Prologue.

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                                                                         .oOo.

   6ème jour du 2ème cycle d'Énant.                                                                                                                              An 506 du calendrier andorrien.

Le soleil brillait avec force, il lançait ses rayons à l'assaut de la capitale et faisait scintiller l'ivoire et le marbre. Sa lumière s'étendait sur la cité aux rues désertes. Nul échoppe, nul taverne, nul maison, ne résonnaient d'un quelconque bruissement d'âme. Mais un brouhaha lointain venu du nord de la ville se fondait dans le murmure du vent.

Après près de quatre jours de pluies diluviennes, les dieux de la nature semblaient enfin enclins à laisser la lumière du maître du ciel réchauffer les cœurs des habitants en ce jour si particulier. Comme voulant chasser leur tristesse. Devais-je y voir un signe ?

L'astre du matin étendit alors ses fils de lumière sur le palais royal, son ombre chaleureuse recouvrit son domaine. Là, massés par milliers, les habitants ne semblaient pas ressentir la chaleur. Fourmilière géante perdue au sein du territoire seigneurial, leurs yeux scrutaient les portes du balcon qui bientôt s'ouvriraient et leur dévoileraient le visage de leur nouveau monarque.

Les discussions allaient bon train, un seul sujet occupait les lèvres de la populace qui attendait, elle m'attendait, sous le grand balcon, elle scrutait mon arrivée.

Elle ignorait que dans l'enceinte de cette bâtisse dorée et marbrée, se jouait une épreuve de force qui déciderait de son avenir.

                                                                  .oOo.

La salle résonnait du bruit assourdissant des voix des nobles, hommes et femmes, qui la remplissaient. Contrariées et enjouées, elles s'élevaient au-dessus du tumulte extérieur qui me parvenait tel un écho lointain.

Tout concentré que j'étais, planté devant cette porte, je pouvais percevoir toutes ces voix, proches et lointaines à la fois, et aussi les murmures. Je les percevais très nettement. Les murmures des frustrés, des indignés, des outragés, des évincés et surtout les murmures des traîtres qui, déjà, hourdissaient dans mon dos, complots et intrigues contre le roi que je n'étais pas encore.

Je me sentais alors comme sur un champ de bataille. Ces cris, ces murmures, cet écho si lointain, étaient pour moi comme autant de flèches à éviter pour me prémunir du poison mortel dont elles étaient enduites.

Me concentrer sur moi-même, voilà ce que j'aurais dû faire, voilà ce que je ne parvins pas à faire. Mon corps, en cet instant, me parut étranger, nul aura, nul présence, nul prestance, n'en émanaient. Vide, froid, il paraissait sac de chaire abandonné là par quelque divinité qui n'eut pas envie de lui insuffler la vie. De même pour mon esprit, entièrement tourné vers l'extérieur, il percevait tout en dehors de moi, mais restait sourd aux gémissements de mon cœur et de mon âme. Cela pour se préserver, car il savait qu'il ne les aurait pas supportés.

L'accepteraient-ils un jour ? Mes frères finiraient-ils par me soutenir ? Bien sûr que non. Et tous ces nobles qui doutaient de mon ascendance royale ? Encore moins.

Combien ? Combien de temps leur faudra-t-il ? Combien de temps avant que le peuple ne pleure à nouveau son roi? Combien de temps avant la coupe mortelle, la chute dramatique, l'accident fatal ? Autant de questions qui s'étaient bousculées dans ma tête la veille, mais qui ce jour-là passaient sous silence.

ROYAL ( Chroniques d'un souverain en herbe)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant