Chapitre 3.4

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Une partie d'elle n'avait pas envie de partir. Elle avait envie de les réconcilier, faire comprendre à Opaline qu'elle n'avait aucune raison d'être énervée et que les Airitiers étaient une chose merveilleuse qu'elle même aurait rêvé devenir ; que sa colère soudaine était infondée. Mais toutefois, elle voyait à quel point elle avait raison. À propos de Sérin, des édits autour desquels tournait le fonctionnement de leur communauté, et de la construction hiérarchique bancale qui en découlait.

Mais puisqu'ils avaient tous deux raisons, pourquoi s'haranguaient-ils avec une telle hargne ?

Notre jeune fille s'essuya prestement les yeux. Elle dévala les marches qui menaient au pont principal en s'efforçant de ne pas entendre les paroles qui éclataient derrière elle. Elle serrait toujours le sachet que lui avait donné Phène. Lorsqu'elle s'en rendit compte, elle s'assura avec crainte qu'elle n'avait rien cassé ou renversé. Dans un sanglot, elle remit tout en place et dévia de sa trajectoire pour éviter Pyrne qui remontait à grandes enjambées vers la joute verbale qui se tenait toujours sur le gaillard arrière et dont les cris avaient fini par l'attirer lui aussi.

Breva pressa le pas. Une fois qu'elle aurait donné ses médicaments à Aquilon, elle pourrait retourner se terrer dans le carré ; même s'il devait être plein des enfants et de Lazuli qu'elle n'avait pas non plus envie de voir. Peut-être irait-elle se cacher au milieu des sacs de graines aériennes et des tonneaux d'eau qu'ils récoltaient toute la journée durant. Personne n'irait la chercher là-bas. Elle pourrait y être tranquille et repenser à tout ça. Au calme.

Elle aperçut la silhouette du vieil Airitier sur l'espèce de banc de fer forgé et incrusté au bois même du pont sur lequel il aimait tant s'installer pour déceler les vents et leurs couleurs. C'était toujours amusant de voir que, où qu'il se trouve sur le pont, il avait un endroit où il appréciait s'installer. Ce banc en proue, adossé – presque allongé – dans les cordages en poupe ...

Sur sa droite, Badisad était courbé en avant, les mains sur le dossier du banc. Ils s'entretenaient à voix basse

Elle les contourna par la gauche. Badisad se redressa légèrement pour la saluer, mais avec une certaine réserve qu'elle lui connaissait et dont elle ne lui tenait plus rigueur. Le vieil homme était plus long à réagir, et avant qu'il ait pu complètement tourner la tête dans sa direction pour ne serait-ce que la regarder dans les yeux, Breva s'était déjà assise et avait rejeté ses cheveux en arrière pour s'enfoncer dans les manteaux qui le recouvraient en une étreinte qui la surprit autant que lui. Mais pendant que lui se mettait à rire, elle ravalait ses larmes.

-Qu'est-ce qui se passe, Breva ? Demanda finalement Badisad comme l'étreinte ne semblait pas vouloir finir et qu'Aquilon avait fini de rire pour poser une main rassurante dans le dos de la jeune fille.

Elle se redressa lentement, hésitante, puis finit par secouer mollement la tête pour signifier que tout allait bien. La voix grave et profonde du capitaine résonnait en elle comme le roulement du tonnerre.

-Phène m'a demandé de t'apporter ça.

Elle lui tendit le sac avec la bouteille. Il était froissé, mais guère plus. Aquilon grimaça mais prit docilement ce qu'elle lui tendait. De mauvaise grâce toutefois.

-Moi qui espérais pouvoir y couper.

-Mes enfants rechignent moins à prendre un suppositoire, papa !

-Tu m'ennuies.

-C'est le but, papa.

-Aquilon ? Tes médicaments c'est pour t'aider à mieux voir la couleur des vents ? Demanda Breva à brûle-pourpoint.

-Haha ! Aucun médicament ou produit ne peut influencer la manière dont je vois les vents, ma petite !

-Je suis pas petite, plaida-t-elle d'une faible voix sans parvenir à se convaincre elle-même.

De Nacre et d'OcreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant