne pouvait pas.
il ne pouvait que s'enfoncer dans ce mur, comme s'il souhaitait ne faire qu'un avec et fuir cette lourde existence. les larmes lui montaient aux yeux, le sang courrait dans ses veines à une vitesse ahurissante, sa tête tournait.
il sentit la main du loup se poser sur l'arme. il ne devait pas le laisser faire.
tire. tire. tire. finis-en une bonne fois pour toute.
il s'approchait toujours plus.
« taemin hyung. »
sa voix fébrile résonna dans la ruelle déserte. la main de l'appelé gagnait du terrain sur son pistolet, mais il ne pouvait rien faire, il ne pouvait plus l'empêcher de quoique soit.
doucement, le noiraud baissa les bras du rosé qui se sentait défaillir, il était tellement faible.
il sentit un frisson parcourir son corps lorsqu'il sentit pour la première fois depuis des années les doigts de son vis à vis sur sa peau.
la main droite du loup caressait délicatement la joue du plus petit, essuyant d'un geste toujours aussi doux les larmes qui coulaient en torrent. le cœur du rosé battait si fort dans sa cage thoracique, peur et amour se mélangeaient dans son cœur torturé par son esprit malmené par cette même personne. tout n'était qu'un cercle vicieux. s'en rendre compte faisait encore plus tourner sa tête, le mur souillé était la dernière chose qui le maintenant debout.
« t-taemin hyung... »
il ne parvenait qu'à sortir ces mot de sa bouche. il était en état de choque, impossible pour lui de réfléchir correctement, il était comme crispé autour de ses propres pensées et son cœur se serrait.
il ne sentit même pas son arme quitter ses mains alors que le visage du plus grand n'était plus qu'à quelques centimètres du sien. le noiraud passa sa main dans les cheveux décoloré du plus jeune, ce dernier ne put qu'accepter avec horreur que ce geste l'apaisait toujours autant. après tant d'années passées à le haïr et à vivre brise par sa faute, il suffisait que taemin passe sa main dans ses cheveux pour qu'il se sente mieux. tout n'était que paradoxe et ça le rendait malade.
« taeyong. »
entendre son nom de sa voix lui avait manqué, sa voix lui avait manqué, son toucher lui avait manqué, et tout cela plus que de raison, il n'aurait jamais dû éprouver de telles choses à son égard. pourtant la réalité était bien plus sombre.
dans la pénombre il distinguait ce visage qui lui faisait toujours envie,
ces lèvres qui le tentaient toujours autant. et comme s'il avait pensé à voix haute, il sentit la paire de lèvres épouser la sienne d'un mouvement passionné.
le goût de ses lèvres lui avait manqué, sentir sa langue rencontrer la sienne avait toujours été le meilleur des sentiments possibles, et il s'en voulait tellement. il passa ses mains dans la chevelure ébène, emporté dans une passion qu'il avait tenté d'enfouir sous des années de souffrance et de malheur.
d'un seul coup, tout sembla disparaître. comme s'il n'y avait plus de ruelle, plus d'arme, plus de drogue, plus de guerre, plus de sang, plus de larmes, plus de haine, plus de souffrance. pendant un instant il n'y avait que ce baiser que taeyong partageait avec taemin. que ce contact et uniquement le bonheur qu'il apportait au rosé.
puis la seconde d'après, tout redescendit. le bruit sourd résonnait dans le sombre espace, les dernières larmes coulaient le long de sa mâchoire tandis que ces lèvres tant adorées s'éloignaient des siennes.
les yeux plongés dans ce regard perçant, il apporta sa main à sa poitrine et y sentit le trou qui s'était creusé dans son cœur au fil des années s'être enfin concrétisé. il ne respirait plus, ne pleurait plus, ne clignait plus des yeux. il continuait de plonger dans ce regard indéchiffrable alors que son faible corps glissait le long de la paroi.
il finit par terre, la main à présent écarlate, observant pendant les dernières secondes de sa vie cet être infâme lui tourner le dos et partir.
