Chapitre 1 En retard

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Saleté de voiture ! À cause d'elle, j'allais me faire remarquer. Evidemment, le détour à la pharmacie de Port Townsend n'a rien arrangé non plus. Vingt kilomètres de Dungeness. Suffisamment loin pour ne rencontrer personne de ma connaissance mais pas trop afin d'arriver à l'heure en classe, enfin en principe. Si le vieux tacot qui me sert de moyen de locomotion accepte de redémarrer dans la minute.

Je tourne la clef de contact et crie silencieusement (c'est pas le moment de me faire remarquer encore plus) mon bonheur. Elle a démarré. Enfin.

Je quitte rapidement le parking de la pharmacie. Mes tergiversations devant le rayon maudit m'ont clairement mise en retard. Je préfère oublier l'oeil soupçonneux de la pharmacienne lorsque j'ai réglé mon achat. Ça ne la regardait pas. Je pensais que j'arriverai à temps pour mes cours de l'après-midi, mais à quelques minutes près, ça allait être compliqué de passer inaperçue. Et je déteste me faire remarquer. Le panneau d'entrée dans ma petite ville de Dungeness, perdue au fond de la forêt de l'état de Washington, enfin. Le lycée n'est plus loin.

Je monte l'escalier qui mène dans la salle de cours un peu trop vite, faisant tomber mon petit déjeuner, une pomme, de mon sac et prenant le risque de m'étaler, vu mon adresse. J'entends un autre élève courir derrière moi. Je ne suis pas la seule retardataire mais cela ne me console pas. Trois étages ! Quand est-ce qu'ils installeront des ascenseurs dans les établissements scolaires publics ?

Finalement j'arrive sans encombre, mais essoufflée, devant la classe. Zut elle est déjà fermée !

Bravo, tu es officiellement en retard, Maddie Parks.

Après une légère hésitation, j'inspire profondément et frappe un coup léger à la porte avant de la pousser.

En m'excusant poliment auprès de M Banning, je regarde discrètement pour voir quelles places restent libres dans la salle de biologie. Deux places. À coté de Cameron Myers ou à coté de Jack Boselli. Quel choix ! Je soupire intérieurement. Soit m'asseoir à quelques centimètres de celui à qui je ne veux plus parler... soit avoir comme voisin le pitre de la classe qui, de plus, traîne souvent autour de lui une odeur de chaussettes... nauséabondes.

- Bon, ça ira pour cette fois, Melle Parks, prenez place à côté de Monsieur Boselli, je suis certain qu'il appréciera votre aide, ricane mon prof en résolvant mon dilemme sans le savoir.

Jessie Stirling, encore plus en retard que moi, c'est elle qui courrait dans l'escalier, se glisse alors derrière moi en minaudant.

- Monsieur Banning, je suis désolée moi aussi d'être en retard, je peux donc m'asseoir à côté de Cameron ? 

Et sans attendre confirmation, elle me bouscule et s'assoit sur mon siège habituel.

- Mlle Stirling ! C'est votre quatrième retard du semestre. Vous fumerez votre cigarette sur un autre créneau la prochaine fois, ou vous irez rendre visite à Monsieur le Directeur.

Esprit de la forêt Dungenessienne, si tu pouvais transformer cette dinde au corsage trop serré en souris, tu m'éviterais de l'écorcher vive avant la fin de la séance de biologie.

Rien ne se passe évidemment, sauf que Cam recule un peu sa chaise pour s'éloigner de la dinde, ce que je note non sans satisfaction en regagnant ma place au premier rang. Que fait d'ailleurs Jack au premier rang ?

Je pose mes affaires sur la paillasse et ouvre rapidement mon cahier. Le titre me saute aux yeux. Je le regarde avec une sorte de fascination malsaine. La contraception. Je me cogne le front contre la table et ramène mon bras sur ma tête. Je voudrais disparaître de ce cours, de cette pièce, de cette ville.

°• Quand la théorie ne suffit pas •°Où les histoires vivent. Découvrez maintenant