III

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Une gerbe de fleurs

En rentrant, j'avais trouvé Alessandro sur le canapé. Il dormait à poings fermés alors je n'avais pas pris la peine de le réveiller. Il avait besoin d'une bonne nuit de sommeil.

De toute la nuit, Morphée n'était pas venu une seule fois me rencontrer. A la place, j'avais ressassé tous ces souvenirs. Je n'avais pas fait de nuit convenable depuis cette fameuse soirée. Même à l'hôpital... Les sédatifs ne suffisaient pas à calmer mes nuits. Je me réveillais en hurlant, inquiétant les infirmières. Maman m'avait souvent dit que le temps guérissait les blessures mais aujourd'hui encore je n'arrivais pas à dormir paisiblement. Ce traumatisme ne semblait pas pouvoir se résorber, j'étais destiné à vivre dans cette boucle infernale jusqu'à ma mort.

Les séances de psychologues s'étaient enchaînées sans qu'il n'y ait de résultats, mes nuits étaient toujours catastrophiques alors j'avais abandonné. Thalia avait voulu que je continu mais j'étais épuisé de raconter sans cesse ce cauchemar, de revoir sans cesse leurs visages alors que personne n'allait pouvoir m'aider. Les médicaments qu'ils m'avaient prescrits ne réussissaient qu'à me rendre léthargique alors j'avais cessé de les prendre. J'en avais assez de causer tant de soucis à Thalia, je ne voulais plus être un fardeau pour elle alors je lui avais assuré que parler au psychologue m'avait aidé, que les médicaments faisaient effet et que je me sentais beaucoup mieux. Elle avait eu les larmes aux yeux, elle était heureuse et elle m'avait serré dans ses bras. Je n'aimais pas lui mentir mais, à cause de moi, elle faisait des insomnies et ça me faisait du mal de la voir dans cet état.
Il y a un an, j'avais essayé l'hypnose mais cette douleur était bien trop profonde et résistante alors je m'étais résigné.

Une fois ma convalescence achevée, les médecins m'avaient convaincu de reprendre contact avec mes amis, qu'il était important que je sorte et que je vois du monde. Malheureusement, le fait que je n'aille plus au lycée avait été un facteur essentiel à leur départ. Je suivais les cours par le CNED, une décision prise d'un commun accord entre le corps médical et mes parents adoptifs. Cela ne m'aurait causé que davantage de stress. Mes amis étaient redevenus des inconnus et je m'étais renfermé sur moi. C'est à ce moment qu'Alessandro nous étions rapprochés. Il me changeait les idées et me laissait tranquille lorsque je lui en faisais la demande.

Mon réveil finit par sonner, m'annonçant qu'une nouvelle journée débutait. Alessandro était encore profondément endormi. Après tout, il n'était que cinq heures et demi... Je me fis couler un café, le goût était infect mais la caféine me boosterait assez pour que je tienne la journée. Je savais que mon corps supportait de moins en moins ce manque de sommeil mais il en était ainsi alors j'enfilai mon jogging et partit courir.

J'augmentai le son de ma musique, la voix de Call me karizma résonnait dans mon casque, les basses annihilaient mes émotions négatives, les renvoyant au néant. La musique me libérait alors j'allongeais mes foulées. Je courrais à en perdre haleine. Ce n'est qu'en remarquant ma vision floue que je remarquais que j'avais un besoin urgent d'évacuer mon surplus d'émotions. A ce moment précis, je décidais de continuer. J'avais mal. Mon cœur se serrait, toute ma douleur sortait de mon être, elle me brûlait les chairs, empoisonnait mon sang, brisait mon âme autant qu'elle le pouvait.

Mon alarme retentit, signe qu'il était temps pour moi de rentrer. Je ralentis et commençai à marcher pour reprendre mon souffle.

Alessandro était là, encore couché dans le canapé. Il avait cependant bougé. Un verre d'eau et un sachet d'aspirine et la serviette visiblement mouillée, posées sur la table et son front en étaient la preuve.

Il me salua d'une voix pâteuse et je le priai de se reposer, de ne faire aucun effort. Avec la gueule de bois, il ne ressemblait à rien d'autre qu'à une loque humaine... Heureusement que son agenda était vierge pour aujourd'hui, il allait avoir le temps de se remettre.

Beauté Mortelle {TERMINÉ} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant