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La nuit avait été longue mais reposante sur les dernières heures. Samuel s'était levé en forme ce matin.

Le dernier cours de la journée allait toucher à sa fin, mais la professeure insistait au-près du garçon pour qu'il réponde à sa question.

— Je crois qu'il est sourd en plus d'être muet ! lança quelqu'un dans la salle, provoquant ainsi un éclat de rire général.

L'enseignante réprima un sourire froid et répéta sa question.

— Quand l'esclavage a été abouti, Samuel ? C'est pas compliqué !

Ce dernier ne savait pas et ne voulait pas le savoir. L'esclavage n'avait jamais pris fin. Enfin, dans la pratique, peut être. Mais pas dans les esprits. Les noirs étaient des êtres inférieurs dans la tête de beaucoup, les noirs n'avaient pas le droit d'avoir des droits ni des devoirs dans la société.

— Bon, vous me décevez beaucoup Samuel.

La femme se détourna et elle allait ajouter quelque chose quand la sonnerie se déclencha. Samuel fut le premier à ranger son tas de feuilles dans son sac et à sortir de cette salle d'histoire oppressante.

Samuel courut presque pour atteindre la sortie, une seule idée en tête : ne pas rencontrer Lucas.

— Eh négro !

C'était loupé. Ce fut Lucas qui rencontra Samuel. Ce dernier accéléra le pas, faisant mine de ne pas avoir entendu l'insulte. Il bouscula une fille de seconde dans sa hâte, mais ne s'excusa pas. Il se sentit stressé tout d'un coup. Samuel se retrouva rapidement dans la cour, puis dans la rue. Il devait marcher cinq minutes avant d'atteindre le cabinet de sa psychologue.

— Fais pas le sourd, espèce d'idiot ! hurla Lucas dans son dos. Tu fuis ? Tu devrais faire comme ton père, te mettre à genoux et me supplier de t'accorder de l'importance fils de chien !

Ces mots figèrent Samuel. On ne parlait pas comme ça de son père.

— Tu veux quoi ? Hein, te battre ? lança Lucas.

Samuel fit demi-tour sur lui-même, secoué par une colère sourde. Il s'avança d'une démarche rapide et raide en direction de Lucas. Les insultes martelaient Samuel chaque jour, mais celles-ci étaient de trop. Il ne vit pas un petit groupe d'adolescents sur le trottoir d'en face.

— J'avais envie de te cogner en plus aujourd'hui, tu viens te faire cogner tout seul. C'est bien ça touto...

L'italien ne put finir sa phrase puisque un coup de poing lui tomba sur le nez. Un coup assez fort pour le faire reculer d'un pas puis bondir comme un chien enragé une pincée de secondes plus tard. Il abattit son poing sur le menton du noir, puis dans son estomac. La colère rendait aveugle Samuel, qui se mit a été a frapper son adversaire de partout. Dans les côtes, dans les bras, dans le visage. Partout. Il ne calculait pas. Seul le visage agonisant de son père lui dictait ses gestes.

— Tu mérites les chaînes ! s'écria Lucas quand il recula enfin.

Samuel lui cracha au visage pour simple réponse et gifla violemment Lucas. Ce dernier ordonna à ses camarades de s'en aller et le groupe prit la fuite.

Samuel se retourna, récupéra son sac de cours et s'engouffra dans le cabinet de la psychologue. Il ne se présenta pas à l'accueil et se dirigea directement vers la salle du docteur Lucie Thomas.

— J'ai cru que jamais tu ne viendrais !

À peine Samuel eut posé ses fesses sur l'un des fauteuils douillets de la salle d'attente que la voix vive de Lucie le héla. Au son de sa voix, l'adolescent redressa la tête et fixa la silhouette ronde de la bonne femme. Ses cheveux roux étaient noués en un chignon strict qui lui donnait un air sévère.

Passé composéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant