15 : Brune, ou comment poser une question

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Brune n'était pas une dragueuse professionnelle.

Elle s'était mise en couple à quatorze ans. Antoine était dans sa classe, il lui demandait sans arrêt des copies doubles et ils s'étaient embrassés sous le préau du collège. Elle n'avait pas eu à le séduire, ni à séduire d'autres garçons, puisqu'ils étaient encore ensemble.

Donc non, Brune n'était pas une dragueuse professionnelle.

Mais elle avait assez de compétences pour savoir que « Salut, ça va » n'était pas une bonne phrase d'accroche.

« Qu'est-ce que je peux lui dire d'autre ?, balbutia Charlotte, en sortant du métro.

- Je ne sais pas, admit Brune. Essaie de trouver quelque chose de plus original.

- Je peux peut-être lui demander comment s'appelle son chat ? »

Brune secoua la tête tandis qu'elles quittaient la station.

« Certainement pas. Il va savoir que tu l'as stalké sur Twitter.

- Ah, et c'est grave ? »

Brune jeta un coup d'œil à Charlotte. Celle-ci trottinait à côté d'elle, les joues rouges et ses grands yeux bleus remplis d'inquiétude.

« Très. Tout le monde stalke mais personne ne doit le dire, c'est la règle.

- Ah bon. »

Brune ne put s'empêcher de sourire. Quelque part, elle enviait Charlotte. Elle aurait aimé connaître ces sensations. Être terrifiée à l'idée de le voir, de dire quelque chose de bête, espérer violemment qu'il la remarque. Enfin. Elle était en couple et heureuse. Elle n'allait pas tout laisser tomber juste parce qu'elle était curieuse de savoir si elle pouvait plaire à quelqu'un d'autre qu'à Antoine.

Et puis, elle avait d'autres projets. Ou plutôt, un autre projet.

Antoine s'était endormi pendant qu'elle lui parlait, et ça l'avait fait réfléchir. Elle s'était un peu oubliée. Il y avait son couple, la fac, le Latina... Elle n'avait plus de temps pour elle. Ou en tout cas, elle n'en avait pas pris. Au début, l'inconnu du téléphone l'avait agacée, avec ses questions sur le chant, mais elle commençait à croire qu'il avait raison. En grandissant, elle avait mis de côté la seule chose pour laquelle elle avait du talent. Elle n'avait cessé de se répéter que c'était mieux, qu'elle perdait du temps en chantant, qu'il était plus sage d'étudier, de passer des moments avec Antoine, de travailler pour préparer l'avenir. Oui. Elle s'était complètement oubliée, et elle voulait réparer ça.

« Dis, Charlotte, qu'est-ce que tu penserais si je...

- T'es sûre que je peux pas lui demander si ça va ? »

Brune regarda son amie. Elle n'était pas sûre que Charlotte l'ait écoutée.

« Certaine. »

Brune n'avait pas répondu.

Surprise, elle se retourna en même temps que Charlotte, pour tomber nez à nez avec Mimosa.

Talons aiguille, créoles, rouge à lèvres et lunettes de soleil : Mimosa s'était, comme à son habitude, mise sur son trente-et-un. Souriante, elle attrapa Brune et Charlotte par les épaules, retira ses lunettes, et demanda d'un ton taquin :

« Alors Charlotte, on a quelqu'un en vue ?

- Non, répondit-elle avec précipitation. Non, pas du tout. »

Les joues de Charlotte la trahissaient.

« Mimosa, qu'est-ce que tu fais là ?, intervint Brune. On va au Latina et tu...

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