Clock 5 : Froid sur l'orphelinat

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Cette chose était terrifiante. Cette silhouette noire en harmonie avec la pénombre et pourtant si différente. Si souple et si réelle qu'elle pouvait être vue malgré l'obscurité totale. Les roues du brancard crissaient. Les amis continuaient d'avancer. Mais cette créature était là, devant eux. Un obstacle sur leur route.
- Ho... Ho... Ho...
Shabal qui poussait le lit prit appuie sur le sol avec ses chaussures blanches. C'étaient des sortes de ballerines aux semelles non adhérentes. Lorsqu'il tenta de s'arrêter, il ne fit que glisser et le lit bascula.

John s'étala sur le sol et la perfusion s'arracha. Quelques gouttes de sang sortaient de son bras tandis qu'il restait inconscient. Jude l'attrapa pour le remettre sur le brancard que Grent venait de relever. Puis il aida Shabal à tenir debout, lui qui venait de s'éclater le coccyx sur le sol de marbre.
- Ho... Ho... Ho...
La très grande personne au chapeau d'un mètre fit un pas en avant. Ses os craquaient à chaque mouvement. Il avança tout doucement vers les enfants qui hurlèrent de peur.
- On remonte ! Vite !
Les deux mécaniciens portèrent John et ils s'en allèrent de l'autre côté.

Lisa sursauta, assise sur son lit, lorsque ses camarades entrèrent.
- Oh mon dieu vous êtes vivants !
Shabal avait perdu la bougie en chemin alors ils n'étaient que peu visibles. C'est alors que la rousse fit attention à un détail qui ne lui plaisait guère :
- Où est la perfusion ?
- John ne pouvait pas rester sur ce lit. On aurait pu y passer.
- Qu'est-ce que vous racontez ?
- On a vu quelque chose en bas... Une chose horrible.
Les murs tremblaient. Le froid faisait frissonner les enfants qui pourtant étaient cachés sous leurs couvertures.
- Personne n'a vu Rudy ? demanda Janice, perturbée.
- Pas du tout.
- Et la chaudière ? reprit Lisa.
- Quelque chose cloche, répondit Jude. Je l'ai réparée plusieurs fois et pourtant, elle s'éteint. Quelqu'un l'a sabotée.

Mika grommela à son tour :
- Ce sont les monstres. Sœur Elizabeth nous a dit que quelque chose vivait ici avec nous. Qu'ils étaient même plusieurs.
- Des âmes torturées, soupira Nelly. On devrait peut-être tous partir d'ici. On aurait dû le faire depuis le début...
- Pour aller où ? s'exclama Lisa. Arrêtez de divaguer ! La forêt est dangereuse également. Peut-être que d'autres créatures immondes rôdent autour de l'orphelinat et peut-être même pendant la journée, hein ! On n'a aucune solution.
Shabal s'adossa à la porte et croisa ses bras. Puis il jeta un œil à la fenêtre.
- Avant de fuir, on pourrait peut-être essayer d'en apprendre plus sur cet endroit. Je dois avouer que je suis curieux. Qui sont nos parents ? Où sont-ils ? Pourquoi avoir peur des ombres de la deuxième sonnerie ?
- Je refuse, soupira Mika. On risque nos vies ici.

Lisa se tourna vers l'handicapé et prit une grande inspiration.
- On en reparlera demain...
Puis elle se laissa tomber sur son lit.
- J'ai une sensation de déjà vu. Le sabotage de chaudière...
Elle écarquilla ses yeux.
- Sologne...

L'orage grondait. La pluie tombait silencieusement derrière les fenêtres. Les enfants se sont endormis dans la crainte de ne pas se réveiller le lendemain. Comme chaque soir, finalement.

John ouvrit ses yeux au petit matin. Il se sentait mal. Le monde tournait autour de lui. Les couleurs étaient différentes. Les murs étaient plus grands. Ses amis se tenaient à ses côtés, dans leurs lits respectifs.
- Lisa... murmura-t-il.
Puis il se leva brusquement.
- LISA !
Un sourire se dessina sur les lèvres du petit.
- DEBOUT TOUT LE MONDE ! C'EST L'HEURE DU PETIT DÉJEUNER !
Enfin, il se ressaisit et réveilla sa famille factice. Mika émergea doucement et sourit en voyant le petit s'exciter comme une puce.
- Calme-toi, soupira Nelly. Tu es blessé, fais attention.

Shabal se tenait devant son plan de travail. Il fixait la compote de rhubarbe. La porte s'ouvrît et il leva les yeux, sans bouger sa tête.
- Salut...
Lisa entra calmement.
- T'as pas le moral ?
- Pas trop. J'ai vu des choses cette nuit. Je ne m'en remets pas.
- C'était Sologne, hein ?
Le garçon restait inerte, face à la compote.
- C'est qui, celui-là ?
- Il y a dix ans. J'ai trop peu de souvenir pour parler de cet événement. Mais je l'ai vu. Il s'appelle Sologne... On était trop jeunes. Mais on avait des problèmes de chaudière. Sœur Elizabeth semblait le connaître.
L'adolescent se leva et prit la rhubarbe qui sortait du saladier. Il avait laissé le fruit entier à l'intérieur.
- Elizabeth nous mentait. Elle nous cache quelque chose.

Mika s'impatientait. Les enfants aussi. Tout le monde avait faim. C'était la folie dans la cantine entre ceux qui hurlaient, affamés et ceux qui parlaient des rumeurs de l'orphelinat. Certains disaient que des monstres rôdaient dans la nuit. D'autres disaient que Grent, Jude et Shabal avaient inventé ces choses de toute pièce.
- Mika ! Mika ! Mika ! Mika !
- Tu es chiant, John. Laisse-moi tranquille.
- Mais il est où Rudy ?
- On sait pas. Mais je m'en fou, c'est pas une bonne personne.
- Je l'aime bien moi...
L'handicapé sourcilla et se concentra sur l'extérieur. La pluie ne faisait toujours aucun bruit et il sentait que quelque chose n'allait pas.
- Mika ! Mika !
- FERME TA GUEULE !

Les yeux grand ouverts, larmoyants, John recula et s'enfuit en courant. Nelly s'approcha du garçon qui tremblait de peur.
- Pourquoi tu hurles ?
- L'extérieur... Comment on peut aller là-bas ?
Plusieurs oiseaux passèrent mais un seul resta en plein air, sans bouger. Il ne planait pas non plus réellement. L'animal s'était comme arrêté.
- En cassant les fenêtres ?
- Nelly...
Mika avança et commença à cogner les vitres avec ses poings. Encore et encore. Ses os craquèrent et du sang coula sur ses phalanges.
- Qu'est-ce que tu fais ? hurla la demoiselle en lui attrapant les bras.
- Nelly...

Elle écarquilla ses paupières. Le silence régnait dans la pièce. Tout le monde voyait l'extérieur grésiller. Le verre était fissuré et des milliers de lignes noires s'entassaient sur l'écran géant.
- Il n'y a pas de fenêtre...

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