Lettre 11

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Maman,

Tu te souviens quand je t’ai dit qu’Antoine m’apprendrait à dessiner ? On a abandonné l’idée. Je n’ai pas hérité des talents d’artiste de Papa. Pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé, je peux te le promettre. Antoine s’en ai pris des boulettes de papiers dans la figure ! Oui, je suis comme toi ; quand je ne parviens pas à quelque chose je ne me contiens que très peu. Cependant cela faisait rire aux éclats mon ami. J’admire sa patiente, je l’envie même. Admets le Maman, si tu n’avais été toujours aussi impatiente avec moi depuis le départ de Papa alors peut-être que les choses auraient été différentes… Mais c’est que la patience n’a jamais été ton fort, même quand Il était encore avec nous. C’était en partie pour cela que tu l’aimais. Je le sais. Je le voyais dans ton regard quand tes yeux étaient cloués à lui.

Maman, mon rêve le plus cher a toujours été de vivre le même amour parfait que vous meniez tous les deux. Mais personne ne tombe amoureux d’une meurtrière…

L’autre soir j’étais sortie de mon rendez-vous quotidien chez le psychologue bouleversée. J’avais admis un fait que je ne répéterai pas deux fois de suite. Si tu savais, Maman, ce que qu’il s’est passé, ce que j’ai dit, ce que j’ai ressenti… M’aimeras-tu as nouveau à présent ? Je t’en prie dit moi que oui ! Des tonnes de questions, de reproches se mélangeaient dans mon esprit. Ma tête allait exploser. Alors au lieu de rentrer à l’internat où un surveillant attendait mon retour, j’ai couru. Encore. Je ne sais pas ce que j’espérais… Semer ce qui me perturbait sur mon chemin ? N’était-ce pas idiot ? Si évidemment ! Pourquoi je te pose cette question ? Je suis si stupide !

Cependant durant ma course j’avais cette sensation que mes pieds touchaient à peine le sol, qu’ils l’effleuraient simplement. Le vent soufflait dans la même direction que moi et m’emportait avec lui. Je sentais des ailes pousser dans mon dos. Plus tien ne pouvais m’arrêter. Je ne voulais pas ralentir, au contraire je devais accélérer un peu plus à chaque seconde. Peu m’importait où j’étais et où je me dirigeais. Je laissais mon instinct me guider. Je cavalais à travers les arbres qui me paraissaient immenses, sans doute à cause de l’obscurité. Je respirais l’air pur de la forêt et mon esprit se vidait peu à peu. Etait-ce cela la liberté ? Mes yeux s’étaient habitués à la nuit. Je sautais par-dessus les racines qui dépassaient et à ce moment-là je me sentais légère et capable de tout. Tel un oiseau. Lorsque je cessai ma course, j’étais arrivée au lac. Je remarquai, grâce au reflet sur l’eau, que la lune était pleine. Je sentais mes angoisses reprendre le dessus. Alors je hurlai à me briser les cordes vocales afin de me soulager. C’est alors que je réalisai que je n’étais pas seule.

Antoine était assis par terre un peu loin, il était en train de se redresser pour venir me voir mais je le rejoignis avant. En m’approchant je remarquai qu’il n’était pas aussi apaisait qu’à son habitude. Je m’installai à côté de lui.

- Tu ne devrais pas être ici, m’avertit mon ami. Une jeune fille comme toi ne devrait pas sortir seule la tombée.

Il ne me regardait pas, il fixait l’eau du lac en jetant des cailloux. Ces mouvement étaient aussi nerveux que les tiens, Maman, quand tu étais contrariée. Je posai une main en signe de soutien sur son épaule mais la retirai presque aussitôt en le sentant se crisper. Ma gorge se noua et des larmes envahir mes yeux. Je ne comprenais pas sa réaction…

- Qu’est-ce qui ne va pas ? articulai-je enfin.

- Qu’est-ce qui te fait croire que quelque chose de va pas bien ? siffla-t-il.

Je compris qu’il était en colère contre moi. Mon cœur se serra.

- Une intuition… Peut-être que je devrais y aller.

Je me levai et m’éloigner. Fuir. C’est tout ce que je voulais, ce que je pouvais.

- Pourquoi tu ne m’as pas dit qui tu étais Jules ? Pourquoi tu m’as caché qui était ta mère ? Ton passé ? m’arrêta Antoine.

Je me retournai et fis mine de m’avancer vers lui. Il recula d’un pas.

- Parce que j’avais peur que tu me craignes… Comme tout le monde… Entre tout ce qui se dit et tout ce qui s’est réellement passé, je ne sais pas exactement quelle image les gens ont de moi… Mais je m’en fichais tant que toi tu pouvais me regarder dans les yeux et être naturel. Mais je me suis trompée…

Je marquai une pause. Oh Maman ! J’aurais tant voulu qu’il réagisse. Mais il ne fit rien. Peut-être n’était-il pas si différent des autres en fait… Je ne voulais pas qu’il me voit pleurer. Alors je me suis retournée et j’ai marché. Pas en direction de l’internat. J’ai simplement fait le tour du lac dans l’espoir que quand je serais revenue sur mes pas Antoine est disparu. Non. Une heure plus tard, il était toujours là, à genoux. Ses doigts traçaient des cercles dans la terre et ses yeux… rivés sur moi. Quant aux miens, ils étaient gonflés par mes pleurs. J’avais laissé une dizaines de mètres entre nous.  

«Il est comme les autres ».  « Il a peur de toi ». « Personne n’aime les meurtrières ».

Ces mots tournaient en boucles dans mon esprit et c’était ta voix, c’était toi Maman, qui les prononçaient.

« La voilà la vérité Jules ! Tu es une catastrophe ambulante ! » « Tu t’étonnes que ce jeune homme est peur de toi ? »

Je voulais que cela s’arrête. Je plaquai mes mains sur mes oreilles pour ne plus t’entendre.

« Personne n’aime les meurtrières. »

Je me tournai et avançai vers l’eau. Ta voix était de plus en plus forte et intense. Tu me tenais exactement comme ce jour où tu as voulu me couper le souffle. Je retenais ma respiration. J’étais à deux doigts de craquer…

Soudain, une main s’accrocha à mon bras. Angoissée, je criai en sursautant et je tentai de me libérer de cette emprise que je croyais tienne.

- Jules calme toi ! Je ne te ferais ! C’est moi !

Je reconnus la voix d’Antoine. Alors que je commençais à retrouver mon calme tu insistas avec plus de puissance :

« Tu es dangereuse ! » « Qui voudrait une fille comme toi ? »

Plus je me débattais et plus Antoine resserrait sa poigne.

Finalement tout devint flou. Tes paroles destructrices. Et celles d’Antoine, rassurantes. Je me griffais dans l’espoir que cela de fasse partir loin de moi. En vain. Je finis par arrêter de me battre. Je m’écroulai et Antoine me rattrapa. Je m’effondrai en pleurs dans ses bras.

- Dis-moi qu’elle ment… elle ment, pas vrai ? le suppliai-je faiblement.

Il passait sa main délicatement dans mes cheveux, en répétant de me calmer. Puis, lentement, mes paupières se firent lourdes et je sombrai dans le sommeil.

Maman j’ai une question… Personne n’aime les meurtrières ?

Jules.

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