Clock 2 : Froid sur l'orphelinat

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Les heures défilaient comme le vent balayait les feuilles de la cour. Il n'y avait aucune porte menant à l'extérieur, du moins, pas accessible pour les orphelins. Ils ne pouvaient qu'observer la beauté de l'autre monde depuis leurs fenêtres.

John, sur sa chaise, assis dans sa chambre, fixait les cieux.
- Comment tu fais pour être aussi joyeux ?
Le garçon reconnu la voix de Mika et ne prit pas la peine de se retourner. Il pourchassait ses rêves en regardant la couleur grise des nuages.
- Ben... J'aime respirer.
- J'ai surtout l'impression que tu inhale du dioxyde de carbone. C'est chaud, c'est mort... C'est sans saveur.
- C'est quoi le dixonide de Carmen ?
- Dioxyde de Carbone, andouille.
Mika croisa ses bras, près de son lit.
- C'est l'air que tu expulse quand tu respire. En gros, t'en a pas besoin et moi, j'ai l'impression qu'on étouffe ici.

Les aiguilles de l'horloge se déplaçaient à la même vitesse depuis toujours et résonnaient dans la tête des pauvres enfants livrés à eux même. Le son des « tic, tac » se répétait comme le bruit d'un métronome guidant les enfants à l'aveugle vers une routine des plus banales.

Les lits étaient tous faits au carré. Les enfants avaient nettoyés leurs chambres et s'étaient tous amusés au rez-de-chaussée, dans la grande salle de jeu. Mika avait fait l'effort de leur tenir compagnie plutôt que de rester déprimer dans sa chambre.
- Mika...
Nelly s'installa à côté de lui, inquiète. Elle se tenait les mains et ne le regarda pas une seule seconde dans les yeux.
- Tu sais que j'éprouve des sentiments envers toi depuis bien longtemps.
- Ouais...
- Tu me considère comme ta sœur et tu veux me rendre heureuse, hein ? Ce sont tes mots...
- Qu'est-ce que tu veux me demander ?
De ses yeux luisants coulèrent des larmes translucides.
- Je t'en prie, arrête de remettre en cause ce que nous a dit sœur Elizabeth. Je me sens patraque depuis ce matin et les enfants ont peur de ce que tu raconte.

Le garçon aux cheveux en bataille et brun détourna le regard en faisant un « tss » avec sa bouche.
- Impossible. J'en suis navré.
- Pourquoi ne veux-tu pas juste faire un effort ?
- Parce qu'on nous ment depuis le début. Tu as déjà vu tes parents ?
- Non, je suis née ici.
- Alors ils sont où ? Tu n'es pas apparue comme ça, en tombant d'un placard. Tu as été mise au monde dans cet orphelinat et tes parents sont partis ! Ils sont forcément dehors, comme les nôtres. Je te rappelle qu'avec ces choses, nous ne sommes pas plus à l'abri ici.

Les enfants levèrent tous leurs yeux en direction du plafond. Au-dessus d'eux se trouvait le couloir, là où sonnait l'horloge.
- Il est l'heure d'aller dormir les enfants !
Dans le silence, ils commencèrent à ranger leurs jouets et à monter les escaliers. Nelly, totalement désemparée, se dirigea vers le couloir en spiral, l'accès pour Mika. Elle poussait le fauteuil sans dire un mot.
- Si tu pouvais te dépêcher, soupira l'handicapé. Il ne reste plus beaucoup de temps.
Les lumières de l'étage s'éteignirent toutes. Dans la cantine dominée par un calme effrayant, la demoiselle se sentait mal. Son visage devint pâle et invisible dans les ténèbres. Ils ne voyaient plus qu'une fine ligne de lumière. Une colonne. L'interstice entre les portes battantes menant au couloir.
- Les lumières du premier vont bientôt s'éteindre. Je te prie d'aller plus vite.
- Mika...

Elle ferma les yeux et serra les dents avant de poursuivre :
- Ferme ta gueule...
Clac ! La porte s'ouvrît en faisant un bruit qui se fit entendre jusqu'aux pièces les plus éloignées à cause de l'écho. Elle continua sa route avec son camarade et l'emmena jusqu'au couloir principal. Il était vingt-deux heures et l'horloge sonna une dernière fois.
- Nelly...
- Je t'ai dis de te taire !
- Je ne plaisante plus avec toi. J'ai été cru mais je le serais bien plus s'ils nous voient. Dépêche-toi, on n'a plus le temps.
Les lustres s'éteignirent à leur tour et le couloir fut en un instant plongé dans la pénombre. Puis un sourd grognement se fit entendre.
- Ils sont là...

Lisa, debout dans la chambre, fronça les sourcils. Elle fit un bisou sur le front à John et se dirigea vers la porte.
- Tu vas où ? s'étonna un autre garçon.
- Mika et Nelly ne sont pas encore rentrés.
La chambre s'ouvrît et en sueur, l'adolescente entra en poussant le fauteuil. Puis, elle ferma derrière elle et commença à reprendre son souffle.
- Tout va bien ? Qu'est-ce que vous faisiez ? Sœur Elizabeth a pourtant été claire sur la règle. Ne jamais rester en dehors des chambres après la deuxième sonnerie !
- Mon bisou du soir ! s'exclama Janice. Je ne l'ai pas eu !
Lisa se tourna vers la petite et soupira.
- Oui... J'arrive ma belle.

Mika fut posé délicatement dans son lit et la blonde alla s'allonger dans le sien. C'était reparti pour une longue nuit entre ces murs opprimants. Une nuit cadencée par cette unique note... Rythmée par une mélodie froide et âcre. La gorge nouée, Nelly cramponnait sa couverture et fermait ses yeux en laissant les bruits du couloir caresser ses tympans.

Tic... Tac... Tic... Tac...

Le soleil se leva. La faible lumière illumina la chambre où John se leva en furie. Le petit garçon courut jusqu'à la fenêtre et l'ouvrit dans la bonne humeur. Les autres commencèrent à se lever un par un et Lisa joua son rôle de maman comme chaque matin.
- Allez les enfants ! On y va ! Je dois préparer le petit déjeuner.
Nelly ouvrit la porte et s'en alla. Intriguée, Lisa se tourna vers Mika qui roupillait toujours.
- Pourquoi elle ne t'a pas emmené ce matin ?
Ses cheveux orangés chatouillaient le cou de l'handicapé qui se réveilla en sursaut. Elle était penchée au-dessus du lit, au-dessus de lui. Les joues de Mika devinrent rouges. Pourpre comme la compote de rhubarbe. Son cœur battait la chamade. Leurs lèvres étaient si proches les unes des autres.
- Allez, sourit-elle. Je t'emmène.

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