Sa respiration se perdait dans sa course. Fouettant son visage de son voile flou. Il s'échappait au rythme de son essoufflement saccadé.
Clarok courait. À s'en déchirer les poumons et la raison avec. Son corps entier criait à la douleur, et son esprit à la peur.
Sans une lumière elle progressait entre les fourrés. Sa vision fatiguée n'arrivait plus à distinguer vraiment son environnement. Les formes fantomatiques des arbres ressortaient transformées, en des monstres de cauchemars. Effrayants et transformés.
Le craquement des branches se faisait à chacun de ses pas précipités. La boue du sol la faisait glisser. Ses pieds buttaient contre des rochers.
Les douleurs fantômes dans ses mains se retrouvaient complètement ignorées face à ce surplus d'informations. Les questions sur son rêves s'oubliaient dans la peur dans son esprit. Sa priorité : continuer.
Elle bifurquait de temps en temps. S'engouffrant toujours plus dans la forêt sombre, un labyrinthe de légende.
Dans son âme régnait la panique. Celle-ci s'était installée depuis des printemps en elle. Et dans ces instants où elle devrait n'être que logique, elle décidait de refaire surface, et de la pire des manières.
En la tordant sous l'effet de la peur.
En s'immisçant jusque dans ses pensées fixes.
En ne lui montrant qu'une réalité opaque, et noircie par la haine des gens.
En l'obligeant à se sentir aussi seule que pendant chaque deuil qu'elle avait connu.
Elle se sentait sombrer, dans cette noirceur maladive. À chaque pulsion de son cœur fatigué, l'eau de ses émotions l'engloutissait encore plus. La coupant encore plus de la réalité, la changeant en misère.
Mais ses mouvements restaient rapides. Poussés par la peur et les printemps entiers d'entraînements.
Rôder proche du camp en attendant le retour d'Eulak ne lui avait attiré que des ennuis. À peine qu'elle avait remarqué une pierre noire éclatée sur le sol, des pas derrière elle s'étaient fais entendre.
Depuis elle tentait d'échapper à cette personne aux pas furtifs.
Les arbres défilaient, ses forces faiblissaient, la personne coursait toujours la voyante.
La maigre lune montait dans le ciel nocturne. Lui montrant que même après tout ce temps, ses efforts étaient inutiles. Réduisant son espoir, la rendant vide de tout. Avec seulement la panique pour l'accompagner.
Dans ses veines pulsait la peur. Plus celle qui amenait à se dépasser, celle qui tétanisait en grignotant lentement la raison d'une personne. Elle s'enroulait autour de sa conscience comme un de ses serpents que Clarok avait vu sur des représentations. Et comme eux, étouffait.
Que lui voulait-on ?
Clarok savait que tout cela avait un lien avec la disparition de Eulak. Peut-être était-il à surveiller que personne ne se lève ? Peut-être pour que il voulait s'assurer que Eulak soit loin avant que sa non-présence soit remarqué ?
Si c'était le cas, la jeune femme serait poursuivie jusqu'à ce qu'on l'arrête. Alors elle fit ce qu'il attendait d'elle, et se stoppa dans sa course effrénée.
Elle devenait le loup, quittant le rôle du lapin. À présent, elle attaquait.
Alors, en prenant garde à ne pas faire trop de bruit, la jeune talentueuse ramassa une de ses branches recouvrant le manteau forestier. Ses bras prirent dans la précipitation de l'instant ce qui se rapprochait le plus d'un gourdin.
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Shadow Dreams - I . la vague de sang
FantasíaLa dure Régence d'Aslanie pourrait être résumée aux mots rude, froid ou encore sang. Mais la réalité y est encore bien plus sombre. On y meurt mieux qu'on y vit. Dans ces temps de violence : Eulak, brillante et glaciale cartographe, croise la route...