CHAPITRE 4 - MAUVAIS RÊVE

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Le vide est tout autours de moi, je sens que quelque chose s'y passe, ou va-t-on la nuit lorsque nous fermons les yeux ? Ce vent, il est glacé, il parcourt mon corps sous ce drap presque flottant. Il n'y a plus personne lorsque j'ouvre les yeux, il n'est plus la. La vie semble s'être arrêté dans l'hôpital, plongé dans une lumière verdâtre. Je débranche les tuyaux me reliant aux machines, elles aussi se sont arrêtées le court d'un instant. Je m'avance dans l'obscurité de cette pièce qui m'était auparavant étrangère, mes pas sont irréguliers sur ce sol humide. Au contact de cette atmosphère, les plaies ouvertes sur mon corps se tordent de douleur. Si dérangeant et en même temps je ne me suis jamais sentis aussi vivant ces derniers jours. J'ouvre la porte menant à ce long couloir ou de nombreuses âmes malchanceuses y ont trouvé la paix éternelle. 

L'atmosphère avait quelque peu changé, j'entends un ruissellement au fond du couloir. Les néons fixés au plafond s'allumaient et s'éteignaient au gré de leurs envies, me permettant d'apercevoir les mouvements de l'eau sur le sol. Les petites vagues s'heurtent à mes pieds. J'avance doucement sous la pénombre dans ce couloir incertain. Je vous avoue qu'a ce moment précis je ne sais pas à quoi m'attendre, les murs s'imprègnent de la souffrance des lieux, me plongeant dans un silence roque. 

En avançant, j'aperçois une silhouette translucide vêtue d'une longue tunique noire adossée au fond du couloir. Rapidement, mon oreille reconnait une mélodie qui m'était bien trop familière, ces notes raisonnent toujours en moi, comme la première fois. Je sens encore cette odeur nauséabonde des pneus sur la chaussée, de la sensation du sang séché sous mes pieds, et des débris transperçant ma chair. La nuit avait dévoré mon âme au bord de cette chaussée, comment pourais-je l'oublier ?

Je m'avance prudemment vers la silhouette au fond du couloir, mes pas sont saccadés et convergent avec les battements de mon coeur. Mes deux jambes s'arrêtent nettes lorsque j'approche à la hauteur de cet individu.

Il semble savoir que je viens ici pour la première fois, j'ai l'impression qu'il m'est familier, c'est une sensation très étrange. Le sentiment que l'on ne se connaissait pas, mais que nous étions liés par quelque chose d'inconnu à cet instant. Comment pourrais-je l'exprimer ? Il se retourne avant de m'expliquer, qu'ici toute personne trouve ce dont il a longtemps cherché, s'il se donne l'opportunité de comprendre ce qu'il souhaite trouver. Il reste de marbre devant moi avant de s'avancer vers la pénombre recouvrant le couloir opposé.

Que suis-je sensé trouver ? J'essais tant bien que mal de me répéter ce que disait cette étrange silhouette. "Toute personne trouve ce dont il a longtemps cherché, s'il se donne l'opportunité de comprendre ce qu'il souhaite trouver". Qu'est-ce-que cela peut signifier ?

La brume s'est dissipée dans le couloir ou l'eau ruisselante semble s'intensifier au fil du temps, elle coule, coule, coule, rapidement, comme le chant d'une nuit du 14 juillet 2017. Des lumières clignotantes attirent mon attention vers une chambre particulière, l'eau en sort abondamment. Arrivé à l'encadrement de cet environnement mystérieux, je suis stupéfait par ce qu'il s'y passe sous mes yeux. Une profonde étendue ayant engouffré un secret dans ses méandres profondeurs. Je m'effondre au sol, sans cris, sans souffle, mes mains tremblent à la surface de l'eau créant des irrégularités dans celle-ci. Je sens mon corps m'abandonner, mes yeux tournent dans ce vide naufrage. Je ne sais pas pourquoi mon cerveau réagit de la sorte, pourquoi je rejette ce que je vois à la surface, je me sens vide, j'aimerais qu'elle m'emporte, me noie.... me noie.... J'entends, ces notes... dans les profondeurs, pourquoi me hantent-elles, pourquoi ne veulent-elles pas sortir de ma tête ?

Je ne contrôle plus mon corps, il était vide, épuisé, sans personne, sans rien. Les émotions ne me transpercent plus, j'ai n'ai plus rien à donner, ni à recevoir. J'essaie de calmer cette crise, en vain, en vain. Je souhaite que tout s'arrête, que mon corps s'abandonne et sombre dans l'oublis, dans l'oublis. Ma tête s'écrase contre la surface de l'eau, convulse au gré des vagues, certaines s'échappèrent, d'autres remplissaient mes poumons. Combien de temps arriverais-je encore à échapper à mon histoire, combien de temps ?

Mon enveloppe corporelle avait décidé de se laisser bercer aux creux des vagues. Les nerfs, les tissus, les organes, s'abandonnèrent, au calme, à la sérénité de ce nouvel équilibre. Et dans un silence, je me laisse couler dans les profondeurs de cette eau divine et bienveillante.


Un jour, tu sauras comment me pardonnerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant