Chapitre 3

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Dans la voiture tirée par des chevaux, Claire ne me posait aucune question. Ce n'était pas croyable. Alors que je pensais à ce qui mijotait dans l'esprit de ma cousine, elle parla:

-Le duc d'Harcourt est fort attirant. Qu'en penses-tu ?

L'image d'Alaric envahit mon esprit et mon coeur se contracta.

-Il est un gentleman, dis-je.
-Ne sois pas si sotte ! Il n'avait d'yeux que pour toi ! s'exclama Claire d'un sourire jovial.

Je retins le mien.

-Il est duc, Claire. Je ne peux jouer à la Lady bien longtemps, ce ne serait pas honnête.
-Oh, mais tu peux bien t'amuser pendant quelques jours.
-Non. Je ne veux pas faire subir à ce pauvre duc le malheur de s'enticher d'une paysanne. Sa réputation prendra un coup...
-Mais tu seras Lady Arabella Lockwood. Pas Arabella Bennet.
-Ce ne serait pas honnête, Claire. Point final.

J'entendis ma cousine soupirer, puis elle se tut. Je ne voulais plus parler du duc d'Harcourt. Il envahissait toutes mes pensées et c'en était énervant. Quelle mauvaise idée ! Je n'aurais jamais dû aller à cette soirée mondaine.

-Les Ladys t'ont bien aimée, finit par dire Claire sans quitter la route des yeux.
-C'est réciproque. Elles sont adorables.
-N'est-ce pas ?

J'affichais un faible sourire. J'espérais que le duc lâchera l'affaire bientôt. Un homme de son rang ne pouvait avoir n'importe qui à ses côtés. Pourquoi s'acharnerait-il sur une quelconque fille telle que moi ? Que diable ce serait-il passé s'il avait découvert que j'étais dans la basse société ? Un scandale.

•••

Le lendemain matin, je prenais le déjeuner avec mon grand frère, Bartholomew. Nos parents étaient partis au village.

-Où étais-tu, hier soir ? me posa Bart.

À sa question, je m'étouffai avec ma bouchée de pain grillé. Mon frère me fixa d'un drôle d'oeil.

-J'étais avec Claire, répondis-je en me raclant la gorge.

Et ce n'était pas un mensonge. Même mes parents ne savent pas que j'étais à une soirée mondaine. Et si Bart l'apprenait, toute la famille sera au courant. Autant dire que c'était presque illégal, des ragots se seraient promener à propos de la famille des Lockwood. Je n'osais imaginé ce qui se dirait sur Claire. Ses chances de trouver un bon mari deviendraient faibles. Bart ne me posait plus de questions et j'en étais soulagée.
La porte de notre maison s'ouvrit pour laisser entrer une cousine rayonnante de joie.

-Bon matin, mes chers cousins !
-Bon matin Claire, la salut Bart d'un grand sourire.

Elle tenait un colis sous son bras. Claire retira son chapeau estival.

-Regarde, Bella ! Un gentleman m'a envoyé un colis. Je voulais l'ouvrir avec toi.

À son regard insistant, je compris que ce colis n'était pas pour elle. Oh, non. Ne me dites pas que le duc d'Harcourt m'a envoyé un cadeau... Quel cauchemar ! Comment avait-il fait ??

-Claire, tu as un nouveau prétendant ? demanda Bart, surpris que notre difficile cousine ait un gentleman qui la courtise.

Elle sembla se rappeler de la présence de mon frère. Elle se tourna lentement vers lui.

-Euh, oui, mais je suis encore incertaine.

Claire me prit la main et nous montâmes les escaliers pour aller dans ma chambre. Nous nous assoyons sur mon mince lit et Claire posa le colis sur le matelas. J'arrachai la note sur le dessus du paquet.

J'espère vous revoir. Je serais au Harcourt Garden à 14h00.

Avec tout mon estime,
A.Q.

Claire lut la note au-dessus de mon épaule.

-Toi qui me disais qu'il n'y avait rien..., s'esclaffait ma cousine.
-Il est sûrement trop entêté, rétorquai-je en roulant les yeux.
-Ouvre le colis ! Mais qu'attends-tu ?

Aussi curieuse qu'elle, je déchirai le paquet. Il était large, carré, mais léger. Je me demandais bien ce qui s'y trouvait. J'ouvris la boîte et mon coeur s'arrêta. Un fin tissu d'un vert profond replié proprement s'y trouvait.

-C'est joli, murmura Claire autant ébahie que moi.

Je pris le tissu entre mes mains. Cela a dû coûter une fortune ! Jamais je ne m'autoriserais à porter un tel cadeau. C'est trop. Comment le duc a pu débourser autant pour une simple fille ?

-Je.. Euh..., balbutiai-je.
-Essaie-le, voyons ! s'exclama ma cousine.
-Comment j'enfile ça ?

Claire soupira d'exaspération. Je n'avais jamais porté cela.

-C'est un châle, Bella. Tu le portes sur la tête.

Elle posa le châle sur le dessus de ma tête et passa une extrémité sur mon épaule opposée, protégeant ainsi mes cheveux.

-Il te va très bien. Va te regarder.

Je me levai du lit. Devant le reflet de la vitre, je me trouvais... riche. Je paraissais comme une de ses filles de bonne famille. Le style du châle jurait avec le vieux pantalon brun en coton de Bart et la chemise salie de terre. Mais.. pour la première fois, je pouvais avoir le semblant de la vie sans misère. Je n'appartenais pas à ce monde de fortune. Je retirais le châle.

-Ne l'aimes-tu pas ? se questionna Claire d'un regard inquiet.
-Si, il est adorable, mais je ne peux l'accepter. C'est trop. Je pourrais le vendre et nous aurions du poisson ou une tourte de pigeon sur la table.

Claire se releva pour être à ma hauteur.

-Arabella. Peux-tu te gâter pour une fois ? Depuis que nous sommes enfants que tu ne penses qu'au bien de ta famille. Un duc de te fait la cour et tu veux l'ignorer. N'as-tu donc pas envie d'être désirée et de te sentir belle dans les bras d'un homme ?
-Hier soir était une mauvaise idée.
-Et alors ? Moi, je trouve que c'était une excellente idée. Allez, Bella, juste une sortie. Et, après, dis-lui. Il va t'oublier et tout ira pour le mieux.

Claire marquait un point. Je pourrais aller au Harcourt Garden et tout lui avouer. Ainsi, il m'oubliera et choisira une autre victime de ses charmes. Je soupirai.

-D'accord...

Ma cousine semblait ravie.

-Mais comment le colis a-t-il été envoyé chez toi ? osai-je demandé.
-Je n'en sais rien. Dès que je l'ai vu, je suis venue te voir.

Tout ceci était étrange, mais je savais que Claire n'avait pas les réponses. Il doit avoir trouver l'adresse de ma cousine par ses servantes... après tout, je lui aie donné son nom complet.

-Allez, viens. Allons choisir ta robe !

•••

Dans sa chambre, elle me sortit d'autres robes, mais aucune ne s'assortissaient avec la sublime couleur du châle.

-Bon ! s'exclama Claire, les poings sur ses hanches. Allons magasiner.
-Q-Quoi ? Non. Je ne peux magasiner dans cette tenue et je...
-Voilà ! me coupa-t-elle en me montrant une robe violette avec des belles broderies vertes et dorées. Le problème est réglé. Dépêche-toi, ton rendez-vous est dans quatre heures.

Je soupirai, mais elle avait raison. Je me changeai, puis nous quittâmes son imposante maison.

Le Mensonge d'Arabella Où les histoires vivent. Découvrez maintenant