Lettre 9

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Maman,

Aujourd’hui cela fait huit ans que tout a changé. Huit ans que Papa nous a quitté. Par ma faute. Je le sais, je l’ai compris. Cependant, Maman, tu ne m’as jamais dit si c’était de ma faute si par la suite, tu as tout chamboulé. D’accord, d’accord ! J’arrête d’en parler ! Ne t’énerve pas, je t’en supplie, Maman… Je regrette le début de ma lettre. S’il te plait, ne m’en veux pas

Je suis restée un long moment dans cette cabane avec ce garçon. Toute la journée peut-être. Mais pour admirer tous ces dessins, cela en valait la peine.

-Tu dois y passer du temps ! ai-je fait remarquer.

Il a haussé les épaules en s’asseyant sur la chaise de la table.

-Oui et non. Ça dépend du dessin, de mon temps libre, mon humeur… tout quoi.

Forcément. Cela doit sans doute demander de la patiente aussi. J’ai pris un cadre dont le dessin représente un poing. Quand je l’ai vu, un frisson a parcouru tout le long de mon dos. En le voyant, je me suis tout de suite souvenu du tiens. Ton poing rentrant violemment en contact avec mon bras. Ce bras que je ne parvenais plus à bouger par la suite. Oui, il a été douloureux pendant plusieurs jours. Oh, Maman, je ne t’ai rien dit. A quoi bon ? M’aurais-tu écoutée ?

-Pourquoi tu dessines ? ai-je demandé subitement au brun.

Il n’a pas pu s’empêcher de ricaner.

-Parce que j’aime bien ça ! répond-il comme une évidence.

-C’est tout ? Juste pour le plaisir ?

-Oui. Des fois ça m’aide à m’exprimer mais ça revient au même.

S’exprimer. Cela fait des mois que l’on me recommande de m’exprimer. J’ai toujours refusé. Je préfère garder le silence.  C’est ainsi depuis la mort de papa. J’ai appris à me taire. Pourquoi ? Surement à cause de ma crainte envers le jugement…

J’ai posé le cadre avec le poing au sol, me suis levée en direction du garçon qui améliorait vite fait l’un de ses dessins. Je me suis placée face à lui, les mains à plat sur la table. Enfin, déterminée, j’ai lâché :

-Apprends-moi, s’il te plait.

Il a commencé par refuser, sous prétexte que cela ne s’apprend pas. Mais ce qu’il ne sait pas – et toi non plus, Maman - c’est que quand je suis déterminée, je peux être hyper têtue.  Je ne te l’ai jamais montré, c’est vrai. Seulement, avec toi ce n’était pas pareil. Je ne pouvais pas me le permettre, tu me menaçais sans cesse.

J’ai donc insisté et il a fini par accepter. « A une condition ». D’un coup j’ai commencé à stresser.

-Que tu me donnes ton prénom.

C’est tout ? Je m’attendais à pire. Mais instinctivement, Maman, j’ai répondu  « Julianne ». Je l’ai vu murmurer se prénom pour lui-même. J’ai alors regretté mais pour quelques secondes uniquement.

-Et toi ?

Antoine. Il se nomme Antoine.

Maman, ce nom ne te dit rien ? Vraiment rien ? Non, sûrement pas… Tu as déjà du mal à accepter le passé. Ton passé. Alors te remémorer le mien…  Cela t’est égal de toute façon.

Peut-être qu’en fin de compte je devrais apprendre à suivre les conseils d’autrui… Ce serait mieux que d’attendre infiniment les tiens, Maman. Après tout, un jour tu seras dans l’incapacité de me répondre.

Ne t’en fais pas, je t’aime malgré tout.

Jules.

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