« Je veux servir un nouveau cocktail. »
JB leva les yeux de son ordinateur et considéra sa cousine avec très peu d'intérêt.
« Tu quoi ?
- Je veux servir un nouveau cocktail, répéta Mimosa. J'y ai réfléchi, et je pense qu'on doit l'inaugurer ce soir. Tiens. Regarde. »
Elle lui tendit la fiche qu'elle avait préparée. Elle y avait mis tout son cœur. L'idée lui était venue après le départ de Valentin. Elle avait repensé à leur conversation, à leurs projets d'avenir, et voilà.
Valentin n'aurait jamais le cran de diffuser une de ses compositions.
Mimosa, elle, innovait.
Elle était certaine qu'elle innovait plus que cette connasse de Justine. Elle espérait juste que Valentin finisse par s'en rendre compte.
Soupirant, JB jeta un coup d'œil à son projet. C'était ce que Mimosa détestait chez son cousin : il ne savait pas faire semblant d'être enthousiaste. Il faisait subir à tout le monde sa mauvaise humeur, son ennui, son peu d'entrain, et c'était franchement déprimant. Enfin. Elle supposait que ce trait de caractère, c'était de famille.
« Écoute, j'ai du boulot...
- Non mais JB, regarde. C'est l'idée du siècle.
- Mimosa...
- Allez, t'as rien à faire, là. »
Elle connaissait son cousin par cœur. Elle était sûre qu'il était encore en train de lire un truc débile sur les paris hippiques.
Elle se pencha par dessus le bureau, sourde aux protestations de JB, et vérifia l'écran de l'ordinateur.
Voilà.
« T'es sérieux, là ? T'es encore en train de mettre de l'argent dans des poneys ?
- Des chevaux de course, Mimosa, soupira-t-il.
- Pareil. Ça a des sabots et ça bouffe du foin. »
JB ouvrit la bouche, et Mimosa comprit immédiatement qu'il comptait lui faire un exposé en trois parties sur les différences entre le poney et le cheval. L'horreur.
« Ta gueule. Parlons plutôt de mon cocktail.
- Mimosa, j'espère que tu n'es pas aussi vulgaire avec tes clients.
- Non. Seulement avec Tarik. Tu le regardes, mon cocktail, oui ou non ? »
Effectivement, Mimosa avait conscience d'être directive. Mais c'était le moment ou jamais. La soirée nineties débutait dans deux heures, et elle avait vraiment besoin de refaire quelques essais avant de pouvoir le servir aux clients. Et il fallait que ce cocktail sorte ce soir. C'était l'occasion rêvée.
JB se massa le menton.
« Tu te laisses pousser la barbe ?, demanda-t-elle.
- Ouais, t'en penses quoi ?
- Rase-la. »
JB la fusilla du regard, et Mimosa haussa les épaules. Elle ne comprenait pas les gens qui demandaient son avis et qui ensuite lui reprochaient de l'avoir donné. Ça n'avait absolument aucun sens.
Son cousin attrapa sa fiche explicative, et la lut en silence.
« T'as appelé ça le Lenny Kravitz ?
- Bien sûr.
- Pourquoi ?
- Parce que c'est la soirée nineties.
- Mais demain ce ne sera plus la soirée nineties.
- C'est normal, c'est un cocktail éphémère.
- Et moitié prix ? C'est quoi ce bordel ?
- Fais-moi confiance, ça va inciter à la consommation...
- Et on rembourse la note de... Non, Mimosa, t'as cru qu'on était la Banque de France ?
- JB, réfléchis. »
Mimosa tira ses lunettes de sa poche et les posa sur son nez. C'était le moment d'être convaincante. Elle arracha la fiche explicative des mains de son cousin, inspira un grand coup, et relut :
« Le Lenny Kravitz est un cocktail éphémère qu'on servira pendant la soirée nineties. On le fait à moitié prix. Le premier qui trouve la composition du cocktail, on lui rembourse toutes ses boissons.
- Mais...
- Il ne faut pas que le cocktail soit trop élaboré, parce que si jamais une personne arrive miraculeusement à identifier les ingrédients après cinquante verres, on doit tout rembourser, et on est niqués. D'un autre côté, il ne faut pas que le cocktail soit trop simple, sinon les gens se désintéressent du jeu, et on va avoir quinze connards bourrés qui réclament eux aussi leur remboursement.
- Mimosa...
- Donc, j'ai élaboré ma recette pour qu'on puisse être exactement sûr de sa composition en en ayant bu trois, si on s'y connaît moyen en alcool et si on le tient bien. Mais on peut espérer que les gens seront bourrés et que du coup, ça affectera leurs capacités de reconnaissance, et qu'ils en prendront un autre.
- Et Zazou va se retrouver à devoir virer de force des gens devenus incontrôlables...
- Mais non, t'es défaitiste. Le cocktail n'est pas si chargé que ça.
- Et tu crois sérieusement que les gens vont jouer à ton jeu ?
- Évidemment. Cocktail moitié prix, je te rappelle. Et il sera délicieux, puisqu'il est fait par moi. »
JB la regarda.
Elle regarda JB.
« C'est non.
- Mais...
- J'ai dit non. Tu oublies ton Lenny Kravitz. Pour l'instant en tout cas.
- Putain, JB...
- J'ai du boulot. »
Furieuse, elle reprit sa fiche et sortit en claquant la porte.
Elle monta les escaliers, se posta derrière son bar, et fixa les bouteilles d'alcool qui s'y trouvaient. C'était une bonne idée. Elle en était certaine. Il fallait juste que JB la laisse essayer. Au pire, s'il y avait des problèmes, elle arrêterait tout. Il fallait juste que...
« Mim ? T'es déjà là ? »
Elle se retourna. Tarik terminait la vaisselle de quelques verres, et l'observait avec suspicion.
« Alors, avec Valentin ?, sourit-il.
- Trois étoiles pour le sexe. Moins quinze étoiles pour la discussion d'après. »
Tarik lui tapota l'épaule.
« Pas grave, va. Un jour il se rendra compte de ce qu'il perd. »
Mimosa faillit protester qu'il ne la perdrait pas, puisqu'il se rendrait compte de son incroyable génie, mais elle ne le fit pas. Elle avait autre chose à gérer. Son cocktail, par exemple.
Elle regarda pensivement la fiche. C'était dommage. Elle voulait...
Balayant les doutes de sa tête, elle agita la recette devant le nez de Tarik.
« Apprends ça. Ce soir, on sert le Lenny Kravitz. »
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HEY.
Bonne idée de Mimosa, ou gros plan foireux ?
J'espère que vous avez apprécié ce chapitre, je vous donne rendez-vous très bientôt pour la suite !
Bisous <3
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Dramas & Mojitos
ChickLitMimosa est barmaid. Elle voudrait un peu plus de responsabilités, et elle est amoureuse de Valentin. Sauf que Valentin a une copine. Brune tient les vestiaires. En couple depuis six ans, suivant attentivement sa fac de lettres, sérieuse et raisonna...