Je nettoyais les écuries lorsque Claire, ma fabuleuse cousine, frappa aux portes du box.
-Bonjour, bonjour ! chantonna-t-elle.
Je délaissai la fourche de foin, puis allai à sa rencontre. Elle était splendide ! Sa robe d'un mauve lilas lui allait comme un gant. Elle portait un chapeau de paille dont le ruban violacé s'agençait parfaitement avec le délicat de cette robe. Claire Lockwood était la représentation parfaite d'une étoile.
-Que puis-je faire pour la fille d'un marquis ? plaisantai-je en la serrant dans mes bras.
Elle rigola à mon sarcasme.
-Si je ne te connaissais pas si bien, je serais vexée ! rétorqua ma cousine.
Nous rigolâmes.
-Cela fait deux semaines que je ne t'ai pas vu, dis-je. Comment vas-tu, ma chère ?
-Bien. Mère ne voulait pas que je sortes trop souvent à cause de la saison mondaine qui débute.Ah. La saison mondaine. Étant une paysanne, je ne participais point à cet événement. C'était réservé que pour les jeunes filles et les jeunes hommes célibataires ayant un titre et une fortune. Dans mon cas, je n'ai ni l'un ni l'autre.
-Je suis venue te demander une requête..., poursuivit Claire en me souriant.
Je connaissais parfaitement ma cousine. Elle magouillait quelque chose et j'étais dans ses plans. Je la scrutai d'un oeil perplexe.
-Ce soir, il y aura un bal. C'est la deuxième soirée mondaine dont je participe et c'est ennuyeux à en mourir ! S'il-te-plaît, Arabella, accompagne-moi ! me supplia-t-elle.
-J'aimerais bien, mais je n'y suis pas convoquée. Je ne peux pas participer à ces soirées, Claire. Je n'ai aucun titre.Et là, ma cousine afficha un regard malicieux. Oh, misère. Je sentai la magouille arriver.
-Et si je te maquille et t'habille comme une fille de bonne famille ? S'il-te-plait, viens avec moi ! Tu seras même mon chaperon !
Elle fit un pas vers moi en plaquant ses paumes l'une contre l'autre en signe de supplication. Je pris ses mains et les séparai.
-Ça ne fonctionnera jamais.
-Si, enfin ! Ne sois pas pessimiste ! protesta Claire.Je ne répondis rien. Il est vrai que j'ai toujours rêvé d'y participer. Je me suis toujours demandé comment serait la vie d'une jeune fille de comte ou de vicomte. Ma curiosité l'emporta sur ma raison.
-Bon... d'accord, acceptai-je.
Les traits stressés de Claire se firent remplacer par une joie immense. Elle sautilla de joie en prenant mes mains salies dans les siennes.
-Merci, merci, merci !
-Un peu de contenance, mademoiselle Lockwood ! plaisantai-je.Une fille de marquis ne pouvait être vue en train de sautiller en plein hystérie. Je le savais bien puisque Claire me contait absolument tout. Elle était comme une soeur pour moi. À la ferme, je n'avais qu'un frère et Claire était une enfant unique. De ce fait, Claire était une Lady fort aisée.
-Je suis heureuse ! s'exclama-t-elle. Viens chez moi dans deux heures, j'ai tellement de robe que tu pourras essayer.
Une dernière étreinte en guise d'au revoir et Claire partait. Il était assez étrange que nous soyons dans la famille proche, mais ayons des titres totalement différents. Une fille de marquis et une paysanne. Tout ceci coïncidait avec le mariage forcé de sa mère. Elle dû marier un homme alcoolique pour payer la dette de son propre père. Je trouvais cette histoire triste. Claire n'aimait pas en parler et je la comprenais. Je ne souhaitais qu'un mariage d'amour pour ma cousine, mais ce ne sera certainement pas dans ces soirées mondaines qu'elle le trouvera. Tout cela était ridicule. Mais je devais rassasier cette curiosité maladive.
À l'heure prévue, je rejoignis Claire dans sa chambre. Mon terrain agricole ne se situait qu'à vingt minutes de marche de Paris, là où vivait Claire avec ses parents.
Précipitamment, elle m'attira dans sa chambre et referma la porte. Sur son large lit de princesse, il y avait huit magnifiques robes. Bleu royal, blanche, mauve, bleu cyan, verte saillante, rosée et une rouge flamboyante. Mon regard restait accroché à la robe d'un vert profond.-Je me disais que tu l'aimerais, dit Claire en prenant la robe qui m'intéressait.
-Elle est magnifique...
-Le vert n'est pas ma couleur, rajouta ma cousine en me tendant sa robe.
-Je peux ?
-Évidemment !Je pris la robe et partis dans la salle de bain adjacente à sa chambre. J'enfilais doucement la robe, de peur de la déchirer. Le décolleté était modeste. Les larges bretelles se portaient en dessous des épaules. La robe était simple, mais excessivement belle. La couleur faisait ressortir les reflets roux de mes cheveux auburn. Je n'avais jamais eu les cheveux bien longs puisque cela n'était pas pratique lorsque je travaillais la terre. Ils m'arrivaient parfaitement au-dessus des épaules. Après de longues minutes à me contempler, je décidai de sortir.
Lorsque les yeux noisettes de Claire se posèrent sur moi, elle semblait émue. Elle cachait sa bouche d'une main en me détaillant. Embarrassée, je me tortillais.
-Suis-je si ridicule ? posai-je.
-Bella... Tu es une déesse ! WOW ! Quelle beauté, tu es !Crédule, je la fixai.
-Pardon ?
-Mais regarde-toi ! Parfaite ! dit-elle d'un sourire franc.
-Vraiment ?
-Oui ! Allez, le maquillage, maintenant !Elle me fit m'assoir sur une chaise devant elle. Je la laissai me maquiller comme bon lui semblait. Claire était la spécialiste dans ce domaine. Après une dizaine de minutes, elle m'ordonna de me regarder dans le miroir. Curieuse du résultat, je m'exécutai. Je ne reconnaissais pas mon reflet. Était-ce vraiment moi ? Sans poussière et terre sur les joues, je n'y croyais pas. J'étais belle et soignée. Le maquillage de Claire était naturelle. Je lui affichai mon plus beau sourire.
-Je t'adore, lui dis-je.
-Je le sais bien.Nous rîmes ensemble. Claire me laissa pour se changer à son tour. Lorsqu'elle fût prête, nous partîmes sans attendre que la marquise nous accompagne.
-Tante Laura ne vient-elle donc pas ? j'osai demander une fois que le carrosse tiré par deux cheveux avança.
-Non, répondit simplement Claire. Elle n'y porte plus vraiment attention. Elle dit que puisque je n'ai pris aucune demande en mariage au sérieux la saison dernière, celle-ci sera une perte de temps.
-Et que fait-elle ?
-Elle boit. Sûrement.Ça me faisait mal de voir ma cousine aussi seule. Elle avait un titre et fortune, mais pas de famille. Je savais bien que l'on désirait ce que nous ne pouvions avoir, mais j'étais satisfaite d'avoir la famille que j'ai. Nous arrivâmes rapidement à la gigantesque demeure où la soirée mondaine se déroulera. Le soleil commençait à peine à se coucher. L'horizon était teinté de rosé et de bleu violacé. J'adorais cette période de la journée. Tout paraissait si beau et romantique. À la ferme, il m'arrivait parfois de grimper dans l'arbre le plus haut et d'observer le couché du soleil.
Claire m'incita à sortir du carrosse. Lorsque mes pieds touchèrent le sol, l'angoisse attaqua mes entrailles. Évidemment, je savais comment me comporter en haute société. Lorsque nous étions enfants, Claire et moi nous amusions à jouer aux duchesses lors du thé. Et ma mère avait toujours trouvé important de nous inculquer les bonnes manières. Je savais donc comment parler, comment me tenir et comment manger. Et si j'avais quelques questions, Claire était là pour me rattraper. Tout se passera bien. Je j'espérai...
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Le Mensonge d'Arabella
RomanceFrance, 1805 Ce n'était censé qu'être un petit mensonge. Me faire passer pour une fille de bonne famille lors d'une soirée mondaine afin de tenir compagnie à ma cousine était son idée. Et j'ai accepté. Cependant, lorsque je rencontre le duc de Harco...