Clock 3 : Froid sur l'orphelinat

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Adossé à une chaise, les pieds sur la table en inox, un blond à lunettes et aux yeux marron écrivait dans un livre ouvert.
- John.
- Présent.
Il cocha une case à côté du prénom. Puis il regarda sur la page d'à côté et recopia le nom de la suivante.
- Maya.
- Présente.
Nelly s'approcha du garçon et lui adressa un regard noir.
- Houla, tu veux me tuer ? s'étonna le garçon en tremblant.
- Non, Grent. Il fait juste... Très froid ici.
- C'est bien vrai.

Shabal et Lisa découpaient des fruits de si bon matin, réchauffés par le four. Puis, Grent entra après quelques minutes.
- Il en manque un.
- C'est Jude. Il essaie de réparer la chaudière au sous-sol. Tu veux bien lui donner un coup de main ?
Le garçon à lunettes baissa ses épaules et relâcha ses muscles, blasé.

Finalement, il descendit et salua son frère. Les deux avaient quinze ans et étaient doués dans la mécanique. Seulement, malgré son talent, Grent n'aimait pas beaucoup ça. Il se contenta simplement de regarder Jude travailler et l'aidait lorsqu'il en avait réellement besoin.
- On dirait que ça a été saboté. soupira le garçon aux dreadlocks. Si j'arrive à la redémarrer, elle risque de sauter encore une fois.
Jude usait de sa force pour visser quelque chose et enclencha un mécanisme. Des « clang » résonnaient à l'intérieur de la machine. La tuyauterie tremblait et le moteur ronronnait.
- Bon. Je suppose qu'on peut aller manger.

Quelques heures plus tard, dans la grande salle de jeu, Shabal et Lisa firent des échanges de balle sur une table de ping-pong. Ils avaient inventé un nouveau jeu qui consistait à former une phrase lors de la partie. À chaque fois que l'un d'eux tapait la balle avec sa raquette, un mot devait compléter leur « histoire ».
- Sans.
La demoiselle rattrapa la balle et l'envoya de l'autre côté en poursuivant :
- Sauce.
- Tomate.
Lisa ne sachant pas comment terminer, perdit le point.

Mika et Nelly se regardaient, éloignés l'un de l'autre.
- Tu boude ? vint demander Janice.
- Non, soupira le garçon. Tout va bien.
La petite sauta dans ses bras. Elle était assise sur ses jambes qui tremblaient.
- Tu as mal ?
- Je ne sens rien du tout. C'est juste un réflexe de mon corps.

Shabal posa sa raquette en la faisant claquer sur la table afin d'attirer l'attention des autres.
- JE REFUSE ! Avis à mes frères et mes sœurs ! Lisa m'a tiré dessus avec la balle. Si celle-ci me touche, elle a perdu, hein ?
- Je ne suis pas d'accord ! Tu aurais pu faire exprès de la laisser te toucher. Fallait la rattraper !
Un long débat éclata tandis que Janice enlaça Mika.
- Je me sens bien avec vous tous, murmura-t-elle. Vous êtes ma famille.
Les yeux de l'handicapé s'ouvrirent en grand.

Pendant ce temps, dans la structure pour enfants, John le marin faisait face à son pire ennemi, le pirate Rudy. Ils étaient sur une plateforme chacun. Entre-eux se trouvait la mer, un bassin de boules en plastique.
- Haha ! Je vais te battre !
- J'y crois pas...
Rudy plissa ses yeux et fit son visage méchant. Il ressemblait à une bête sauvage. Effrayante. Il salivait. Ses dents semblaient pointues.
- À L'ATTAQUE !
Ils sautèrent ensemble sur les cordes et se lâchèrent pour attraper leur ennemi en vol. John ayant moins de force que son camarade de jeu, se retrouva poussé vers l'arrière et plaqué par le pirate. C'est alors que tout le monde entendit le hurlement de douleur du garçon.

En courant, Nelly poursuivait Lisa et Shabal qui emmenaient John à l'infirmerie, sur un brancard. L'arrière de son crâne avait tapé une barre de fer sortant de la structure. Il divaguait mais était toujours en vie. Sa main se posa sur celle de la rousse en panique.
- Li...Sa...
- N'abandonne pas tes forces, John ! Je t'en prie ! Tiens bon !
L'enfant se souvenait des paroles de la sœur Elizabeth :

« Rudy ne sera jamais ton ami. Vous devrez le surveiller, il a des pulsions très étranges. Ce garçon n'est pas méchant volontairement. Mais il est le mal incarné. »

Sa gorge s'asséchait. Impossible pour le petit John de faire sortir un son de sa bouche. Seules ses lèvres bougeaient et Shabal put lire dessus :
- Je voulais juste jouer...
Le brancard percuta la porte qui s'ouvrît suite au coup et Lisa attrapa le matériel médical. Elle avait des seringues dans les mains, des médicaments et un tas d'autres outils.
- Je... Je ne sais pas quoi faire avec tout ça !
- Une perfusion ! Donnons lui ce produit.
- Tu ne sais même pas ce que tu fais !
- Au moins, j'essaie de sauver mon petit frère...
L'oreiller était taché de sang. Le blanc laissait petit à petit place à un pourpre poignant. Cette couleur à la fois majestueuse et ténébreuse maculait le reste du lit. John fermait petit à petit ses yeux.
- Sauvez-le ! Vite !
C'étaient les derniers mots qu'il put entendre avant de s'évanouir.

Peu après, Mika entra, poussé par Nelly.
- Comment va-t-il ?
- On ne peut pas dire qu'il va s'en sortir sans séquelles mais il devrait aller mieux en se reposant.
- On ne va pas pouvoir le laisser là. Ça sonne dans deux heures.
Grent entra aussitôt dans la pièce, les mains dans les poches.
- Alors on devra l'emmener dans votre chambre. C'est ça ou la mort pour ce bout de chou. À vous de prendre la bonne décision.
- Vous croyez qu'il reste des bonbons ? demanda Lisa.

Nelly s'adossa à un mur et croisa ses bras. Puis elle jeta un œil aux médicaments, ne sachant pas où regarder.
- Je ne pense pas. Peut-être en réserve.
- Vous pourriez y aller demain ? Ce serait l'occasion de remonter le plus d'affaires possibles pour tenir encore quelques jours sans y retourner.
- On doit nourrir cinquante personnes, c'est pas en y allant à trois qu'on changera les choses. Puis personne ne sait où cette réserve se trouve.
- Bon... On verra lors de son réveil. En attendant, je vais aller blâmer Rudy.
- Ce gamin me fout les jetons, soupira Shabal. Il est complètement cramé.

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