Samuel inclina la tête légèrement d'un air interrogatif avant de s'avancer jusqu'à elle. Discrètement, il fit courir son regard aux alentours pour essayer d'apercevoir la voiture de Franck. Mais il ne vit rien. Il était donc forcé à parler avec elle. Samuel se baissa à sa hauteur avant de s'assoir comme elle.
— Ne t'approches pas trop de Aziel, prévint Isiah.
Samuel la regarda, pleins de questions dans l'ébène de ses yeux.
— Elle est toxique. Et pour elle, et pour les autres.
Il ne comprit pas et encore une fois, s'en fichait. Il n'avait toujours pas l'envie de connaître ces gens. Y compris Aziel.
— Avant aussi je jouais la muette en publique. Mais ça m'apportait trop de problèmes, alors j'ai décidé d'ouvrir enfin ma gueule. Et ça les as réglé.
Samuel hocha la tête, l'approuvant.
— T'aimes tant que ça le silence ? Enfin, c'est fade et nul. T'es là, tu parles tout seul, tu discutes pas avec les autres. C'est bidon quoi.
Toujours rien ne sortait de la bouche large de Samuel. Le soleil disparaissait vraiment maintenant et dans leurs dos, la nuit s'étirait. Ses bras poussaient le soleil de l'autre côté de la Terre.
— Tu seras obligé de parler un d'ces quatre tu sais. Et puis, se taire devient vite pesant.
Il savait pertinemment qu'elle avait raison, mais se taire était sa carapace.
— Qui t'as tué comme ça, Samuel ? fit-elle d'un coup. On ne vit pas en silence, on meurt en silence seulement.
« Un homme, un blanc, Isiah. Un homme m'a tué en étouffant mon père », hurla-t-il en silence. Il hurlait si fort au fond de lui que ses yeux se voilèrent.
— Tu ne veux pas te fondre dans la masse, tu ne veux plus parler à d'autres humains. Dis-moi pourquoi.
« Un cœur brisé se trouve sur ta droite, cela te suffit-il comme parce que ? », fit-il à son tour en silence.
Isiah posa ses mains sur le bitume encore tiède dans son dos, offrant son visage brun à la nuit. Samuel ne la regarda pas mais devinait son sourire pâle, ses yeux clos, son nez aspirant l'oxygène si cher. Il aurait pu dessiner les contours de son visage de son regard, ceux de son ventre et de ses cuisses fines, mais il n'en avait pas la force.
— Trop de choses sont fracassée en toi. On les entends se frotter les unes aux autres quand tu marches et même quand tu respires. Ça fait mal hein, d'être tout seul dans un monde qui n'est pas le nôtre.
Une larme s'écroula sur la joue de Samuel pendant que certaines emplissaient la voix d'Isiah.
— Tu crois au destin ? Parce que moi ouais, j'ai prié pour qu'un humain plus brisé que moi arrive dans ma vie. T'es arrivé.
Silence.
— C'est pas le destin en fait, c'est juste Dieu. Tu sais que j'y crois plus ? Il fait trop de mal pour être un bon, parfois le soir j'y repense. À mon passé. Genre, avant. C'était bien hein. On ne se souciait pas une seconde que ça allait se finir un jour.
« Papa me disait de profiter du jour, la nuit tombait vite et l'emportait pour le remplacer. Elle ne le ramenait jamais. »
— Quand la première bombe a explosé la maison voisine, je pensais que c'était faux. Un cauchemar. Quand ça a recommencé avec les autres maisons du village, j'ai compris que je vivais le cauchemar.
Samuel ne comprenait pas une chose, pourquoi lui parlait-elle de ça ? Il ferma les yeux, demandant à ce que Franck arrive au plus vite. Il n'en pouvait plus de cette douleur, il avait besoin de repos. Et tout d'un coup, le manque lui pinça le cœur. Il voulait sa mère. Et son père.
— Je suis fatiguée de vivre tu sais. Enfin je suis pas suicidaire, juste de trimballer ce passé, ces morts. Porter les insultes, l'étiquette de migrante sur le front.
Un appel de phare la fit taire. Isiah se redressa et posa ses mains sur ses cuisses. Elle toussa doucement.
— Ma tante est là. À jeudi.
Malgré ces mots, elle ne bougea pas d'un poil. Samuel étira sa colonne vertébrale et regarda droit devant lui, en attendant qu'elle se lève. Isiah ouvrit la bouche, comme pour ajouter quelque chose, mais se ravisa avant de se mettre sur pied. Samuel la regarda marcher, puis monter dans la voiture. Ses yeux noirs suivirent la boîte de taule faire demi-tour, puis s'en aller.
— À jeudi, souffla Samuel dans la nuit.
Il sourit dans l'air et regarda son téléphone pour voir si Franck ne lui avait pas envoyé un message. Effectivement, il y en avait un.
Quand tu auras fini d'écouter la demoiselle, tu viendras. Suis derrière l'arbre.
C'était huit minutes plus tôt. Samuel soupira et se leva. Il y avait deux arbres sur le parking mais se dirigea vers celui à sa gauche en direction d'une voiture grise.
— Et bien, elle a beaucoup parlé la mignonne, lança Franck quand Samuel s'engouffra dans la voiture.
L'homme démarra dès que la portière passager fut refermée. Il garda le silence une minute avant de relancer la discussion, qu'il savait à sens unique.
— C'est quoi son prénom ?
Samuel leva les épaules, malgré le fait qu'il savait très bien le nom d'Isiah.
— La discussion avait l'air triste quand même. Et du peu que j'ai vu, elle était plutôt belle.
Samuel se retint de demander de qui il parlait en disant qu'elle était belle, puis il comprit qu'il parlait de l'adolescente. L'adolescent approuva d'un signe de tête et cela fit sourire Franck. Les deux êtres restèrent silencieux jusqu'à arriver à la maison des Gilbert.
Franck s'engagea dans l'allée menant au garage et éteignit le moteur.
— Je voulais savoir si tu étais d'accord pour venir avec moi à Marseille ce weekend, proposa Franck en se tournant vers Samuel.
Ce dernier ressentit une joie intense, qui s'évapora bien vite.
— Il y a un mini tournoi de hand, je sais que tu aimes beaucoup ce sport alors pourquoi pas y aller ?
Samuel sourit de toutes ses dents et hocha la tête, mettant de côté la crainte d'être tout seul avec son père adoptif. Franck lui tapota l'épaule en souriant aussi.
**
*Hello ! Passé un bon weekend ?
Voici le septième chapitre.
Asiah vous touche-t-elle ?
Les efforts de Franck font un peu de bien dans ce monde de brut.
Qu'en pensez-vous ?Je vous dis à demain pour la suite.
( ◜‿◝ )♡
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Passé composé
Teen FictionÉtant famille d'accueil depuis une douzaine d'années, la famille Gilbert commence à s'habituer aux différents enfants placés chez eux. Mais, celui-ci n'est pas comme les autres. Muet comme une carpe, violent envers lui-même et timide, Samuel Son, ne...