Franck arriva dans le salon en silence et salua la mère de Yanis puis Samuel. L'adolescent avait vu son reflet dans une glace se trouvant dans le salon au dessus de la télévision et avait eu peur de lui-même, il redoutait la réaction de son père adoptif. Et il eut raison.
— Oh purée de pommes de terre à la muscade ! Qui t'a fait ça ? Demain, on va porter plainte ! Et dès la première heure.
Samuel se leva et mit ses mains à la hauteur de ses épaules pour apaiser Franck. Yanis observait la scène.
— En fait, on va y aller dès qu'on partira !
— Franck.Rien que ce mot fit taire l'homme. Celui-ci fut sidéré d'entendre le garçon parler.
— Au moins, ça t'aura délier la langue ! Enfin, à la maison tu redeviendra muet mais bref. On va porter plainte Samuel.
— Monsieur ? intervint Yanis.
— Non mais comment est-ce qu'on peut frapper quelqu'un ! On ne frappe pas pour rien ! Pourquoi ils...
— Monsieur ? recommença Yanis, un peu plus fort.
— Ça m'énerve ces gens sans éducation putain !
— Monsieur !Cette fois, Franck se tut et tourna la tête vers l'adolescent brun.
— Ça ne sert à rien de crier puisque c'est fini, mais on peut aller porter plainte maintenant. Je peux témoigner et puis, il y a cette vidéo sur internet qui tourne aussi.
— Une vidéo ?
— Oui, des lycéens ont filmé la scène du début à la fin et ça tourne sur Insta et Twitter.Franck devint rouge. Rouge de colère. Ses poings se serrèrent pendant que Yanis se leva et resta immobile.
— C'est qui qui a fait ça ? demanda Franck alors.
L'adolescent parut hésiter, Samuel ne voulait pas qu'il dise les noms. Les représailles seront violentes et pire que celle-ci, il le savait. Sauf qu'il savait aussi que Franck était comme un lion quand il était question de protéger sa famille. Et même si Samuel ne le voulait pas, il était sa famille.
— Assa Benlakaloui.
— Très français ! s'écria le père de famille avec violence.Samuel se prit la tête dans les mains un moment puis regarda cet homme en colère.
— Vous ne voulez pas boire un coup ? proposa tout d'un coup la femme.
— Si vous avez un alcool fort je prends, faut que je noie la colère avant qu'elle m'inonde.Elle passa derrière un îlot de pierre et se pencha pour prendre une bouteille d'un liquide d'ôcre. Elle le présenta comme un alcool russe et Franck l'accepta.
Un verre plus tard, père et fils se trouvèrent dans la voiture en direction du commissariat.
— Pourquoi tu as parlé avec ce Yanis alors que tu ne le connais pas ? demanda enfin l'homme arrivé à un feu rouge.
Samuel n'avait pas vraiment de réponse. Il avait juste été en confiance en compagnie de ce garçon, il n'y avait pas d'explication rationnelle. Il venait d'échapper au pire.
— Je veux pas qu'on porte plainte.
Le feu passa au vert et Franck redémarra. Il n'y avait qu'une ligne droite devant eux avant d'atteindre un rond point.
— Pourquoi ?
Samuel haussa les épaules. Comment lui expliquer qu'il avait peur ? Pas cette peur d'enfant mais celle de l'adulte qui comprenait que s'il parlait, on le lui ferait payer. Et pas du prix le plus bas.
— Tu peux faire le muet, Sam mais pas tout le temps. J'ai compris. Je sais que tu te tais parce que tu ne veux pas t'expliquer, parce que tu n'as pas confiance mais tu peux avoir confiance en les flics. C'est eux qui gère le pays.
« C'est eux qui tuent aussi », pensa l'adolescent. Mais il ne dit rien, laissant l'autre parler en roulant. Le rond point s'approchait.
— Je ne veux pas, fais demi-tour.
Son ton était suppliant. La peur faisait vibrer sa voix. Franck se crispa, ses épaules se tendirent et ses phalanges blanchirent.
— Il faut le dire, Sam.
« Ils vont pas nous écouter », voulait dire le jeune homme.
— Un homme c'est des fautes Samuel. Ton père, c'était une erreur, tu ne peux pas...
— Ce n'était pas une erreur Franck ! s'écria Samuel.Sa voix résonna dans l'habitacle de taule. Arrivant au rond-point, Franck le prit en entier pour revenir sur son point de départ. Finalement, il fit la même route mais à l'envers.
— Tu ne pourras pas faire le muet toute ta vie, conclut Franck.
Samuel le savait parfaitement, mais là il n'avait pas la force d'expliquer ce qu'il s'était passé aux policiers. En fait, il avait honte d'être celui qu'il était. Et puis, un homme ça ne se faisait pas tabasser, ça ne tombait pas à genoux. Une larme fébrile roula sur sa joue et avant qu'elle roule plus loin que son nez, il la chassa du bout du doigt.
Le duo arriva très vite à la maison. Samuel descendit de la voiture avant que le moteur soit éteint et il entra dans la maison en silence. Il vit Fleur dans le canapé, son fidèle verre de Martini à la main. Elle releva la tête sur lui, mais il l'ignora et monta à l'étage rapidement.
— Bonjour ! lança-t-elle.
Il ne répondit rien du tout et alla plutôt prendre une douche. Il enleva le bandage qu'avait fait madame Ferey et fit couler l'eau. Quand elle fut bien chaude, il s'y glissa dessous. Au début, ça lui faisait mal puis doucement il se détendit. Il resta immobile sous le jet d'eau une douzaine de minutes avant de se savonner et de se rincer. Ensuite, il passa une serviette autour de la taille et se hâta de rejoindre sa chambre. Samuel était surpris de ne pas avoir Elijah sur son lit et en profita pour fermer la porte à clé.
— Il n'a pas voulu ! Moi, je l'écoute au moins ! entendit-il.
Samuel passa un t-shirt et un boxer avant de s'assoir au bord du lit. Il alluma son téléphone puis alla sur Instagram. Très vite, il trouva la vidéo en question. La qualité était pas fameuse mais on voyait très bien ce qu'il s'y passait. Samuel revécu les coups au fil des minutes. La vidéo durait sept minutes douze. Il hésita à lire les commentaires puis il fit glisser son doigt sur l'écran pour faire disparaitre la vidéo.
— Ne remue pas les actions passées, ça ne sert à rien, avait dit sa mère quand il était petit.
Une notification le fit sourire comme un idiot, c'était un message de Yanis. Ce dernier lui disait de ne pas s'abonner à lui sinon les autres trouveraient son profil et alors le harcèlement s'étalera jusqu'ici. Samuel lui répondit.
Sam.fl : Tu m'a trouvé comment ?
Samuel tomba sur une vidéo de cette après-midi mais cette fois on ne voyait que lui cognant Assa. La légende disait : un blanc tabassé par un noir, où va la France ? Une colère froide envahit les joues du garçon et il ne se rendit pas compte que sa main serrait trop fort son téléphone.
Yanis_fr : Ma sœur est un agent du FBI mdr, voulais savoir si t'allais bien et ce qu'avait dit les flics.
Samuel.fl : Ok, et ça va, on est pas allé en fait.La réponse fut longue et Samuel avait déjà sombré dans les bras de Morphée quand son téléphone vibra. La fatigue était tombée d'un coup, sans prévenir. La journée avait été trop longue, la douleur trop là et sa mère trop loin. La France, il commençait à en avoir marre.
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*La crainte des policiers est quelque chose de fort.
Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?
De Franck ?
Et de Samuel ?À plus tard pour la suite !
( ˘ ³˘)
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Passé composé
Ficção AdolescenteÉtant famille d'accueil depuis une douzaine d'années, la famille Gilbert commence à s'habituer aux différents enfants placés chez eux. Mais, celui-ci n'est pas comme les autres. Muet comme une carpe, violent envers lui-même et timide, Samuel Son, ne...