❥ Jour 2: Pluie

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Plic. Ploc. Plic. Ploc.

La pluie se déchaînait contre la fenêtre du bureau de Rivaille Ackerman, caporal-chef du bataillon d'exploration, et celui-ci n'en avait strictement rien à cirer. Des éclairs auraient pu déchirer le ciel d'une noirceur abyssale, des arbres auraient pu se faire déraciner par le vent puissant, qu'il n'aurait pas bougé le petit doigt pour ne serait-ce qu'observer quelques secondes le dehors au travers de la vitre. Il avait un travail important à terminer. De la paperasse à remplir, pour être plus précis. Oui, encore. Toujours. C'était son échappatoire. Se noyer dans le travail permettait à l'esprit de ne pas se perdre au travers de pensées absurdes resurgissant de la solitude.

Et le caporal était de ceux qui avaient besoin de cette solitude, sans pourtant ne vouloir les pensées qui venaient avec.

De toute manière, Erwin avait besoin de ces papiers avant le lendemain. Donc, qu'il le veuille ou non, il allait falloir la remplir, cette paperasse. Et puis, ce n'était pas son genre de repousser les corvées.

Tant d'excuses alors qu'il savait pertinemment que la seule raison pour laquelle il s'acharnait à remplir toutes ses foutues feuilles, c'était pour éviter de repenser à cette conversation d'hier matin... Tch. Cette binoclarde. Même quand elle n'était pas présente, elle réussissait à l'énerver. Il en avait plus qu'assez.

Et c'est sur cette pensée que la porte du bureau s'ouvrit dans un grand fracas, menaçant de faire renverser la tasse de thé noir posée sur la table.

Hansi (essoufflée, les mains sur les genoux): Rivaille !
Rivaille (soupirant lentement, agacé): Non. Je te l'ai déjà dit.

Hansi laissa échapper un léger rire, et s'approcha de la silhouette du caporal.

Hansi (jetant un coup d'oeil par-dessus l'épaule de Rivaille): Encore en train de remplir des documents ?! Remarque, j'aurais été étonnée de te surprendre en train de faire autre chose que cela, haha !
Rivaille (détournant la tête): Dégage. De toute manière, il pleut, espèce de binoclarde.
Hansi (étonnée): Et alors ? L'expérience peut tout de même avoir lieu !

La binoclarde marqua un temps de réflexion, et Rivaille en profita pour continuer à parcourir les feuilles de sa plume. Loin de lui l'idée de poursuivre cette discussion qu'il tâchait d'écourter par tous les moyens possibles. Puis, alors qu'il pensait que le sujet était clos pour de bon, Hansi se redressa et s'écria, faisant sursauter la petite silhouette du caporal:

Hansi (les yeux étincelants): Oh, Rivaille, tu es un génie !! Il faut trop que je teste les réactions des titans par rapport à la pluie ! (puis, excitée) Tu penses qu'ils vont s'épuiser comme quand on les prive de la lumière du jour ?! C'est tellement passionnant, wahou !
Rivaille (continuant son travail, les sourcils froncés): Tch. Hors de question j'aille dehors et que mes habits se fassent tremper pour satisfaire les caprices d'une fanatique comme toi.
Hansi (prenant une chaise et s'assoyant): De toute manière, même s'il faisait beau, tu aurais refusé, Shorty, je te connais.
Rivaille (irrité): Justement. Alors pourquoi tu t'acharnes, Quat'zyeux, merde ? Tu sais que je vais dire « non », peu importe ce que tu vas inventer comme imbécilités.
Hansi (ne se laissant pas démonter): En vrai, je venais juste m'excuser pour le dégât d'hier à la base... Mais maintenant que tu en parles, ça attise ma curiosité ! Alors, dis-moi, pourquoi tu refuses aussi obstinément ?!
Rivaille (serrant les poings): Dégage d'ici.
Hansi (souriant de toutes ses dents): Seulement si tu réponds à ma question. Après je te laisse tranquille, promis.

Il n'y avait pas plus exaspérant qu'Hansi Zoe, tch. Et pourtant, pour une inexplicable raison, le caporal-chef n'arrivait à trouver la motivation de la sortir de ce bureau de force. Peut-être était-ce dû à son esprit fatigué qui réclamait un peu de repos après 14h de travail acharné. Toujours est-il qu'il lâcha son stylo pour planter son regard gris-bleu dans celui de cette binoclarde.

Rivaille (d'un ton froid): Parce que tu m'énerves, toi et tes sacro-saints titans.
Hansi (son sourire s'agrandissant): Pourquoi ?
Rivaille (sur le même ton): Parce que c'est chiant, de voir quelqu'un aussi proche de ces grosses merdes.
Hansi (avec le même sourire): Pourquoi ?
Rivaille (légèrement agacé): Parce que c'est stupide de vouer une telle attention envers de tels monstres !
Hansi (se retenant de rire): Pourquoi ?
Rivaille (comprenant le manège d'Hansi, énervé): Parce que... Tch. Dégage, espèce de sale binoclarde. Sinon, je dis à Erwin que tu déranges le caporal-chef en plein travail.

Hansi ne put retenir un éclat de rire devant le visage furibond du caporal-chef. Elle n'en revenait pas qu'il s'était laissé prendre au jeu, pendant tout de même trois « pourquoi ». C'était un record !

Rivaille (changeant de tactique): J'en ai rien à cirer que tu restes, mais sois silencieuse au moins, merde. C'est tout ce que je demande. Au premier son qui sort de ta bouche, je te fais dégager d'ici en moins de deux secondes, compris ?
Hansi (regardant le caporal): ...
Rivaille (agacé): Compris ?
Hansi: ...
Rivaille (perdant patience): Hansi, merde !
Hansi (riant): Tu m'as demandé de ne plus parler... C'est ce que je fais !
Rivaille (en se renfrognant): Hum.

Mieux valait lâcher prise. Et se concentrer sur ses foutus documents. Cette binoclarde ne méritait pas qu'il sorte de ses gonds devant elle. Calme. Voilà le seul mot qui devait compter. Il but une gorgée de thé, tâcha d'ignorer la présence de cette fanatique qui semblait captivée par le moindre de ses mouvements, et reprit son travail.

...

Cela faisait plus de deux heures qu'elle observait en silence le caporal remplir la paperasse, et pourtant, elle ne se lassait pas. Rivaille avait une façon tellement fascinante de s'oublier dans le travail qu'elle aurait pu analyser le moindre de ses mouvements pendant des jours.

Cependant, vint un moment où la tasse de thé noir du caporal fut entièrement vide. C'est à cet instant précis que quelques minutes passèrent où rien de notable n'était à signaler. Enfin, c'est ce que la plupart des gens penseraient. Sauf que Hansi, plus perspicace que bien des soldats, remarqua que les mouvements de Rivaille commencèrent à se faire plus lents. Beaucoup plus lents. Elle saisit alors à quel point celui-ci semblait épuisé. Fatigué.

Elle ne s'étonna donc pas lorsque le caporal, somnolant à la verticale, son stylo-plume barbouillant d'encre une feuille, s'affaissa sur sa chaise et s'endormit pour de bon.

La binoclarde étouffa un léger rire devant la scène, avant de prendre la petite silhouette du caporal et de déposer celle-ci dans le lit. Elle le borda, toujours avec un mince sourire moqueur aux lèvres, et quitta la pièce à pas de souris, non sans murmurer:

Hansi: Bonne nuit Shorty. Je reviendrai demain, tu ne te débarrasseras pas si facilement de moi et de mes expériences, tu vas voir !

...

Quand il se réveilla, Rivaille Ackerman n'avait aucun souvenir de s'être endormi dans son lit. Cela semblait si improbable. Ce n'était pas son genre, tch. Puis, il réalisa deux choses de la plus haute importance.

La première, c'était que ses documents étaient en retard, et qu'Erwin les attendait depuis plusieurs heures déjà.

La deuxième, c'était l'absence pesante de cette binoclarde.

« Non. » [𝐀 𝐋𝐞𝐯𝐢𝐡𝐚𝐧 𝐒𝐭𝐨𝐫𝐲]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant