Le silence régnait dans l'habitacle de taule que formait la voiture de Victoria Melannie, assistante sociale depuis presque quinze ans. À sa droite, à la place du passager, se trouvait Samuel Son. Ce dernier sentait le soleil de mars brûler la peau de son avant bras derrière la vitre de la voiture. Sous ses yeux sombres défilaient les maisons de banlieue d'Aix-en-Provence. Toutes les habitations se ressemblaient avec leurs murs beiges et leurs jardins bien entretenus.
La voiture s'immobilisa enfin devant une maison visiblement animée par des enfants. Le jardin devant la bâtisse était meublé d'une balançoire et de plusieurs ballons. Un panier de basket était accroché à la façade du côté de la rue.
— Samuel, je voudrais te dire que cette famille n'est pas comme les autres.
Le garçon haussa les épaules lentement, l'air de dire : "les autres fois aussi vous m'avez sorti ce discours".
— Les Gilbert t'apporteront le soutien, l'amour et le bonheur. Essaie de les remercier de cela.
Victoria ne reçut que le silence en retour. Mais elle en était habituée. Cela faisait deux ans qu'elle suivait ce garçon de dix-neuf ans et il ne lui avait adressé la parole qu'une seule fois en ce laps de temps. Elle était attachée à lui, par ses cicatrices béantes et son mal-être fulgurant.
— Bon, on y va ? proposa-t-elle.
Samuel tourna sa tête vers elle et lui sourit timidement avant d'ouvrir la portière. L'assistance sociale lui rendit son esquisse, qu'il ne vit pas, et imita l'adolescent. Dès qu'elle eût rejoint Samuel sur le trottoir, elle vit un couple apparaître à la porte d'entrée. Derrière eux, un petit garçon blond montra sa tête avant de s'enfuir ailleurs dans la maison.
La femme avait une sublime chevelure châtain qu'elle avait laissé en liberté sur ses épaules, son regard pétillait et Samuel vit la couleur verte qui émanait de ses iris quand elle s'approcha de lui. Son regard était transperçant et étonnamment rassurant. Au contraire de celui de l'homme un peu derrière elle. Ce dernier arborait un regard brun et ferme, contrastant avec son sourire d'enfant qui dessinait ses lèvres.
— Madame Melannie ! Enfin vous êtes là ! s'écria la femme en embrassant les deux joues de Victoria.
— Oui Fleur, nous avons eu un soucis de roue mais nous sommes arrivés sain et sauf.Fleur Gilbert se tourna ensuite sur Samuel. La femme sourit au garçon avant d'embrasser ses deux joues aussi.
— Mon garçon, on t'attendait avec impatience. J'espère que la route a été bonne ?
L'adolescent hocha la tête doucement en gardant le silence. Les deux femmes entrèrent dans la maison, suivies des deux hommes. Franck Gilbert admirait la couleur d'ébène qui colorait la peau de Samuel. Sentant le regard de l'homme lui brûler la nuque, le jeune homme rencontra le regard de Franck et lui posa un tas de questions silencieuses.
— Pardon Samuel, je te trouve sublime et ces paroles ont l'air vraiment étranges, rigola-t-il. Bref, rentrons.
Samuel fronça les sourcils, troublé, avant d'opiner et de s'engouffrer dans ce qui ressemblait à un salon. La pièce était énorme et représentait le trois quart de la superficie de cet étage. Les meubles étaient blancs et propres tandis que le carrelage était recouvert de jouets d'enfant. Samuel sentit la pression augmenter d'un cran et vint s'installer près de Victoria. Le couple invita les deux invités à s'assoir dans le canapé en forme de 'U'.
— Que voulez-vous boire ? demanda directement Franck en déposant une coupelle de bonbons et de gâteaux sur la table basse.
— Je veux bien un verre d'eau s'il vous plaît, dit Victoria. Pareil Sam ?
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Passé composé
Teen FictionÉtant famille d'accueil depuis une douzaine d'années, la famille Gilbert commence à s'habituer aux différents enfants placés chez eux. Mais, celui-ci n'est pas comme les autres. Muet comme une carpe, violent envers lui-même et timide, Samuel Son, ne...