❥ Entracte: Déviant

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Il avançait. Ses pieds foulaient le sol légèrement, subtilement, comme si le moindre faux pas lui aurait coûté la vie. Ce qui pouvait d'ailleurs bien être le cas. Pourtant, un instant de perspicacité permettait sans difficulté de dénoter la brusquerie silencieuse de ses mouvements, empreints d'un énervement sans équivoque. Et qui aurait fait frémir d'effroi n'importe quel soldat ayant eu vent de la terrible réputation du caporal-chef. N'importe lequel, oui, mais c'était sans compter elle. Oui, elle. Et évidemment, le sort avait voulu que ce soit précisément elle qui ait failli aux ordres. Tch.

Rivaille Ackerman ne pouvait qu'être plus furibond qu'en cet instant même. Et, le pire, c'était probablement que le seul à qui il pouvait s'en prendre ne pouvait être autre que lui-même. Car oui, c'était lui qui avait proposé cette expédition extra-muros. Car oui, on ne pouvait blamer que lui pour tous ces sacrifices et décès qui ne cessaient d'affluer depuis quelques heures. Car oui, il avait réussi à convaincre Erwin Smith de capturer un titan. Pour ses expériences. Il avait marchandé, fait chanter, insinué un tas de situations et de scénarios... Il avait sorti au grand jour ses meilleures menaces pour obliger le major à organiser cette putain d'expédition. Pour qu'elle soit enfin satisfaite. Pour qu'elle cesse enfin de lui taper sur les nerfs. Pour qu'elle réalise qu'il n'était pas seulement un vulgaire grincheux ronchonnant qui refusait de sortir de son bureau peu importe la situation. Il l'avait aidée. À son insu, d'accord, mais cela ne justifiait guère son comportement des plus exaspérants. Car oui, Hansi Zoe ne pouvait-elle donc pas se contenter de rester à sa place et de suivre les ordres de ses supérieurs tranquillement, comme un bon petit soldat soumis ?

Non, bien entendu, non, mille fois non. Celle-ci devait bien évidemment, lors de ladite expédition extra-muros, sortir en catimini, la nuit, pour aller explorer le bois entourant la vieille forteresse abandonnée dans laquelle le bataillon s'était installé le temps d'une nuit. Celle-ci devait bien évidemment risquer la sécurité de tous au profit de ses impulsions. Celle-ci devait bien évidemment être assez suicidaire pour tout laisser en plan ainsi, dans le seul but d'aller analyser ses sujets d'expériences favoris. Et qui allait l'arrêter avant qu'elle ne commette une bêtise qui allait entraîner irrémédiablement le bataillon vers sa perte ? Le caporal-chef Rivaille Ackerman. Enfin, du moins, c'était ce qu'il espérait.

Et c'était donc pour cette raison que le soldat le plus fort de l'humanité s'avançait dans ce bois des plus profonds, faisant abstraction de l'obscurité abyssale de la nuit, et fulminant comme jamais. Cette binoclarde allait lui payer cher cette petite escapade. Oh, oui, très cher, tch.

Crack.

Le caporal s'arrêta net, ses pensées s'envolant soudainement, suivant la brise qui venait de souffler sur la forêt. Ses cheveux noirs frémirent à la rencontre du vent, et, tous les sens en alerte, les nerfs crépitants, Rivaille fit volte-face. Il avait perçu un son, il en aurait mis sa main au feu. Sauf que seul le silence lui répondit dans les ombres creuses que formaient les entremêlements de branches feuillues de ce boisé. Le caporal se remit à marcher, plus attentif, plus alerte. Quelque chose, quelqu'un était là.

Crack.

Cette fois-ci, Rivaille plongea. Même dans l'obscurité, même dans une noirceur on ne pourrait plus opaque, il avait deviné l'endroit même de la provenance du son. Ses bras se refermèrent automatiquement sur une silhouette au sol, et, ne lâchant point sa prise, il roula avec celle-ci dans un buisson. L'ennemi se débattit avec violence, avec une fougue indomptable et la volonté de se libérer coûte que coûte. Sauf que Rivaille possédait une force sans pareille, et il ne pouvait qu'être stupide de défier celle-ci de façon si effrontée. Et pourtant, l'inconnu ne démordait pas, et les deux individus continuèrent ainsi à livrer bataille. Chose étrange, le tout se déroula dans un silence presque maître, comme si les protagonistes, conscients de la dangerosité de leur terrain de lutte, tâchaient par tous les moyens d'étouffer leur présence.

« Non. » [𝐀 𝐋𝐞𝐯𝐢𝐡𝐚𝐧 𝐒𝐭𝐨𝐫𝐲]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant