CHAPITRE 3 - LA VISITE

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Les jours se ressemblent, les heures deviennent de plus en plus longues. La routine se faisait ressentir, 8 heures du matin, le camion poubelle passe dans les rues adjacentes pour récupérer les déchets. A 10 heures, c'est la pause cigarette pour le personnel juste en bas de mon bloc. Peu après midi, notre repas arrive en chambre. La fin de la journée n'est que trop peu intéressante, à base de rendez-vous avec mon psychologue.

La première visite avec ma famille a été repoussée à aujourd'hui, mon état étant encore trop instable pour rencontrer du monde extérieur à l'hôpital.

Une infirmière toque à ma porte, elle entre et s'avance en m'informant que ma famille est arrivée, cette dernière repart de ce pas.

J'ai l'impression de ne plus les avoir vu depuis une éternité, les jours ici paraissent des années malgré que le personnel soit adorable, j'espère bientôt sortir d'ici. Quelques secondes de battement avant qu'un frappement à ma porte retenti, mes pensées sont très vites évacuées.

Je ressentais une certaine électricité dans l'air, un mélange entre de la tristesse, de l'incompréhension et de la colère entre mes parents et moi-même. Le sentiment de les avoir déçus, trahis était difficile à vivre pour moi. Ces derniers tentaient de rester de marbre pour cacher leurs inquiétudes. Rapidement, ils sont trahis par leurs incalculables tics nerveux. Mon regard parcouru l'encadrement de la porte, sans jamais voir celui que j'attendais... Adrien. Plusieurs questions me viennent à l'esprit, n'avait-t-il pas supporté l'idée de me voir dans cet état ? Il m'était obligé de demander à mes parents des explications. Ma mère s'avance en m'empoignant les mains, elle me réconforte en me disant les visites sont réservées exclusivement en famille pour le moment. Un mélange entre déception et colère insufflait à nouveau mon corps. Qu'en est-il de ma demande à l'infirmière la dernière fois ? En a-t-elle tenue compte ?

Mes parents me racontent les dernières nouvelles, je faisais semblant d'écouter les péripéties familiales. Hormis mes géniteurs, ma sœur, mes grands-parents et quelques personnes dans ma famille, le reste n'avait pas une grande place dans ma vie. C'est peut-être choquant, je n'en sais rien, mais la famille a toujours été une source d'épuisement à mon sens. J'avais déjà assez de problèmes comme ça, ils n'avaient qu'à se débrouiller par eux-mêmes.

Delors que ma mère n'avait plus rien à ajouter, mon père s'empresse de me questionner sur ma vie à l'hôpital et mon suivis psychologique. Evidement, il n'y rien à se réjouir d'être enfermé 24 heures dans un 12m2, comment les Parisiens font-ils ? La n'est pas la question, je me ressaisis en expliquant que les séances de psychologies me faisaient un bien fou, elles me permettent de retrouver progressivement la mémoire. Nous faisons énormément d'activités pour l'entrainer, je sens que je suis de plus en plus sain mentalement. Il n'y a aucune honte à faire appel à des professionnels, nous pouvons tôt ou tard être confronté à quelque chose qui nous surpasse momentanément. Mon visage se crispe, et je sens que cela n'a pas échappé à ma mère qui me demande, quel est le « mais » ?

Elle était arrivée, l'opportunité de vider mon coeur, vous savez, j'ai l'impression d'être enfermé dans une boite, et je ne sais pas ce que je pourrais découvrir en y sortant. Parfois, je regarde à l'intérieur de cette boite, je me dis que c'est vivable, qu'il est peut-être dangereux d'y sortir. D'autres fois, j'ai le sentiment qu'il faut que je m'en échappe, ma vie est encore longue, pourquoi vivre enchaîné ? Les séances bousculent ces deux états d'esprits qui s'entrechoquent, je ne sais pas ce qu'il en découlera, mais je crains ce que je peux découvrir...

Mes parents tentent bien que mal de me rassurer, ils pensent que je dois sortir de cette boite quoi qu'il arrive, il faut vivre dans le présent pour appréhender le futur. Ces mots raisonnent en moi, ça me fait chaud au coeur, et me tétanise dans un second temps.

Les trente minutes de visite sont écoulées, mes parents sont escortés à la sortie par un infirmier que je n'avais jamais aperçu auparavant.

J'empoigne le sachet d'affaires que mes parents m'ont apporté à l'instant. Mes vêtements préférés, et même mes chaussettes avec des imprimés de sushis, décidément ils me connaissent tellement bien. Je me presse d'enfiler mes chaussettes, désormais le plus stylé du bloc c'est évident. Je mis la main sur mon livre préféré, d'ailleurs je me suis rendu en salles obscures pour découvrir l'interprétation du livre sur grand écran. « Été 85 », quel film inspirant ! La puissance des premières fougues amoureuses. Malheureusement, rien n'est durable... la vie c'est cruel, nous sommes que de passage pour elle. Je ne sais pas comment je réagirais si un destin tragique m'attendait, je ne préfère pas y penser.

Le dernier objet du sachet semble être un cadre avec une photographie à l'intérieur. Adrien et moi l'année dernière lors du mariage de mon oncle. On était vraiment magnifique, un tout en blanc et l'autre tout en noir, classique et kitch, mais nous assumions ce penchant. Ce smoking blanc, rehaussait sa peau bronzée, ses yeux verts et ses cheveux bruns, qu'est-ce que je suis chanceux...qu'aux dernières nouvelles, un homme comme lui soit amoureux de moi.

Quelques bruits de pas dans le couloir, quelqu'un semble s'être arrêté à l'entrée de ma porte. Je n'attendais plus de visite pourtant, qui pourrait me rendre visite ?

L'infirmière au pacte ... Que peut-elle bien faire ici ? Je la regarde dans l'attente d'une nouvelle renversante. Celle-ci m'informe que mon besoin de discrétion a été compris, qu'un certain Mr. Baltis était arrivé. Je ne réalisais pas, l'ombre d'une silhouette se duplique derrière elle avant de prendre place dans la chambre. L'infirmière, s'en va en fermant la porte pour respecter notre intimité. Adrien s'approche de moi, un peu ému tout en gardant ce sang froid si apprécié dans ces temps obscurs. J'empoigne sa nuque, l'approchant près de moi, ce contact chaud sur un corps froid est délicieux en signification. Les mots perdent en saveur dans ces situations, nous nous regardions des minutes dans les yeux. Avec pudeur et désir, comme une première fois. Vous vous doutez bien, que je ne vous raconterai pas ce qu'il s'est passé par la suite, l'infirmière avait fermé la porte, ça n'est pas pour rien. Adrien avait eu l'autorisation par notre complice de dormir ici ce soir si nous restions discrets, comment pouvons-nous le promettre ?

Nous nous endormions ensemble dans ce lit trop étroit à deux, Mais qu'importe, mon séjour à l'hôpital venait de prendre un tournant bien plus intéressant.

Un jour, tu sauras comment me pardonnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant