CHAPITRE 10 - PARCOURIR LE PASSÉ

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Le soir ou je t'ai abandonné, je sais qu'elle a été traumatisante pour toi. Tu prends des somnifères avant d'aller te coucher. Dormir est devenu pour toi un défi, la peur au ventre. Celle de perdre une énième fois quelque chose durant ton sommeil, hante tes pensées. J'aurais voulu ne jamais t'infliger une telle douleur. Depuis ma mort, je ne cesse d'y repenser. Je me rappelle de tout dans ces moindres détails.

Nous nous étions endormis l'un contre l'autre depuis quelques heures. Le silence était rompu sous le poids d'une aiguille qui tombe, tombe. Tic...Tac...Tic....Tac. Pour accompagner chaque chute, le bruit des appareils respiratoires était de la partie, à l'unisson. Peut-être était-ce un message subliminal ? Tombe, tic, tombe, bip, tombe, tac, tombe, bip. J'ai souvent senti ton corps bouger durant la nuit, s'approcher, s'accrocher, tomber, se raccrocher, tomber. Au fond de toi, tu savais que tout cela n'était qu'une illusion qui allait prendre fin tôt ou tard, ça n'était qu'une question de temps. Tu aurais voulu remonter l'horloge dans l'autre sens, t'y accrocher, annulant la tombée de l'aiguille. Seulement, ça n'était pas la vie dont j'aurais rêvé, s'accrocher au temps dans un lit d'hôpital avant de tomber.

L'aiguille tombe. Un silence s'installe dans la pièce, puis le vide accompagné d'un bip sans fin. Le froid s'installe, les néons glacials s'allumèrent dans la chambre, ton sommeil est rompu. Ton regard parcourt mon corps sous l'agonie d'un jour meilleur. Je sens tes larmes couler le long de mon flanc, tes cris de douleurs raisonnent au fond de mon âme. Le personnel est entré dans la pièce, mais tu n'entends plus rien. Le souffle coupé, les yeux vitreux, la voix meurtris. Ce corps, il s'accroche à moi, il m'entoure de ses mains. Il ne cède pas aux tentatives de nous séparer, de t'éloigner de moi. Il résiste longtemps aux infirmiers, ayant empoigné ce qu'il restait de toi à cet instant, mes cendres sous tes yeux. Les voilà, ils tirent ton être sur le sol, agité, se débattant comme si sa vie en dépendait. Tu avais perdu le contrôle, tu n'étais plus toi-même. La porte se referme sous tes yeux brulants d'impuissance. Au travers du carreau, ton regard suit les événements dans une profonde agonie. Tu aurais voulu me rejoindre à cet instant, mourir à ton tour. Ils me débranchent, les câbles flottant dans les airs, hors de ma peau. L'aiguille de l'horloge venait de tomber, pour la dernière fois. L'atmosphère se flagelle autour de toi, ta tête bourdonne sous cette masse en décomposition. Tes yeux roulent dans leurs cavités, à ton tour tu t'abandonnes à ton destin. Le corps gisant à même le sol, sa pérennité brisée par des convulsions persistantes.

Durant ta crise, tu as été transporté dans ta chambre. Des soins t'ont été promulgués, tu ne mourras pas dans cet hôpital, je te le promets. J'étais là, à ton chevet, je suis persuadé que cette nuit-là, ma voix a raisonné dans tes entrailles. Je t'avais promis de ne jamais t'abandonner, de te murmurer ces phrases dans les temps obscures :


Ce n'est pas un au revoir,

Tes sentiments ne s'éteindront pas dans le noir,

Ce n'est pas un au revoir,

Je viendrais te chérir chaque soir.


Mon coeur est tiens,

Ton destin est différent du miens,

Mon coeur est tiens,

Je t'en prie, reste auprès des tiens.


Mon coeur, tu demeures éternel,

Cette pénombre n'est pas fraternelle,

Mon coeur, tu demeures éternel,

Mon amour pour toi est universel.


Dans ces ténèbres, se cache une lumière qui jaillit,

Ces tonnes de souvenirs, jamais enseveli,

Dans ces ténèbres, se cache une lumière qui jaillit,

Accroches-toi et bâtit ta vie.


Un jour, ton corps s'éteindra,

Mon âme te rejoindra,

Un jour, ton corps s'éteindra,

Je sais, que tu reviendras.


Et nous danserons comme la première fois,

Sur nos cendres à la fin du gala,

Et nous danserons comme la première fois,

Un rythme nous rappelant les fougues d'autrefois.



Ma vie, pour la tienne,

Mathis.









Un jour, tu sauras comment me pardonnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant