IX

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Abandon

Cela faisait déjà deux semaines que j’étais rentré mais l’idée de tout abandonner continuai de m’obséder. En rentrant, Monsieur Arnault m’avait appelé en personne pour savoir pourquoi je n’avais pas renvoyé le contrat. Je lui avais menti et répondu que ma grand-mère était morte et que je n’avais pas eu la tête à penser à autre chose. Il avait été compréhensif et m’avait rassuré en me disant que je pouvais prendre mon temps, que je n’avais qu’à revenir le voir pour en rediscuter de mon contrat.

Je n’avais pas eu la force de lui dire que je refusais pourtant c’était ce que j’aurai dû faire. A quoi bon signer si la seule chose qui m’obnubilait était de quitter ce monde. Je n’avais plus rien à faire ici, il fallait que je trouve un moyen de retourner au cimetière.

Thalia et Alaric avait passé la première semaine ici, le temps qu’Alessandro finisse tous ses contrats. Ma mère adoptive avait cherché à comprendre et l’induire en erreur était impensable. Mes explications ne l’avaient pas convaincue mais elle avait fini par comprendre que je ne dirai rien de plus. Depuis leur départ, Alessandro se prenait pour mon père. J’étais interdit de sortie, je n’avais le droit de voir personne et il restait constamment à l’appartement pour m’avoir à l’œil.

Désormais, à mon plus grand regret, j’étais rarement seul. Il demeurait persuadé que mon souhait avait été de me suicider. Il avait tort. La base de mon geste avait été d’oublier mes tracas alors oui, maintenant je ne voyais plus aucune utilité à vivre mais ce n’était pas mon objectif premier.

Relisant ce que j’avais écrit sous l’emprise de l’alcool, je me rendis compte que ce n’était pas si incohérent. Malgré les traces de la boisson et l’absence de certains mots, je parvenais sans mal à deviner ce que j’avais voulu dire. Je déchirai la feuille et la jetai. Il me fallait la réécrire si je voulais laisser quelque chose, je la déposerais sur la table avant de partir. Après tout, j’estimai qu’ils étaient en droit de connaître les raisons de mon départ pour l’au-delà.

Alessandro toqua à ma porte et je cachai la lettre parmi un dossier administratif avant de l’inviter à entrer.

— Je vais faire les courses, j’ai pris tes clés et les miennes pour éviter que tu fasses des bêtises et j’ai cadenassé le placard à alcool. Je serai de retour d’ici une heure.

— Ça fait déjà deux semaines…

— Et alors ? Tu m’as fait la peur de ma vie, hors de question que tu puisses recommencer.

Je n’aimais pas qu’il me considère comme un enfant alors je levai les yeux au ciel et soufflai mon exaspération. Il ne dit rien et s’en alla, fermant à clef derrière ma porte de chambre puis, quelques instants plus tard, celle de l’appartement.

Ce qu’il ne savait cependant pas, c’était que j’avais fait faire un double des clés au cas-où je perdrai les miennes. Cachées dans ma table de nuit, je les attrapai et me rendis dans la salle de bain pour prendre trois boîtes de somnifères. Les médicaments ne me tueraient peut-être pas mais la suite de ce que je prévoyais s’en chargerai.

Comme souhaité, je disposai la lettre sur le bar, saisis une bouteille d’eau et quittai ce qui fus ma demeure. Sur le palier, mon cœur se serra mais au fond de moi, je savais que j’avais pris la bonne décision.

Je bougeai d’abord chez la fleuriste. Etrangement, je devais lui dire au revoir et je voulais déposer un dernier bouquet sur leur tombe.

Le carillon résonna dans une douce mélodie et le sourire de la commerçante était le même que lors de ma dernière visite.

Beauté Mortelle {TERMINÉ} Où les histoires vivent. Découvrez maintenant