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La poitrine de Samuel se soulevait aux rythmes de ses respirations. D'abord calmes, puis rapides. L'adolescent avait les paupières closes et le sommeil l'engourdissait doucement. Son corps était lâche et légèrement humide à cause de la sueur perlant sur sa peau sombre.

Sous ses paupières passaient des enfants aussi blanc que de la porcelaine. Tous dansaient, riaient aux éclats, chantaient et se tapaient dans les mains. Aucun ne dardait un regard sur Samuel, qui se tenait debout, les yeux fixés sur eux. Aucune émotion ne transperçait le cœur de l'adolescent. Seule la douleur le piquait.

— Ah, y'a le black ! s'écria alors un gamin en se tournant méchamment sur Samuel.

D'un même mouvement, les têtes blanches convergèrent sur l'adolescent. Leurs yeux étaient amers, sans aucune douceur ni amitié. Leurs bouches étaient crispées et leurs doigts étaient pointés sur sa poitrine. Un étau de honte s'empara de l'estomac de Samuel et le serra fortement jusqu'à le faire tomber à genoux. Les rires des enfants s'élevèrent encore plus et lui firent vriller les tympans.

— Tu ne réussiras pas, t'es pas né de la bonne couleur ! hurla une voix familière dans le brouhaha.

Les enfants s'avancèrent alors jusqu'à lui, jusqu'à ses genoux. Un sentiment d'angoisse effrayait le jeune homme qui semblait avoir les cuisses collées au sol. Il voulut hurler sauf qu'aucun cri ne déchiraient sa gorge. Un cri lointain atteignit ses tympans mais Samuel ne reconnaissait pas la voix.

— Sam !

Il respirait fort et sentait des mains ridiculement petites lui enserrer les bras avec une force phénoménale. Samuel tenta de se débattre, de les fuir, mais c'était en vain. Son corps ne bougeait pas. Des larmes de rage se mirent à ruisseler sur ses joues d'ébène, un sanglot l'étrangla alors.

— Samuel !

La voix devenait de plus en plus ferme et claire. D'un coup, un prénom fusa dans son esprit, celui de sa mère adoptive : Fleur.

Samuel ouvrit soudainement les yeux et les têtes blanches disparurent. Il se redressa et sentit la rudesse du matelas sous lui. Devant ses yeux se tenaient Fleur. Elle était visiblement inquiète et avait une main posée sur le front du garçon.

— Tu cognais les murs comme un fou, sans un seul cri Sam. Tu m'as fait peur !

La femme se redressa mais Samuel tendit la main pour qu'elle reste un peu. Elle acquiesça et vint s'asseoir près de l'adolescent. Ce dernier posa avec hésitation sa tête sur l'épaule de Fleur et elle lui massa la nuque.

— Un jour, tu nous raconteras ? fit-elle alors pour percer le silence.

Samuel releva la tête et l'interrogea du regard.

— Ton passé, tes douleurs, tes peurs. Ton histoire, en fait.

Le jeune homme hocha la tête positivement, réellement déterminé à leur parler un jour de lui et de son père. Certes, ce ne sera pas dans les prochains jours mais ils pouvaient attendre un peu quand même.

— Bonne nuit mon cœur, chuchota-t-elle quand elle comprit qu'il s'était rendormi.

Elle le recoucha et lui embrassa le front avec une infinie douceur. Fleur avait conscience d'être une femme dure et une mère stricte, mais son cœur débordait d'amour qu'elle avait du mal à canaliser. Ce petit homme noir muet l'avait touché et l'attirait fortement. Elle sentait ce besoin de percer son secret au plus profond d'elle-même.

Enfin, Fleur quitta la chambre de Samuel et retourna dans la sienne. Elle retrouva Franck en travers du lit conjugal, les paupières mi-closes et les bras en étoiles. La femme sentit ses lèvres s'étirer en un sourire amoureux. Même après dix-neuf ans de mariage, cet homme lui faisait papillonner le ventre !

— Tu abuses un peu chéri, dit-elle en se faufilant sous les draps pour pousser son homme.

Ce dernier roula sur le côté et ouvrit les yeux.

— Alors ?
— Il faisait un cauchemar.

Franck se redressa sur un coude et regarda sa femme avec douceur.

— Ils font tous des cauchemars ma puce, regarde Eli. Pendant presque huit mois il frappait les murs, hurlait et ça à chaque nuit.
— Oui, mais là, Samuel ne hurle pas. Aucun son ne quitte ses lèvres. Je veux bien qu'il fasse semblant d'être muet mais ce n'est pas normal qu'il ne crie pas.
— Je penses que tu t'inquiète pour rien. S'il ne crie pas malgré ses mauvais rêves c'est qu'il contrôle ses rêves.

Fleur n'était pas du tout convaincue et Franck l'attira contre lui. Elle posa sa tête sur son torse nu et ferma les yeux. Elle sombra rapidement dans le sommeil, au contraire de Franck. Le mutisme de Samuel lui pesait de plus en plus. Il ne savait pas comment le comprendre et l'apprendre. Quand il pensait avoir acquis un signe, au final ce n'était pas ça. Il ne l'avouerais jamais, mais il était épuisé.

°°°

De l'autre côté de l'océan, à Chicago, une femme avait mal. Sa poitrine se soulevait douloureusement alors que ses doigts battaient vainement dans l'air. Son nom était Siam Son, veuve et pauvre. Il n'était que dix-huit heure de ce côté du globe et le soleil était encore chaud. Siam frottait le sol d'une riche famille, vêtue d'une tunique blanche contrastant avec sa peau bronzée. Chaque jours elle rendait propre des maisons que jamais elle ne pourra se payer, ni même rêver.

— Siam, une lettre vient d'arriver ici, dit une voix chantante.

La femme de ménage releva la tête pour rencontrer le visage rayonnant de sa patronne.

— À mon nom ?
— Siam Son, lut Thomas Brandson en faisant courir son regard de jade sur le cachet d'une enveloppe grise. Je vous la met ici, ne l'oubliez pas en partant.

Siam murmura un merci et figea ses yeux noirs sur le plan de travail de marbre sur lequel reposait l'enveloppe. Elle se dépêcha de finir son travail pour pouvoir l'ouvrir au plus vite. Elle ne donnait pas l'adresse de ses employeurs puisque souvent ils étaient de célèbres personnes.

— Siam ?

Une voix masculine interrompirent ses pensées.

— Oui monsieur ? Je suis dans la cuisine.

Presque une minute plus tard, un bel homme en costume clair entra dans la cuisine. Siam le mit en garde contre le sol glissant avant de le rejoindre près de la porte.

— J'ai un avocat qui serait prêt à vous entendre. C'est un ami à moi et je lui ai parlé de votre situation. Il est prêt à vous aider au plus tôt !
— Merci pour ce que vous faites monsieur, serait-il possible d'avoir ses contacts ?
— Il sera ici demain au déjeuner, vous déjeunerez donc avec nous au lieu de le faire toute seule à treize heures.

Il ignora les paillettes dans les yeux de la femme et baissa son regard sur sa montre.

— Je vous dis à demain, mon rendez-vous n'est pas du genre patient.

Sur ce, sans un au-revoir, Thomas Brandson quitta la pièce pour passer dans un énorme hall. Légère de soulagement, Siam se dirigea vers le comptoir pour attraper la lettre à son nom. Elle la déchira d'un geste franc et déplia le palier qui s'y trouvait.

En lisant les mots manuscrits sur le papier jaune, son cœur s'accéléra brutalement. Son regard se brouilla de larmes et ses mains se mirent à trembler.

— Que Dieu te vienne en aide mon fils, souffla-t-elle dans un murmure tiède.

**
*

Votre weekend c'est bien passé ?
Je vous le plombe un peu avec ce chapitre pas très joyeux.
On en découvre un peu plus sur la famille Son.

Samuel vous touche toujours ?
Voici sa mère, Siam, que pensez-vous d'elle ?

À demain pour la suite, bonne soirée.
( ◜‿◝ )

Passé composéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant