Insanity

Clock 7 : Froid sur l'orphelinat

« Il avait de grands yeux... »

Les orphelins reculaient. L'atmosphère est devenue très étrange.

« Il avait un haut de forme. Un très haut de forme. »

Le bois craquait. Le parquet sous leurs pieds grinçait.
- Lisa...

« Il était silencieux de nature... »

Son visage commençait à apparaître dans le faisceau de lumière de Shabal. Le garçon faisait encore quelques pas en arrière mais Sologne avançait bien plus vite. Sa tête était tout près d'eux.

« Mais avant de partir et de laisser entrer la lumière... Il m'a dit... »

Ses yeux étaient gros, globuleux. Ils sortaient de leurs orbites. Son sourire laissait apparaître deux rangées de dents presque parfaites. Son visage et son corps étaient noirs. Comme une simple ombre matérielle.

« Si vous allumez la chaudière avant que je dorme... »

Sologne grognait. Il ouvrit un peu plus sa bouche qui se déforma. Sa mâchoire craquait. Ses bruits de gorge étaient effrayants.
- Je vous tuerais tous...
Grent hurla, lâcha son couteau et fit demi tour en courant. Shabal laissa tomber sa bougie et décida de le suivre. John, Lisa, Nelly et Mika firent de même. Sologne hurlait derrière eux, faisant trembler les murs.
- POURQUOI IL EST LÀ ? criait Grent. La deuxième sonnerie n'a pas retentit ! On est le matin !
Leur ennemi se hissait vers eux à toute vitesse, les rattrapant très vite.
- On n'est pas loin ! s'exclama Nelly, totalement essoufflée.
Elle ralentissait. Pousser Mika et courir en même temps était bien trop épuisant pour elle.
- Vite ! Venez !
Grent traversa la porte de bois et la brisa. Il roula sur le sol et cracha un peu de bile suite à son effort trop poussé.

John et Shabal retournèrent dans le couloir mais ne prirent point le temps de s'arrêter. Lisa s'arrêta devant son frère couché sur le sol et lui tendit sa main.
- Viens vite !
Nelly trébucha suite à l'attaque de l'esprit. Sa robe fut arrachée et elle se retrouva entièrement nue, sur le parquet sale, allongée. Ses fesses traînaient sur le bois car elle reculait sans se relever. Elle laissa Mika seule et commença à s'enfoncer des échardes dans le corps. Cela faisait mal. Très mal. Ils entraient dans sa peau et se cassaient au mouvement suivant.
- MIKA !
Lisa sauta jusqu'à lui et le poussa de toute ses forces. Tandis qu'elle relevait sa sœur, le garçon en fauteuil roulait jusqu'à la sortie.
- Partons !
Sologne ne put aller plus loin. Tapis dans l'ombre, caché dans l'atelier, il ne fit plus aucun bruit. Nelly était en pleurs, toute nue, recroquevillée sur elle-même.

Shabal, arrivé à la cantine, se laissa tomber sur un banc. Tout les autres n'avaient pas commencé à chercher. Ils mangeaient des compotes mal mixées, des gâteaux peu cuits et buvaient de l'eau du robinet.
- Qu'est-ce que vous foutez ici ?
- On a préparé à manger, sourit Janice. On avait faim.
- Pourquoi t'es essoufflé ? demanda Will.
- On a vu un monstre.
Les enfants gémirent de surprise.
- Arrête de mentir, tu fais peur aux gamin. déclara Will.
Lisa arriva en renfort.
- Il dit pourtant vrai. Je crois que j'ai compris quelque chose. Ils ne peuvent vivre que dans le noir. La lumière les effraie ! Ils sont déjà tout autour de nous mais ne sortent qu'après vingt-deux heures parce que les lustres s'éteignent !
Will s'approcha des rescapés de Sologne.

Grent et Mika arrivèrent peu après. Nelly s'était dirigée vers l'infirmerie, seule.
- Qu'est-ce qui se passe ? demanda le type à lunettes.
- Je ne crois pas un traitre mot de ce que vous dites. Vous êtes bien aussi fous que sœur Elizabeth.
John croisa ses bras et fronça les sourcils.
- T'es méchant, Will ! Moi aussi je l'ai vu le monstre !
- Voyez-vous ça... Vous rendez le petit complètement taré.
Puis, sous une pulsion non contrôlée, l'adolescent aux cheveux d'argent frappa de son poing le visage de Shabal, qui tomba à la renverse. Grent attrapa alors Will par le col et colla son front contre celui de son nouvel ennemi. Les dents serrées, il dit :
- Je vais te buter fils de pute.
- Allez ! Fais-le ! Tout le monde te regarde !

Les écrans qui affichaient un décor extérieur s'éteignirent. Il n'y avait plus de lumière. Les lustres étaient éteints. L'orphelinat se retrouva plongé dans la pénombre à dix heures du matin.
- Merde, c'est quoi ce foutoir ? demanda Mika.
- C'est Sologne... répondit Lisa d'une voix saccadée. Il a saboté les fusibles des écrans... Nous sommes tous devenus ses proies.
Tout le monde hurla et sauta hors de table. Les petits se bousculaient pour retourner dans leurs chambres. Les grands restaient pour trouver une solution.
- Nelly ! hurla Grent en courant jusqu'à l'infirmerie.
Will resta avec les autres, intrigué.
- Si vous avez tout planifié, je ne peux que vous féliciter. Je dois avouer que même moi, j'aurais été incapable d'aller si loin pour faire peur aux gosses.
Shabal se releva, furieux.
- Je vais te tuer. Je te le jure...
- Les gars, s'exclama Lisa. On a un autre problème.

Leurs yeux se faisaient à l'obscurité et ils pouvaient désormais apercevoir les contours d'une silhouette macabre. Sologne avançait vers eux à toute vitesse.
- TOUS À LA SALLE DES MACHINES ! hurla Mika.
Lisa attrapa les poignées de son fauteuil et l'emmena avec elle. Will, debout, face à l'esprit, sentait que quelque chose clochait. Il restait méfiant, doutant soudain de la véracité des faits.
- C'est... C'est vraiment une de vos blagues ?
- On te l'a dit ! criait Shabal au fond du couloir. C'est pas une blague !
Sologne allongea son bras gauche et balaya la pièce. L'adolescent seul fut projeté très loin. Il roula sur le sol, sur quelques mètres.
- Pardon les gars...
Du sang sortait de sa bouche lorsqu'il toussotait. Une affligeante douleur traversait ses poumons.
- Attendez...
Shabal, bon de nature, revint l'aider et le porta sur ses épaules. Secoué, Will se sentait partir. Il ne se focalisait même plus sur sa douleur. Ses pensées s'emmêlaient.
- La salle est ici !
Lisa, John et Mika entrèrent, suivis par Shabal et leur camarade.
- Lorsqu'il arrivera... On allumera toutes les lumières.

Bom... Bom...

Bom... Bom...

Les pulsations du cœur de Will ralentissaient.
- Tiens bon mon frère. soupira John. Je suis un super-héros !
- Petit... Prends soin de Lisa. De l'autre là... Et de Mika.
- Putain, même pas foutu de retenir mon prénom, rechigna Shabal.
Lisa lui mit un coup de coude dans l'épaule.
- Oui, pardon... Tiens bon, Will. On va s'en sortir. Tous ensemble.
La porte se brisa. Sologne était arrivé.
- MAINTENANT !
John baissa les interrupteurs du compteur électrique. Mais rien ne se produit.
- Qu'est-ce que...

La silhouette était gigantesque. Recroquevillée sur elle-même. Le monstre était dans la pièce avec eux. Si Grent avait été présent, ils auraient probablement pu allumer les lumières sans problème.
- On fait quoi, maintenant ? murmura Mika.
Will relâcha ses bras et fit un dernier sourire, sans prononcer le moindre mot. Puis il ferma ses yeux afin d'être emporté par les ténèbres.