Rencontre au cimetière

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Rencontre au cimetière

Mon nom est Grégory. Je n'ai jamais raconté mon histoire à quiconque. Vous êtes les premiers à qui je la confie mais je vous fais confiance. Mes semblables en sont parfois déroutés mais je me montre très secret avec eux. J’ai besoin de conserver le mystère qui m’entoure pour survivre. Je suis un solitaire, je me mêle jamais aux autres monstres, car cela ne fait aucun doute qu’ils en sont tous et que moi aussi, j’en suis un.

L’une de nos capacités étranges consiste à pouvoir voyager dans le temps. Je l’utilise souvent…surtout pour revoir mon ancienne vie je l'avoue. Malheureusement, cela implique aussi de revivre continuellement ce jour noir qui a gâché mon existence et a durcit mon cœur. Les autres ne comprennent pas ma réaction, ils se demandent pourquoi je suis toujours seul et fuis leur compagnie, alors ils en ont déduit que j’étais cinglé. Même les femmes comme moi, qui me tournaient autour au début, ont finies par se décourager, lassées de la distance que je mettais entre elles et moi.

Ma vie est devenue bien fade. Je m’habille le plus souvent en noir, non pas pour paraître effrayant comme certaines adolescentes stupides se le figure mais parce que j’ai l’impression d’être en permanence en deuil. Je parcours les cimetières de temps en temps et m’arrête sur leur tombe. Celle de mes parents. Mes parents qu'Ils ont tués.

Qui a dit que les êtres comme moi ne peuvent pas pleurer ? Oh si nous le pouvons, même si nous versons uniquement des larmes de sang (c'est de là que vient le mythe), nous sommes capables d’éprouver de la tristesse.

Près de cette tombe partant en poussière, sans aucune fleur pour venir l'égayer, c’est là que j’ai rencontré cette fille.

Elle sanglotait sur un bouquet de roses blanches qu’elle avait apporté à sa grand-mère, récemment décédée. Sans trop savoir pourquoi, sa peine me toucha encore plus que celle des pauvres gens qu’il m’arrivait de croiser ici, sans qu’ils me remarquent jamais bien sûr. C’était toujours comme ça. Ulrick, mon seul « ami » disait que c’était parce que nous étions devenus aussi inconsistants que des fantômes.

Quoi qu’il en soit, sa tristesse me toucha et je me dirigeais vers elle, curieux de voir son visage. Tout ce que j’apercevais d'elle, c’étaient ses très longs cheveux d’une noirceur incomparable qui formaient un halo autour d'elle, l’enveloppant toute entière. Elle tremblait de froid. Moi aussi j’aurais frissonné si j’avais été encore vivant me pris-je à penser …

J’allais lui poser une main sur l’épaule, sachant pourtant pertinemment qu'elle ne la toucherait jamais et serait repoussée comme par un vent invisible, lorsqu’elle se retourna brusquement.

Je me figeais, la bouche ouverte sur une exclamation de surprise. Elle me regardait droit dans les yeux. La jeune femme ferma les paupières puis les frotta énergiquement comme si quelque chose la gênait.

- Tu as trop pleuré c'est malin marmonnais-je.

- Sûrement pas bougre d’imbécile, c’est juste cette satanée allergie qui recommence  ! Qui vous as permis de me tutoyer d'ailleurs ? s’énerva-t-elle en rouvrant un œil.

Je fis un pas en arrière, atterré.

- Je…vous…vous pouvez me voir ? questionnais-je avec stupéfaction.

- Très drôle ! se moqua-t-elle. J’imagine que vous êtes là depuis longtemps. Le spectacle doit vous avoir plu ! s’agaça-t-elle en remontant son col comme il commençait à neiger.

Son corps parfait semblait avoir été sculpté dans la glace songeais-je, mon regard dérivant sur ses yeux marron-gris irréels. Elle portait un manteau d’une blancheur éclatante qui jurait avec la couleur de ses cheveux.

VengeuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant