Chapitre 14 : Une décision

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- Cam...

Ma mère prend la parole. Son inquiètude et sa confiance  en moi se mèlent dans ce simple mot et me déchirent. 

- Non, ne me coupe pas la parole, s'il te plait.

Je respire profondement et la regarde.

- J'ai mis une fille enceinte.

Ses traits sont indéchiffrables. Je n'ai pas d'autres choix que de poursuivre.

- Elle ne veut pas garder le bébé même si je lui dis que je ferais tout pour l'aider. Je vivrais avec elle, travaillerais dur pour élever notre enfant. Mais elle ne veut pas. Elle ne veut pas de notre bébé.

Je suis sur le point de pleurer devant ma mère. Elle se lève et me prend dans ses bras, comme quand j'étais petit et que j'avais besoin de réconfort. Ai-je besoin de réconfort ? Je suis fort pour Maddie. Je veux l'être en tout cas.

- Tu es un garçon merveilleux, Cameron, souffle-t-elle tout contre moi.

- Et je suis sûre que cette jeune fille le sait. Mais penses-tu qu'elle soit prête ? Elle doit être jeune. Si toi, tu es prêt à être père, ou pense l'être, c'est parfois différent pour une jeune fille.

Elle hésite à poursuivre.

- Discute avec elle. Tente de savoir pourquoi elle ne veut pas. Expose doucement ton opinion. Et accompagne-la quelque soit son choix. Elle en aura besoin.

Je ferme les yeux. J'ai l'impression que ma mère est ...résignée.

- Nous serons toujours là ton père et moi si tu as, si vous avez besoin de quoi que ce soit.

- Merci Maman.

À son tour elle embrasse mon front et je sens un sourire se dessiner sur ma peau.

- Maintenant tu vas te laver les mains avant de te mettre à table.

~~~~~~

Le médecin est horrible. Je me retiens en serrant les poings de prendre la parole ou de quitter la pièce en claquant la porte.

Il est froid, indifférent et débite les questions de son formulaire à toute allure. Est-ce un médecin psychologue ? Est-ce cet homme qui est chargé d'informer Maddie de ses choix ? Il a regardé ma mère de travers et a demandé pourquoi j'étais là.

Seule la main de Maddie sur mon bras m'a empêché de répliquer.

- Cameron est mon ami. Il m'accompagne dans cette démarche et Mme Myers est la personne majeure indispensable à ce que j'ai compris.

Il continue de parler.

- Donc d'après les dates que vous nous avez fournies et l'examen, il semble que vous soyez enceinte de moins de 4 semaines. Vous pourrez donc venir la semaine prochaine au centre de Planification pour prendre votre prescription médicamenteuse de Mifégyne.

- Bien.

-Ensuite vous allez surement perdre du sang, avoir un peu mal mais les contractions permettant l'expulsion de l'œuf débuteront 36 heures uniquement environ après la prise. Vous serez éventuellement hospitalisée une journée à ce moment-là et nous vous donnerons des prostaglandines pour achever le processus.

Maddie serre ma main de plus en plus et je voudrais partir très loin d'ici avec elle. Mais le médecin imperturbable continue en la regardant droit dans les yeux.

- Dix jours plus tard il faudra faire une échographie de contrôle pour s'assurer que ... la grossesse est bien... achevée. Vous avez compris mademoiselle ?

Elle déglutit

- Oui, Docteur.

- Bien. Maintenant passons à autre chose. Je ne suis pas là pour vous juger ou vous faire changer d'avis mais je dois entendre les raisons qui vous poussent à ne pas mener à terme votre grossesse. C'est la loi. Je dois vérifier que vous ne subissez pas de pression.

Il me jette un coup d'œil avant de reporter son attention sur Maddie. S'il savait.

- Je... J'ai 17 ans. Je ne sais pas si c'est une explication mais je suis trop jeune. Je me sens trop jeune. J'ai des envies...Je veux être écrivain. Enfin j'en rêve.

Elle hausse les épaules avant de poursuivre. Sa voix tremble à peine.

- Pour cela je dois vivre ma vie. Cameron, lui, veut devenir avocat. Il le peut ! Il est brillant. Il rentrera sans problème dans une des universités de l'Ivy League. Je ne peux m'entraver, et l'entrainer avec moi. Un enfant c'est une ...

Elle cherche ses mots tandis que je mesure la culpabilité qu'elle a vis-à-vis de moi.

- .. une responsabilité. Il faut être prêt. Ferme sur ces deux jambes et dans son couple aussi.

Elle me regarde.

- Nous sommes jeunes. Des filles, des femmes y arrivent seules ou accompagnées. D'autres non. Ma mère était jeune. Très jeune quand je suis arrivée. Trop jeune m'a-t-elle dit souvent.

Le soupir de Maddie me crève le cœur.

- Elle avait raison. Parfois je me demande si je n'ai pas plus grandi que ma mère. Je ne veux pas reproduire ses erreurs : construire un couple autour d'un bébé. Non, je ne peux pas.

Elle se tait et le silence résonne dans la pièce. Ma mère, qui est restée silencieuse depuis le départ, se penche vers Maddie et l'embrasse sur la joue tendrement.

- Bon, je crois que j'ai entendu votre position.

Le docteur nous regarde et signe une feuille devant lui après avoir griffonné quelques mots.

- Vous pourrez revenir dans 7 jours si vous n'avez pas changé d'avis, Melle Parks.

En partant il lui serre la main et lui donne une tape sur l'épaule.

Il n'est pas si désagréable que cela ce médecin mais je me sens nettement plus à l'aise à l'extérieur du bâtiment. Je respire profondément. Le soleil, inattendu, nous éblouit. J'ai saisi la main de Maddie et je ne la lâche plus.

- Les enfants si vous n'avez plus besoin de ma présence je vais vous laisser.

- Merci, Mme Myers.

Maddie n'ose pas s'avancer vers ma mère, mais celle–ci n'hésite pas et la prend dans ses bras. Avant de l'embrasser

- Courage, ma petite. Tu prendras la meilleure décision pour toi, pour mon fils et pour ce petit.

Elle effleure de sa main le ventre de Maddie et je sens dans la voix de ma mère une légère cassure.

Je suis maintenant seul avec Maddie et sans nous regarder on continue de marcher en se tenant la main. 

°• Quand la théorie ne suffit pas •°Où les histoires vivent. Découvrez maintenant