Hydrophobie

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Je posais mon oreille contre la porte, prudemment. Mon cœur battait si fort dans ma poitrine, j'essayais de me concentrer pour écouter ce qu'il pouvait bien faire derrière la porte. Il n'y avait que ma respiration erratique et paniquée qui rompait le silence pesant. C'était trop calme. Une brusque sueur froide me saisit lorsque je sentis sa main se déposer sur mon épaule. Je me retournais d'un geste brusque, laissant échapper un cri. Quoi ?! Par où était-il entré ?!

-Comment...?!

Mon visage se décomposait en disposant d'une vue parfaite sur ses yeux... inhumains. Même dans le noir, je pouvais les voir. Ces pupilles d'un rouge écarlate, la sclère d'un noir profond, ce liquide sanglant s'écoulant de ses yeux à ses joues, jusqu'à son menton, pour venir s'écraser par gouttelettes frénétiques sur le carrelage. Ma bouche s'entrouvrit dans un hurlement de terreur silencieux. Même dans ce noir glacial, je pouvais sentir son sourire satisfait. Mes larmes embuaient de plus en plus ma vision.

-L...Laisse moi t...tranquille... Ne t'app...t'approche pas...

Je me redressais d'un mouvement vif, prête à rouvrir la porte, mais sa main se plaqua brutalement à côté de ma tête, maintenant la porte fermée. Je sursautais, et lui échappais habilement pour venir me coller contre le lavabo à la recherche d'une échappatoire.

-Elea, c'est inutile de me fuir. Tu vas récolter ce que tu as semé. J'en ai assez de te courir après.

-Non !

Mon bassin collé contre le lavabo froid dans la volonté de passer au travers, mon bras se pressa contre le robinet. L'eau ne tarda pas à jaillir en un long jet, éclaboussant tout autour. Contre toute attente, la personne face à moi eue un mouvement de recul. Je n'y prêtais pas attention, trop affolée. Il jura entre ses dents, avant de se rapprocher encore de moi, plus prudemment, et de me saisir par le col. Je luttais, avant de le faire basculer avec moi dans la baignoire. Il avait l'air de s'énerver.

-Arrête tes conneries !

Je gémis de douleur, ma tête ayant rencontré le rebord douloureusement. Mais le pommeau de la douche tomba sur nous, et dans un dernier réflexe désespéré de survie, je tirais sur le rideau pour me relever. Les attaches en plastique sautèrent, tombèrent sur nous, alors que l'homme pestait à voix haute. Je saisis la première chose à ma portée, à savoir le shampoing, et le lui jetais dessus. Il esquiva sans mal. Mais dès que ma main rencontra le robinet, je tirais brusquement, faisant jaillir l'eau. Elle l'éclaboussa soudain.

-Sale GARCE !

Ensuite, tout alla extrêmement vite. Il hurla comme si il avait été brûlé vif, sa voix était parsemée de parasites, buguait, sa silhouette grésillait, apparaissait et disparaissait par intermittences, avant de complètement disparaitre.

J'étais seule, dans la salle de bain. L'eau continuait de goutter, j'étais trempée, mais encore trop sous le choque pour pouvoir esquisser le moindre geste, haletante et tremblante. Au bout d'une dizaine de minutes, éternuant, j'éclatais en sanglots. Mes épaules se secouaient régulièrement, je n'en pouvais plus. C'était un cauchemar. Ce qu'il venait de se passer n'avait strictement aucun sens.

Ce n'est qu'un temps après que je daignais sortir de la salle de bain, une serviette entourant mes épaules frissonnantes, le pas incertain. Je me dirigeais vers la porte de sortie, une mèche mouillée retombant entre mes yeux. Je touchais la poignée avec lenteur, la découvrant ouverte. Je passais le pas de la porte, les cailloux et le béton s'enfonçant dans mes pieds nus, me tirant de nouvelles souffrances, pourtant infimes en comparaison à ce que je venais de vivre. J'allais au ralenti, mon corps entier était douloureux. Je souhaitait du plus profond de mon esprit que je vivais un simple cauchemar.

Je devais me rendre au poste de police. Mais une évidence me frappa. Je ne pouvais pas. Si j'y allais, que leur dirais-je ? Que mon agresseur est apparu en passant par l'écran de la télé, a fait disparaître ma mère, et a disparu aussi ? C'était la chose la plus absurde. Je m'arrêtais au milieu du chemin, avant de faire demi-tour. Je ne devais pas rester seule chez moi. J'avais bien trop peur à présent. Un frisson me saisit alors qu'une chanson me parvint. Ça provenait de derrière moi. Tout près.

"...Was poisonnous candys. His work was done for the day... The Monkey chase the Weassel... Pop goes the Weassel...Laughing Jack knows where you live... Laughing Jack is funny... Laughing Jack will kill everyone..."

Je me retournais, captant quelques paroles absolument glauques. Ça ne pouvait pas être une coïncidence. Pas après tout ce que je venais de subir. Je resserrais la serviette autour de mon corps trempé, frissonnant à cause du vent frais. Et me voilà, à dévisager un clown immense. Ses yeux perçants me fixaient, rieurs. J'étais paralysée. Il s'avança vers moi, un peu plus à chaque pas, je pouvais distinguer de plus en plus de détails lugubres. Il tenait des ballons à la main, au bout de ses griffes noires acérées. on autre main me tendit une poignée de bonbons colorés, ce qu'il n'était pas. Ses seules couleurs, si on peut les qualifier ainsi, étaient du noir et du blanc.

-Un bonbon, petite ?

Je restais interdite, figée, les jambes tremblantes. Je savais que je ne pourrais pas courir. A mon plus grand malheur, la rue était désertique. Personne pour me venir en aide. Son ombre immense, provoquée par les lampadaires, recouvrait ma silhouette. Je secouais négativement la tête, la gorge serrée. Le clown perdit son sourire, laissant retomber les confiseries sur le bitume. Le vent se fit un peu plus fort. Il lâcha ses ballons. Ces derniers prirent leur envol. J'écarquillais soudain les yeux, les ballons s'envolaient dangereusement haut, portés par le vent, en direction de... Oh non !

A Beautiful Lie - [ Ben Drowned ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant