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Les rebonds réguliers que faisait le ballon de basket appaisaient Samuel. Trois mois avaient passés depuis le départ de Victoria Melannie. Trois mois qui avaient parus trois ans au garçon.

Les journées étaient longues dans ce lycée qu'il ne connaissait pas, dans cette maison qui n'était pas la sienne. Il avait le bac à la fin de l'année et avait un retard énorme à force de rater des cours pour changer de famille. En plus de cette difficulté, celles du racisme et du harcèlement planaient au-dessus de sa tête.

Encore aujourd'hui, le groupe de Lucas Tiviolli l'avait menacé, puis frappé aux côtes. Leurs mots résonnaient encore aux oreilles de Samuel.

— Putain ! s'écria ce dernier en lançant le ballon en direction du panier fixé sur la façade pour faire taire la voix rauque de Lucas.

Samuel ne parlait jamais, sauf quand il était tout seul. Pourquoi parler quand le silence était déjà un message bien éloquent ? Samuel était une victime facile pour les gens du lycée, il ne se plaignait pas puisqu'il jouait le rôle d'un muet. Il ne disait rien puisque la honte pulsait son sang dans ses veines.

Dans un silence, Samuel vit Franck se glisser près de lui et récupérer le ballon pour faire des shoots.

Un lien de soie s'était tissé entre les deux hommes durant ces trois mois. Le duo se respectait et connaissait les limites de l'autre. Au fil des jours, ils avaient créer un langage qui leur était propre et qui se formait des silences de l'un et des gestes de l'autre.

La nuit tombait doucement sur les épaules des deux êtres. Leur peau brillait légèrement à cause de la sueur et Franck calma le jeu au bout d'une demi-heure.

— Ta journée, ça a été ?

Samuel attrapa de justesse la balle que son aîné lui lançait et tira un panier tout en hochant la tête délicatement. Un mensonge valait mieux que les explications de la vérité.

— Je sais que tu me mens Sam, j'ai vu tes bleus dans le dos hier.

Samuel récupéra la balle dans un rebond et ne répondit rien. Il savait que Franck était au courant de quelque chose, mais que pouvait-il lui expliquer ? Qu'on ne l'aimait pas car sa peau n'était pas comme la leur ? Qu'il était trop sombre et qu'il faisait tâche parmi ces blancs ? Et puis, même, il n'allait rien dire du tout.

— J'aimerais tant que tu parles Sam, souffla enfin Franck.

Samuel arrêta le ballon et s'approcha de l'homme, visiblement épuisé. La main noir du garçon se posa sur son épaule et la serra avec affection. Une promesse se faufilait dans ce geste : celle qui promettait qu'un jour Samuel parlerait. Mais pas aujourd'hui, ni demain.

— Les garçons ! appela la voix frêle de Fleur Gilbert. Il est temps d'aller dormir pour Sam.
— On arrive, chérie.

Samuel ne voulait pas rentrer. Pourtant, il s'engagea dans le petit chemin de dalles menant à la porte d'entrée entrebâillée. Samuel posa son ballon à l'entrée avec ses chaussures et grimpa jusque dans sa chambre en chaussettes. L'adolescent s'empara d'un t-shirt et d'un caleçon et fila à la douche.

— C'est mon tour le muet, l'interpella une voix criarde.

Dans un soupir, Samuel s'engouffra dans la salle d'eau et referma la porte sur lui.

— Tu vas salir la douche putain ! s'écria la fille.

Une colère froide figea Samuel derrière la porte. Il aurait voulu la faire taire, la frapper peut être ou du moins la remettre à sa place correctement.

— Maman ! hurla l'autre. Samuel a prit ma place putain !

L'adolescent laissa la fille hurler, puis s'engueuler avec sa "mère" et retira son t-shirt puis son jean. Il ouvrit ensuite le jet d'eau et attendit que l'eau chauffe à moitié nu devant la douche.

Passé composéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant